Les entreprises familiales se caractérisent par leur vision de long terme et les valeurs qu’elles véhiculent, qui ne sont pas uniquement financières. Dans un monde où tout s’accélère, ces entreprises sont néanmoins confrontées au défi de la cohésion à plusieurs niveaux : transmission, gouvernance et fidélisation des salariés.
Par Marie-Lorraine Henry et Ghislain Baboin-Jaubert, avocats associés chez Fidal Paris
Dans les entreprises familiales, les problématiques de transmission ne sont pas nouvelles. Dans certains pays, on parle même de « loi des trois générations » : le père crée l’entreprise, le fils maintient l’activité et le petit-fils dilapide la fortune familiale ! Heureusement, cette loi n’a rien de fatidique, bien au contraire ! Pour y échapper, un seul remède : prendre les choses en main.
Transmission d’entreprise : question d’optimisation
Qui dit entreprise familiale, dit naturellement transmission aux générations suivantes. Pourtant, cette opération ne va pas toujours de soi. D’une part, les enfants peuvent avoir d’autres projets. D’autre part, même lorsqu’ils souhaitent reprendre l’activité de leurs parents, les frais de succession dont ils doivent s’acquitter peuvent être élevés. Pour répondre à cette seconde difficulté, une solution existe : le pacte Dutreil. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un dispositif permettant de transmettre son entreprise à ses enfants en bénéficiant d’une exonération fiscale à concurrence des trois quarts de sa valeur.
Attention toutefois : un pacte Dutreil ne s’improvise pas ! Ce dispositif doit être préparé en amont, idéalement 6 ans au moins avant la transmission de l’entreprise. Ce pacte repose sur un engagement collectif associé à un pourcentage minimum de détention du capital, aussi bien pour le donateur que pour le bénéficiaire. Dans le cas où un pacte Dutreil n’aurait pas pu être mis en place avant le décès, il reste possible soit de conclure un engagement collectif de conservation pour assurer la transmission de l’entreprise aux héritiers postérieurement au décès, soit encore d’avoir recours à un dispositif permettant de limiter la durée d’engagement sous certaines conditions.
Gouvernance familiale : question d’entente
Lorsque la transmission est sur le point d’être opérée ou a déjà été réalisée, se pose la question de la gouvernance, en particulier dans les familles où la descendance est nombreuse. Cette problématique est devenue complexe au cours des dernières décennies avec notamment l’allongement de la durée de vie et la multiplication des familles recomposées. Il est alors fréquent que certains héritiers souhaitent s’impliquer dans le développement de l’activité familiale tandis que d’autres préfèrent se tourner vers leurs propres projets.
Pour anticiper cette situation ou répondre aux inévitables tensions qu’elle engendre, l’important est d’éviter aux « actionnaires-héritiers » d’être « prisonniers » de leur situation. La solution : organiser un cadre, défini par une charte familiale, permettant aux membres de la famille de s’échanger entre eux des parts de l’entreprise. Le but : organiser une « respiration du capital » de l’entreprise, les personnes les moins actives pouvant revendre leur participation aux plus impliquées, qui pourront ainsi garder le contrôle actionnarial de l’affaire familiale.
Attirer et retenir des talents : question d’ambiance et de valeurs
Dernier défi, qui touche principalement les PME familiales : parvenir à recruter et retenir des talents. La tâche est parfois simple : certains salariés se tournent d’eux-mêmes vers ces entreprises car ils y trouvent un cadre de travail à taille humaine. Leur parole est écoutée et leurs décisions ont une application plus concrète que dans les grands groupes internationaux. La société familiale est par nature incarnée par des actionnaires connus des salariés.
En revanche, l’ouverture au capital peut être un sujet délicat à appréhender dans les groupes familiaux. Il est parfois difficile de proposer aux salariés d’entrer au capital puisque l’opération serait dilutive pour la famille et que ces entreprises ne sont généralement pas cotées. Encore une fois, il existe des solutions au nombre desquelles peut être citée l’attribution d’« actions de préférence rachetables » lorsqu’un événement survient, notamment en cas de départ du salarié. Mais ce sont surtout les autres avantages proposés à tous les salariés qui peuvent permettre de les fidéliser : primes et participation aux valeurs de l’entreprise, ce qui crée de la cohésion entre les équipes et accentue cette ambiance familiale fédératrice.
En somme, les défis que doivent relever les entreprises familiales sont nombreux, mais à chaque problème existe une solution. L’important est de se poser les bonnes questions et d’y apporter les réponses adéquates pour assurer l’avenir de l’entreprise. La transmission, l’entente familiale et la fidélisation des salariés sont les enjeux les plus courants, mais chaque entreprise familiale fait face à ses propres problématiques. Un accompagnement sur-mesure reste donc la véritable clé du succès !