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La Turquie est-elle « le canari dans la mine de charbon » ?

Par Brendan Mulhern, Stratégiste Global chez Newton IM - BNY Mellon IM

La Turquie figure en tête d’affiche de ces pays qui, depuis plus d'une décennie, ont largement bénéficié des liquidités mondiales abondantes et bon marché. Depuis le pic du dernier marché haussier du dollar américain en 2001, les dysfonctionnements de la finance mondiale ont donné à la Turquie les moyens et le crédit nécessaires pour consommer plus qu'elle ne produit : on en observe les conséquences au niveau de son déficit courant persistant.

Le resserrement des conditions financières mondiales entre 2012 et début 2016 a entraîné une amélioration du déficit du compte courant de la Turquie. Toutefois, à mesure que ces mêmes conditions financières mondiales se sont assouplies de nouveau à partir du milieu de 2016 et que les ressources financières deviennent plus facilement disponibles, le déficit a recommencé à se détériorer. Le compte courant cumulé reflète en effet la hausse des intérêts financiers du reste du monde vis-à-vis de l'économie turque.

Augmentation du passif

Cette montée en puissance du passif étranger est visible dans les bilans des sociétés turques. Les emprunts des entreprises turques libellés en devises étrangères ont plus que doublé depuis la crise financière mondiale : la dette libellée en dollars américains s'élève à plus de 200 Mds$ et la dette libellée en euros à 100 Mds€ 

Le resserrement des conditions financières mondiales, auxquelles s’ajoutent des besoins de financement importants et la détérioration du contexte politique, signifie qu'il existe une possibilité très réelle que la situation se soit transformée en une véritable crise de confiance dans l’économie turque. Dans le passé, de tels scénarios ont précédé la fin violente de la structure financière et économique du pays en question.

La Turquie a-t-elle une alternative à la faillite ? C'est possible, mais malgré l'affirmation du président Erdogan - "ils ont des dollars, nous avons notre peuple, notre droit, notre Allah" - c’est avant tout une question de devise dure dans l’immédiat : si la structure économique et financière existante de la Turquie doit survivre, elle a besoin d'avoir accès à des dollars américains. Cela est peu probable tant que la Fed n'aura pas terminé sa phase de resserrement, et, même dans ce cas, éviter un "effondrement" dépend d'un retour de liquidités avant que la crise de liquidité ne se transforme en crise de solvabilité.

La Turquie doit-elle être considérée comme un événement isolé ou s'agit-il d'un de ces canaris financiers dans une mine de charbon ? D'une part, il est clair que la politique locale et l’attitude belliqueuse adoptée par Erdogan en politique extérieure ont contribué à la baisse des actifs turcs. Ceux qui pensent que ces facteurs ont été le principal moteur du mouvement de vente affirment que la Turquie est en train de faire faillite pour des raisons idiosyncratiques, et maintiennent donc que les investisseurs devraient rester prudents face aux nombreux risques.

D’après nous, il ne fait guère de doute que la nature prolongée de la bulle turque a donné lieu à d’importants déséquilibres structurels, un capital mal-alloué et des excès financiers. Le risque est que, si le marché continue à obtenir des rendements plus élevés sur les actifs turcs afin de compenser les risques accrus, ces mêmes excès financiers pourraient s'avérer insoutenables. Si Erdoğan adopte une approche plus favorable au marché dans les relations internationales et une approche plus orthodoxe en matière de politique fiscale nationale, peut-être que les rendements turcs baisseront à un niveau où les coûts de financement sont compatibles avec le maintien du statu quo.


La liquidité mondiale dans la tourmente

Cependant, nous entendons aujourd’hui un autre son de cloche, celui qui considère la Turquie comme le symptôme d'un problème de liquidités plus large à l'échelle mondiale. Les données indiquent de plus en plus clairement que l'environnement monétaire expansionniste, d'achat aveugle d'actifs financiers (ou la spéculation) et d'augmentation des prix des actifs / tendances haussières a pris fin. Selon cette hypothèse, la baisse des prix des actifs turcs s'accompagne d'une vente, plutôt que d'être considérée à contrario comme une opportunité d’achat. De plus, bien que la Turquie soit l'exemple le plus frappant de cette tendance à ce jour, nous estimons que cette tendance prend de plus en plus d’ampleur, marquant un départ significatif par rapport à la dynamique du marché observée en 2017.

Les baisses de plus en plus généralisées des prix des actifs (comme celles que l'on observe actuellement avec le plus d'acuité dans les actifs turcs) sont susceptibles d'entraver encore davantage l'expansion des bilans et la prise de risques au sein du système financier mondial, ce qui pèse sur les perspectives de croissance nominale et les prix des actifs. La faiblesse récente des cours des actions des banques européennes (notamment en Espagne, mais aussi en France et en Italie) reflète leur forte exposition aux créanciers turcs.

Selon nous, la sensibilité boursière des banques européennes aux difficultés actuelles de la Turquie est la manifestation par les marchés financiers de la manière dont la contagion se joue à travers le système financier plutôt qu'à travers l'économie réelle.

www.newtonim.com/

 

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