L’essentiel de la stratégie de placements en bref par Samy Chaar, Chef économiste chez Lombard Odier
- Dans quel mesure le resserrement monétaire et les velléités protectionnistes viendront contrecarrer les mesures de relance budgétaire sera la principale interrogation en 2018.
- Nous prenons les déclarations de Donald Trump au dernier Forum économique mondial au sérieux et à la lettre : « L’Amérique d’abord » ne signifie pas une Amérique isolée.
- La Réserve fédérale (Fed) n’a aucune raison de modifier le rythme de ses hausses trimestrielles des taux d’intérêt.
« Quand les démocrates sont au pouvoir, les républicains se comportent comme des conservateurs, mais quand ce sont les républicains à la manœuvre, il semble qu’il n’y ait plus de Parti conservateur ». Ces propos du sénateur américain Rand Paul en disent long sur l’accord budgétaire de 2 ans conclu à la mi-février (hausses des dépenses et réductions d’impôts) - des mesures qui viennent s’ajouter à celles adoptées fin 2017. Coup de pouce pour la croissance nominale, ces mesures de relance ne manqueront cependant pas d’impacter le déficit (qui devrait se creuser de l’ordre de 1 à 1,5% aux cours des 2 prochaines années), ne laissant au gouvernement qu’une marge de manœuvre budgétaire limitée face à un futur ralentissement économique.
Aux Etats-Unis, toutes les conditions sont réunies pour que l’inflation remonte cette année : tensions sur le marché du travail, se traduisant par une accélération de la croissance salariale (notamment dans le secteur manufacturier), traditionnel décalage entre croissance du PIB et inflation, ainsi que mise en œuvre de politiques pro-croissance tard dans le cycle. La consommation privée pourrait s’avérer décevante, le taux d’épargne des ménages flirtant avec ses planchers historiques et les consommateurs ayant contracté des dettes sur cartes de crédit bien supérieures à leurs capacités financières. Dans ce contexte, nous tablons sur une croissance du PIB réel américain de 2,5% en 2018, un taux légèrement inférieur à celui que le consensus a revu à la hausse : 2,7%.
Au chapitre des échanges commerciaux, nous ne pensons pas que les sanctions adoptées à l’encontre la Chine présagent d’une guerre ouverte. Les autorités chinoises savent pertinemment que l’exposition commerciale de la Chine aux Etats-Unis est plus importante que les flux dans le sens inverse et pourraient finir par consentir des compromis à Donald Trump, que ce dernier pourra ensuite qualifier de « victoires » à l’approche des élections de mi-mandat. Il est évident que la croissance des importations en provenance de la Chine a fragilisé l’emploi dans le secteur manufacturier américain. Cela dit, même en sortant la Chine de l’équation, la base manufacturière américaine aurait vraisemblablement souffert de la concurrence internationale.
Compte tenu des perspectives d’une remontée de l’inflation (le déflateur des dépenses de consommation de base des ménages flirte avec la barre de 2%), nous avons revu à la hausse le nombre de relèvements des taux d’intérêt que nous prévoyons pour 2018 de 2-3 à 3-4, soit une hausse par trimestre. Ce changement de notre scénario central s’explique en partie par le biais apparemment plus restrictif du comité décisionnel la Fed. Cela étant, son nouveau président, Jerome Powell, nous paraît être avant tout optimiste quant à la vigueur actuelle de l’économie américaine, plutôt qu’un véritable tenant de la ligne dure.
Il convient de noter que notre scénario central d’une hausse des taux par trimestre est fortement tributaire de la bonne santé de l’économie réelle. Il existe également une grande différence entre suivre la tendance haussière du taux neutre et durcir les conditions monétaires dans le but de ralentir l’économie. Si la Fed n’est peut-être pas aussi accommodante qu’elle ne l’a été par le passé, force est de constater qu’elle ne poursuit pas (encore) une politique de resserrement monétaire à marche forcée.