Les « actions concrètes » publiées fin mai par la Commission européenne sont des avancées majeures. Elles concernent aussi bien les investisseurs institutionnels et gérants d’actifs que la distribution auprès des particuliers épargnants.
Le point avec Éric Van La Beck, Directeur du Pôle ISR chez OFI
La publication fin mai par la Commission européenne de ses « premières actions concrètes permettant au secteur financier de l'UE de montrer la voie vers une économie plus verte et plus propre » est un signal fort de la volonté d'avancer vite sur le nécessaire alignement de la finance en Europe avec l’objectif climat européen. Les actions décidées font suite au lancement en mars dernier du Plan d’action sur la finance durable de l’UE. Plusieurs priorités ont été identifiées et l’essentiel des mesures devraient être prises d’ici fin 2019.
La notion de responsabilité fiduciaire enrichie
Atteindre l’objectif de l’Accord de Paris pour 2030 nécessite, pour l’UE, 180 Mds€ d’investissements supplémentaires. Dans cette optique, drainer l’épargne institutionnelle est un enjeu primordial. La future législation proposera de clarifier la notion de responsabilité fiduciaire des investisseurs institutionnels, notamment par l'intégration de facteurs ESG dans leurs processus de d’investissement.
En demandant aux gestionnaires d'actifs et investisseurs institutionnels de démontrer comment leurs investissements s'alignent sur l’objectif climat, la Commission européenne intègre les enjeux ESG dans la notion de responsabilité fiduciaire de l'investisseur. En complément, la Commission européenne souhaite définir, à travers une réglementation spécifique, des indices de référence correspondant à une faible intensité carbone. Une nouvelle catégorie d’indices sera ainsi proposée. Elle comprendra un indice bas carbone (ou la version « décarbonée » des indices standard), mais aussi un indice de référence correspondant à un bilan carbone positif (contribution positive à l’atteinte du scénario limitant le réchauffement en deçà de 2° C).
Les conseillers financiers seraient amenés à sensibiliser les particuliers
Mais la Commission européenne a mis aussi l’accent sur l’épargne des particuliers et a indiqué que ce chantier était prioritaire. Cette initiative est majeure car elle impliquerait de revenir sur les textes européens qui encadrent la distribution de produits financiers (les directives MIF et Distribution d’assurances en particulier). Les conseillers financiers, lorsqu’ils évalueront l’adéquation d’un produit aux besoins de leurs clients, seraient tenus de les interroger sur leurs préférences concernant les critères ESG ou éthiques. Cette nouvelle démarche ambitionne de sensibiliser les particuliers à la prise en compte de leurs aspirations en matière de développement durable, avant la souscription de produits d’épargne.
Dans cette perspective, la Commission européenne s’est engagée à élaborer une classification (« taxinomie ») des activités « durables sur le plan environnemental ». Elle servira de base à la future mise en place de normes et labels pour les produits financiers durables. Précisément, la taxonomie déterminera quelles conditions techniques les activités économiques devront respecter pour être considérées comme contribuant positivement à l'un des objectifs environnementaux suivants : réduction et adaptation au changement climatique, utilisation durable et protection des ressources hydriques et marines, transition vers une économie circulaire, prévention des déchets et recyclage, prévention de la pollution et protection des écosystèmes.
Il est également prévu, dans un deuxième temps, que les « Green bonds » fassent l’objet d’un suivi plus précis. Ceci afin d’assurer le fléchage et le cantonnement des sommes recueillies vers des projets exclusivement verts et évaluer l’impact réellement durable des projets financés, notamment par la mise en œuvre du cadre proposé par les « Green bonds Principles ». De même, la Commission européenne envisage que les règles qui encadrent les agences de notation de crédit, mais aussi les normes prudentielles des banques, intègrent des critères de durabilité.