Par Anne-Laure Frischlander-Jacobson, Directeur Général de BNY Mellon IM France
Les fameuses 20 « années perdues » du Japon et les efforts récents du Premier ministre Abe pour réformer l'économie ont fait couler beaucoup d’encre. Pour évaluer les répercussions de ces phénomènes, nous avons comparé la rentabilité, mesurée par le rendement des capitaux propres, et la culture de dividendes, s’appuyant sur les ratios de distribution de dividendes, entre les secteurs d’activité de l’économie japonaise et ceux des États-Unis et de l'Europe. Les résultats ont indiqué un décalage très net. La mise en œuvre des réformes sur la fiscalité et la gouvernance au Japon et leur impact sur le marché du travail, réduira probablement cet écart pour les industriels japonais.
L’historique médiocre en matière de gouvernance d'entreprise au pays du Soleil Levant a incité le gouvernement à prendre des mesures. La création récente d’un code de gouvernance d'entreprise devrait se traduire par une plus grande transparence financière, des conseils d'administration de plus en plus indépendants et un meilleur accès pour les actionnaires, engendrant une convergence du modèle japonais vers les normes en vigueur aux Etats-Unis et dans l’UE. Cette visibilité accrue sur les actifs des entreprises japonaises devrait soutenir les rendements des marchés actions.
Le gouvernement japonais a mis sur pied une réforme fiscale en avril 2018 qui réduit le taux d'imposition des sociétés de 15% au cours des 3 prochaines années par rapport au taux moyen actuel de plus de 30%. Les réformes fiscales récompensent les entreprises qui augmentent les salaires d'au moins 3% et investissent dans des technologies innovantes au Japon telles que l'Internet des objets (IoT) et l'intelligence artificielle (IA) - deux évolutions prioritaires, notamment au sein des industries qui ont subi des pénuries de main d’œuvre dans le passé.
Au cours des 10 dernières années, les industriels japonais ont généré des rendements moyens particulièrement bas, de 7 à 8% par rapport aux moyennes observées aux Etats-Unis et en Europe, qui oscillent respectivement entre 16 et 18% et entre 14 et 18%. De même, les ratios de distribution des dividendes des industriels japonais sont également inférieurs à ceux de leurs homologues américains et européens. Au cours des 20 dernières années, le niveau de rendements des capitaux propres des entreprises japonaises a accusé un retard de 9 et 17 points de pourcentage en moyenne. Bien que cet écart se soit resserré au cours des quatre dernières années, il est toujours de l’ordre de 10 points de base.
Pour mieux comprendre ce phénomène, nous avons analysé les composantes du rendement (marge bénéficiaire, rotation des actifs et endettement) et la façon dont ces mesures diffèrent entre les régions. Plus particulièrement, la marge bénéficiaire des industriels japonais était inférieure de 4 à 7 points de pourcentage à celle des entreprises des États-Unis et de l'Europe. Le Japon est la seule région où les marges bénéficiaires des entreprises ont été négatives au cours des 20 dernières années. Toutefois, les marges bénéficiaires et le rendement des capitaux propres se sont constamment améliorés au cours des 5 dernières années. Cette trajectoire de croissance de la marge bénéficiaire est particulièrement importante pour les entreprises japonaises, car il y a généralement une forte corrélation entre la marge bénéficiaire et le rendement des capitaux propres.
La dynamique du marché du travail au Japon a contribué à la faiblesse durable de ces marges bénéficiaires. Historiquement, la mobilité des salariés était quasiment inexistante, car ils travaillaient généralement dans la même entreprise tout au long de leur carrière et les promotions s’effectuaient en fonction de l’ancienneté du salarié plutôt que de ses compétences. Les actifs ne cherchaient pas d’autres postes mieux adaptés à leurs compétences et à leur expérience. Cependant, au fur et à mesure que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s'accélère au Japon, ces mentalités pourraient sensiblement évoluer.
Les valorisations des industriels japonais sont faibles et affichent un potentiel de progression important. Les réformes récentes du gouvernement d’Abe serviront de catalyseur pour améliorer la rentabilité et les ratios de distribution du secteur industriel japonais, une évolution qui soutiendra les valorisations futures de ces entreprises.
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