La première des trois lois de la robotique formulées par Isaac Asimov stipule qu’un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger.
Pour Miyuki Kashima, responsable de la gestion d’actions japonaises chez BNY Mellon, les développements en cours au Japon transcendent la loi d’Asimov.
Imaginez la scène : une usine obscure, le bruit incessant des machines, des robots œuvrant inlassablement dans la nuit à la fabrication… d’autres robots. Pas de lumière, pas de repos, pas de pause ni d’interruption, juste l’efficacité constante et implacable du cycle de production.
Pour Miyuki Kashima, responsable de la gestion d’actions japonaises chez BNY Mellon, il ne s’agit pas d’une projection dystopique de l’avenir. Bien au contraire, cette description illustre parfaitement l’une des approches retenues par le Japon pour faire face à ses enjeux démographiques. À mesure du vieillissement de la population japonaise, le pays devra recourir de plus en plus à l’automatisation et aux nouvelles technologies pour combler l’écart de production. Il en résulte que les robots vont devoir assumer des fonctions précédemment remplies par des personnes et même construire d’autres robots dans le noir si nécessaire.
Les chiffres de l’emploi et les projections de la population active étayent ce constat. Miyuki Kashima souligne l’envolée du rapport emplois/candidats, tandis que le taux de chômage s’est effondré avec la reprise de l’économie japonaise dans le sillage de sa longue récession post bulle. Cependant, malgré l’entrée (espérée) de davantage de femmes sur le marché du travail, la population active devrait plafonner au cours des dix prochaines années. Le resserrement du marché du travail associé à la tendance structurelle au vieillissement de la population posent les bases d’un avenir qui passera nécessairement par une automatisation accrue.
Une efficience optimale
Au-delà du sujet de la robotique, Miyuki Kashima met en avant une autre tendance portée par les avancées technologiques susceptible d’avoir un impact significatif sur l’investissement : la connectivité. Au Japon, l’Internet des objets (IdO) trouve un terreau fertile et naturel pour se développer. En effet, le pays se distingue notamment par un biais culturel en faveur de l’efficience et des solutions hi-tech à une myriade de problèmes. À cet égard, Miyuki Kashima cite l’exemple type du fameux train à grande vitesse japonais, dont le retard cumulé sur 1 an s’élève à seulement 0,9 minute, alors même que le réseau compte 342 départs quotidiens dans l’un des pays du monde les plus exposés aux tremblements de terre et aux typhons.
Cette efficience caractérise même des domaines plus courants de la vie quotidienne. Miyuki Kashima souligne par exemple que les distributeurs automatiques au Japon sont rarement, voire jamais, en panne. « Il n’existe aucune culture du vandalisme dans le pays, et le taux de criminalité pour les délits mineurs ou les crimes plus sévères compte parmi les plus faibles au monde. Cette caractéristique prend toute sa portée si vous envisagez le mode de fonctionnement de l’IdO dans la vie réelle. Compte tenu de sa situation démographique, le Japon offre une alliance parfaite entre demande robuste et environnement favorable. »
Dès lors, il n’est guère étonnant de constater que de nombreuses entreprises japonaises cherchent à tirer profit des tendances mondiales de la connectivité et de l’automatisation. Nidec, le fabricant de servomoteurs rentrant dans la composition des robots, en constitue un bon exemple dans le portefeuille de la stratégie BNY Mellon Japan All Cap Equity gérée par Miyuki Kashima. Bien que ce segment ne représente qu’une petite partie de l’activité actuelle de Nidec, le potentiel de croissance est considéré comme significatif, selon Miyuki Kashima. Il en va de même pour l’activité de l’entreprise sur le segment des instruments utilisés dans l’électrification automobile, d’ores et déjà prépondérante. Parallèlement, au sein de la stratégie Japan Small Cap Equity Focus, Sanken représente l’une des principales positions du portefeuille. L’entreprise conçoit et fabrique un large éventail de produits, allant des semi-conducteurs aux diodes, en passant par les microcontrôleurs et les convertisseurs, tous susceptibles de trouver une application dans le développement de la connectivité, en particulier au sein du secteur automobile, où leur pertinence est déjà démontrée.
