Par Hugo Bompard, cofondateur et Directeur Scientifique de Nalo
La loi PACTE partage la même ambition que la loi de finances du début d’année : orienter l’épargne des Français vers l’économie productive. En simplifiant l’épargne-retraite, le gouvernement souhaite ainsi encourager l’épargne de long terme. Un choix qui se justifie pleinement mais qui passe néanmoins à côté de l’essentiel.
Les dispositifs d’épargne-retraite se sont amoncelés au fil des décennies, chacun visant une classe particulière de travailleurs :
- le contrat Madelin pour les indépendants,
- la retraite Préfon pour les fonctionnaires, ou encore
- le CRH pour le personnel hospitalier.
Au final, c’est une dizaine de dispositifs, collectifs ou individuels, qui coexistent avec leurs propres règles. Tous combinés ils ne représentent que 200 Mds€, une goutte d’eau dans l’épargne des français qui pèse plus 5 000 Mds€. Et pour cause, ces dispositifs méconnus du grand public viennent s’ajouter aux multiples produits d'épargne déjà existants.
La réforme de l’épargne retraite
Mais l'échec de l’épargne-retraite vient aussi de ses contraintes : l’impossibilité de récupérer son capital en cas de besoin ainsi que l’obligation de le convertir en rente lors de son départ en retraite rebutent les Français. En ce sens, la double volonté du gouvernement de réduire les contraintes et d'homogénéiser les dispositifs, en rendant par exemple possible une sortie en capital et en autorisant la transférabilité des contrats est une bonne chose.
Cependant, à vouloir réformer des dispositifs qui n'intéressent personne, on passe à côté de l’essentiel. Car l’épargne-retraite des Français, c’est l’assurance-vie. L’assurance-vie permet de faire des versements et des retraits en toute liberté, d’investir dans l’économie productive aussi bien que dans des supports sécurisés. Elle permet, si on le souhaite, de convertir son capital en rente viagère et sa fiscalité incite à l’épargne longue. Pour toutes ces raisons, le “produit préféré des Français” pèse 1 700 Mds€.
Libérer l’assurance-vie
Pourtant, l’assurance-vie souffre de nombreux maux, avec en tête l’interdiction de transférer son contrat d’un établissement financier à l’autre. Cette impossibilité affaiblit les vertus de la concurrence. L’industrie est ainsi dominée par une poignée d’acteurs peu innovants et dont les frais sont parmi les plus élevés au monde. Cette impossibilité stérilise l’épargne qui se retrouve ainsi prisonnière d’établissements bancaires peu enclins à accompagner les Français vers la prise de risque. Un gâchis à l’heure où les Fintechs offrent à tous et en quelques clics la possibilité d’avoir un conseil patrimonial personnalisé.
Le constat est le même pour l’investissement vert, absent de la plupart des contrats d’assurance-vie, alors même que plus d’1 Français sur 2 y est sensible. Seuls les acteurs les plus innovants proposent un réel accompagnement dédié à l’investissement éco-responsable, mais l’épargnant qui aura fait le choix d’ouvrir un contrat d’assurance-vie quelques années auparavant ne pourra pas y migrer son patrimoine. Il est ainsi incompréhensible que le produit d’épargne le plus utilisé soit le seul qui ne soit pas transférable.
Plus de simplicité, plus de libertés
Parmi les pistes de réforme de l’épargne-retraite envisagées, le gouvernement souhaite non seulement autoriser la sortie en capital (et non plus seulement en rente), mais il souhaite aussi permettre des sorties anticipées (avant son départ en retraite) au motif, par exemple, de l’achat de sa résidence principale. Ainsi la différence entre épargne-retraite et assurance-vie sera plus ténue que jamais, de sorte que l’on pourrait se demander s’il y a un intérêt à faire coexister les deux modèles.
Une réforme alternative consisterait à simplifier le paysage de l’épargne en France, en supprimant les dispositifs d’épargne-retraite dont la mission est largement remplie par l’assurance-vie et en autorisant la transférabilité de cette dernière. Chacun pourra ainsi reprendre la maîtrise de son épargne, que ce soit pour anticiper sa retraite, acquérir sa résidence principale ou préparer l’avenir de ses enfants. La simplicité permettra à chacun d’y voir plus clair. Quant à la transférabilité, elle forcera les acteurs du marché - jusque-là habitués à une clientèle captive - à améliorer leurs services, à mieux accompagner les épargnants et à réduire leurs frais. Avec toutes les cartes en main, il reviendra au citoyen le choix d’investir pour la croissance et pour la planète.
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