Par Stefan Isaacs, Deputy Head of M&G’s Retail Fixed Interest team
Les événements en Italie et le retournement conjoncturel en cours semblent contrarier les plans de la BCE. Doit-elle prendre le risque de resserrer, dès maintenant, sa politique monétaire ?
La zone euro enregistrait en 2017 des taux de croissance soutenus, suscitant régulièrement des surprises. Le chômage a baissé, le système bancaire s'est partiellement recapitalisé et les coûts de financement pour les entreprises et les États sont restés faibles, quels que soient les indicateurs retenus.
Même l'inflation a montré des signes de convergence vers ce que la BCE considère comme une stabilité des prix. Dans les coulisses, la BCE devait se sentir de plus en plus convaincue qu’une étape avait été franchie et qu’elle pourrait commencer à normaliser sa politique monétaire d'urgence. Moins d'1 an plus tard, son programme de normalisation est devenu beaucoup plus compliqué. Les chiffres économiques sont moins bien orientés. Et les récents événements en Italie ont permis de rappeler qu’il ne fallait pas sous-estimer les velléités populistes.
Même si l'Italie ne va pas abandonner l'euro de sitôt, l'absence notable de toute prise en compte du risque de crédit dans la valorisation des actifs italiens il y a juste un an apparaît après-coup imprudente. Fin avril 2018, le rendement de l’emprunt d’État italien à 10 ans était inférieur à 2%, et l'ensemble des échéances de moins de 3 ans « offrait » une rémunération négative. 1 mois plus tard, les rendements des BTP s’étaient tendus de façon spectaculaire.
La BCE se rassurera en observant la contagion jusque-là limitée aux autres marchés périphériques. Des réformes structurelles, une économie plus solide et de meilleurs mécanismes d'interventions expliquent en grande partie cette faible propagation. Mais revenir à une politique de relance vu le regain de volatilité des marchés et le resserrement des conditions financières en Italie devrait rendre mal à l’aise les partisans de l’assouplissement au sein du Conseil de la BCE.
Il serait en effet dangereux de procéder trop tôt à un resserrement monétaire. Arnaud Marés de Citigroup, ancien conseiller spécial de Mario Draghi, fait valoir qu'une banque centrale a besoin d’une baisse des taux directeurs de 300 à 400 points pour être confiante dans sa capacité à relancer convenablement une économie face à un ralentissement. Les chances que la BCE intervienne avec une telle ampleur avant la fin du cycle en cours sont pratiquement nulles.
Étant donné le manque de marges budgétaires dont disposent les gouvernements de la zone euro, la BCE se retrouve dans une position peu enviable. Il convient de maintenir une politique monétaire conciliante afin de soutenir la croissance économique en zone euro et la Banque centrale a intérêt à faire preuve de prudence. En d'autres termes : elle devrait attendre jusqu'à ce que l’inflation soit véritablement installée avant de normaliser sa politique. Et tout resserrement ne pourra se faire que de façon très progressive.
Le mandat de Mario Draghi au poste de président de la BCE expire en novembre 2019. Il aura à cœur que l’on se souvienne du rôle primordial qu’il a joué dans le sauvetage de la zone euro 2012 et de ne surtout pas passer pour le président de la BCE qui aura contribué au fort ralentissement laissé à son prédécesseur. Ce dernier n’aurait alors pratiquement plus aucune munition à sa disposition.