La gérante souligne que le secteur des entreprises dans son ensemble est désormais mieux positionné pour répondre à la demande de nouvelles technologies. Après des décennies de sous-investissement et de recul de la productivité, les entreprises japonaises ont renoué avec des bénéfices record, et disposent ainsi du capital nécessaire pour investir. D’après Miyuki Kashima : « Le potentiel est indéniable pour les entreprises japonaises, qui sont idéalement positionnées pour dépasser leurs concurrents mondiaux. Nous n’avons pas été des pionniers de la connectivité mais, compte tenu des résultats contrastés de la première génération de l’IdO, ce n’est pas nécessairement un point négatif. Cela pourrait même nous donner un avantage. »
Chiens, chats et compagnie
En dehors du secteur de la technologie, M. Kashima met en avant un autre domaine, certes plus surprenant, qui pourrait s’avérer attrayant en termes de performances futures pour les investisseurs : l’assurance des animaux domestiques. Si le Japon n’est pas nécessairement connu comme le haut lieu des animaux de compagnie (seulement 37% des ménages ont un animal domestique, un niveau bien inférieur à la moyenne mondiale de 56% footnote] GFK, 24 mai 2018[/footnote]), les dépenses moyennes sont clairement orientées à la hausse dans ce secteur. Pour Miyuki Kashima, cette particularité s’explique peut-être par le taux de natalité chroniquement faible du Japon : les individus reportent leur trop plein d’affection (et leurs revenus disponibles) sur leurs animaux de compagnie en lieu et place de leurs enfants.
À cet égard, il convient de souligner tout particulièrement la faiblesse du taux de pénétration de l’assurance animaux de compagnie sur le marché japonais. D’après la société d’études de marché Fuji Keizai, plus de 1,23 millions de polices d’assurance animaux de compagnie étaient en vigueur au Japon à fin 2016. Selon Nomura Research Institute, le marché actuel de l’assurance animaux de compagnie atteindrait actuellement plusieurs dizaines de milliards de yen au Japon. Si l’on compare ces chiffres au marché britannique, dont le marché avoisine actuellement 146 mds JPY, « on comprend clairement le potentiel de croissance phénoménale de ce segment sous-estimé », précise Miyuki Kashima.
Concernant la stratégie Japan Small Cap Equity Focus, la conviction de la gérante s’exprime au travers de l’exposition à l’assureur spécialiste des animaux de compagnie, Anicom, qui constitue l’une des principales positions du portefeuille. Créée en 2000, l’entreprise détient actuellement 60% de parts de marché. Elle est donc idéalement positionnée, selon Miyuki Kashima, pour bénéficier de la croissance future du secteur.
« Les investisseurs ont été obnubilés depuis bien trop longtemps par les difficultés démographiques qui pèsent sur la société japonaise, sans prendre en considération le fait que le vieillissement d’une population charrie également son lot d’opportunités. Au cours des prochaines décennies, d’autres grandes économies mondiales vont devoir relever ces mêmes défis et devront faire face à des choix tout aussi difficiles que ceux auxquels le Japon est actuellement confronté. »
Un tel environnement est propice à des opportunités intéressantes. « Le Japon pourrait bien nous surprendre en prenant de court d’autres pays dans son déploiement des nouvelles technologies. Selon moi, les conditions sont idéales : raréfaction de la main d’œuvre, difficultés démographiques, niveaux record des bénéfices des entreprises. Ces facteurs coïncident dans un pays où l’efficience règne en maître. Dans ce contexte, tout effort de déploiement devrait être nettement plus fluide qu’au sein des autres pays développés. »
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