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Les critères ESG devraient devenir la norme

Le point de vue de Laurent Ramsey, Associé du groupe Pictet et CEO de Pictet Asset Management

Les objectifs de marges bénéficiaires et de chiffre d’affaires constitueront toujours des indicateurs clés de la réussite future d’une entreprise. Mais comme l’attitude des investisseurs vis-à-vis de l’environnement et du bien-être social change, et comme le flux d’informations relatives aux entreprises devient difficile à gérer, ces mesures auront moins d’influence sur l’allocation du capital.
L'attention se tourne en effet toujours plus vers la manière dont les entreprises abordent les questions ESG. Ces facteurs jouent d’ailleurs déjà un rôle majeur dans la capacité des entreprises à lever des fonds et à générer des bénéfices, et elles réalisent qu’une atteinte à leur réputation peut s’avérer fatale.

Les investissements intégrant les facteurs ESG sont devenus l’un des segments les plus dynamiques, avec 12% de croissance par an. La rapidité et l’ampleur de cette ascension ne sont d’ailleurs pas sans rappeler l’essor de l’investissement passif et son impact sur les fonds indiciels (ETF) mondiaux, qui ont été multipliés par 10 depuis 2005.
Plus de la moitié des actifs sous gestion mondiaux devraient ainsi intégrer les facteurs ESG d’ici la fin de l’année. Et si le rythme d’adhésion à ces facteurs se maintient, cette proportion atteindra deux tiers d’ici 2020, avec différents degrés d’intégration.

Les dispositions mises en place par les Etats contre le réchauffement climatique et la pollution, et par les autorités de surveillance financière, ainsi que  la transparence accrue envers les investisseurs exigée par les grands investisseurs institutionnels, ont renforcé les critères ESG, qui pourraient bien devenir la norme en matière d’investissement. Avec quelles incidences sur la stratégie des entreprises et les marchés financiers ?


De nouvelles responsabilités

Cette prise de conscience va obliger les entreprises à intégrer les critères ESG pour attirer clients et investisseurs, et ainsi leur éviter les interventions inopinées et potentiellement coûteuses des autorités.

Ne pas agir comporte en effet des risques et 5 géants pétroliers en ont fait les frais quand la ville de New York les a assignés en justice en janvier 2018 et leur a réclamé plusieurs milliards de dollars de dommages-intérêts pour leur contribution au réchauffement climatique. Et ce n’est pas un cas isolé, puisque plus d'une centaine de procès sur le sujet sont engagés chaque année.

Face à de telles pressions, les entreprises deviennent plus attentives à leur légitimité et à la confiance du public. Les sociétés technologiques, par exemple, renforcent les contrôles de confidentialité des données ; et elles pourraient d’elles-mêmes revoir leur contenu et collaborer avec les autorités sur les questions de sécurité nationale. Parallèlement, l’industrie agroalimentaire se voit imposer de protéger la santé publique, via des taxes sur les aliments les moins sains et des objectifs de restrictions caloriques.

Mais l’essor de l’ESG ne va pas en rester là. Des taxes sur les robots pourraient venir compenser les pertes d’emplois dues à l’automatisation et les entreprises devoir contribuer au financement d’un revenu minimum universel pour lutter contre les inégalités salariales. Certains projets pilotes sont d’ailleurs déjà en place, à l'image du programme mené à Stockton en Californie par le cofondateur de Facebook, Chris Hughes.


Et les entreprises les plus soucieuses de durabilité voient déjà leurs efforts récompensés

Des recherches universitaires montrent que des facteurs ESG positifs réduisent la volatilité des bénéfices et améliorent le rendement des capitaux propres, ce qui favorise les valorisations boursières à long terme, avec à la clef des rendements moins volatils pour les investisseurs.
Les facteurs ESG influent également sur le coût du capital, qu’il s’agisse d’actions ou d’obligations. D’après Standard & Poor’s, les risques environnementaux ont été l’une des raisons ou la raison principale du changement de notation de 299 entreprises sur 2 ans.

Comme l’intégration des critères ESG devient la norme, les investisseurs vont récompenser les entreprises «vertes» aux dépens des pratiques moins durables, à la fois en leur allouant davantage d’actifs et en accordant plus de valeur à leurs immobilisations incorporelles, ce qui va avoir des répercussions directes sur le coût du capital.

Si les arguments financiers en faveur de l’investissement durable - tels que la sélection d’entreprises plus résistantes et viables à long terme - tiennent la route, les entreprises qui ne suivront pas verront leurs performances diminuer, car cela deviendra pour les investisseurs non plus seulement des facteurs purement éthiques, mais cela fera partie des fondamentaux. Le cabinet de conseil en investissement Mercer estime d’ailleurs que l’essor de l’investissement environnemental pourrait réduire la performance du secteur du charbon à 1,7% par an et augmenter celle des producteurs d’énergies renouvelables à 10,1% par an.

En outre, les fournisseurs d’indices étudient la possibilité d’exclure certaines sociétés des indices traditionnels, comme les fabricants d’armes controversées, pratique qui s’alignerait sur celle des investisseurs. Ces entreprises pourraient alors avoir plus de difficultés à lever des fonds et cet impact pourrait être accentué par l’envolée récente de l’investissement passif.

Il est donc possible de créer un cercle vertueux qui récompense les entreprises axées sur la durabilité et leurs investisseurs, avec un impact sur la planète. Mais cela implique de joindre l’acte à la parole via des mesures ESG concrètes. Le défi, pour les entreprises cotées et non cotées, est de mesurer avec exactitude les efforts déployés en matière de durabilité dans des rapports complets et normalisés.

Les Etats semblent aussi favorables à cette évolution. Partagés entre les contraintes budgétaires et l’augmentation des dépenses sociales, ils encouragent les entreprises et les investisseurs à adhérer aux principes ESG. Une meilleure gouvernance pourra donc d’elle-même porter ses fruits, à condition de persévérer.

www.am.pictet/fr/france

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