« Et si l'élection européenne pouvait sauver les arbres ? La future PAC va-t-elle dynamiser ou dynamiter l'adoption de l'agroforesterie à l'échelle européenne ? ». C'est l'un des nombreux enjeux de la Déclaration de Montpellier, adoptée puis publiée à l'issue du 4e congrès mondial d'agroforesterie.
Plus d’un millier d’experts de 100 pays ont en effet appelé à un changement profond du système alimentaire mondial pour en limiter les impacts négatifs sur notre planète.
L'agroforesterie, ont-ils convenu, a un rôle essentiel à jouer dans cet effort. Ce congrès était organisé, pour la première fois en Europe, par le Cirad et l'Inra, en partenariat avec World Agroforestry, Agropolis International et Montpellier Université d’Excellence.
Durant ce 4e congrès, plus de 300 communications et 600 posters ont présenté les dernières avancées de la recherche en agroforesterie, révélant la puissante efficacité des associations entre arbres et cultures. « Ajouter des arbres aux champs de culture et aux pâturages contribue à la biodiversité, tout en maintenant ou en renforçant la sécurité alimentaire et la nutrition », précise Emmanuel Torquebiau du Cirad, président du comité d’organisation du congrès. De plus, « cela conduit souvent à accroître la rentabilité des exploitations, à atténuer les effets du changement climatique et à s’y adapter, tout en optimisant la gestion de l’eau et en restaurant les sols », poursuit Christian Dupraz, directeur de recherche à l’Inra et président du comité scientifique du congrès.
Les participants ont appelé, à l’issue de l’événement, les décideurs publics et privés à un changement en profondeur de la gouvernance, de l’éducation et de la finance afin d’accélérer l’adoption de systèmes agroforestiers. Ils ont adopté la « Déclaration de Montpellier », intitulée « Make our planet treed again ! » (Notre planète a besoin d’arbres !)
« L’agroforesterie gagne du terrain dans le monde entier. Mais jusqu’à présent, c’était surtout une histoire agricole au Sud », selon Patrick Worms du World Agroforestry, président de la Fédération européenne d’Agroforesterie. Pour la première fois, ce congrès mondial a rassemblé un nombre égal de participants de régions tropicales et tempérées, « où le regain d'intérêt pour l'agroforesterie est plus récent ».
Pour Diaminatou Sanogo, directrice de l’Institut sénégalais de recherche agronomique (ISRA), l’essentiel est de s’assurer que les politiques sécurisent les moyens à mettre en œuvre. « Le président du Sénégal a récemment exprimé le besoin d'une transition vers l'agro-écologie et a demandé aux institutions spécialisées de réfléchir à la question. Avec l'agroforesterie, nous pouvons réaliser cette intensification agro-écologique ». Elle s’est réjouie que son équipe de recherche ait remporté le prix du meilleur poster dans la catégorie « changement climatique ». « Cette innovation en agroforesterie permet aux agriculteurs du bassin arachidier d'accroître leur sécurité nutritionnelle et leur résilience ». L’utilisation intelligente des essences indigènes avec les cultures permet d’accroître fortement les rendements tout en réduisant l’utilisation d’engrais.
Chad Frischmann, directeur de recherche du projet Drawdown, a d’ailleurs souligné que « 12 des 20 meilleures solutions pour le climat se trouvent dans les systèmes alimentaires, et beaucoup d’entre elles concernent les arbres et l’agroforesterie ».
Pour Stephen Briggs, producteur britannique en agroforesterie : « Il existe un intérêt croissant pour l'agroforesterie à l'échelle mondiale et locale au niveau de l’UE en tant que système offrant une plus grande résilience économique et de production, ce qui est important pour faire face aux effets du changement climatique. Pour favoriser l'adoption future de l'agroforesterie, nous avons maintenant besoin des réseaux d'agroforesterie locaux, régionaux et mondiaux, car les agriculteurs apprennent mieux des autres agriculteurs »
« Avec l’agroforesterie, nous proposons des systèmes agricoles plus complexes mais beaucoup plus riches et performants, plus proches de la nature. C’est un changement radical par rapport à la simplification et à l’artificialisation récente de l’agriculture mondiale », a rappelé Christian Dupraz. « Face à cette complexité, nous pouvons avoir le sentiment que plus nous apprenons, moins nous en savons. C’est pourquoi nous avons besoin de collaborer et d'encourager les collaborations transversales à tous les niveaux », a résumé Tristan Lecomte, président de PUR PROJET lors des conclusions du congrès.
« Il est important que l’agriculture de demain imite les processus des écosystèmes naturels afin que certains services que nous rendait autrefois la nature puissent être fournis par l’agriculture. L’agroforesterie peut relever ce défi », conclut Emmanuel Torquebiau.