Kea & Partners publie la 3ème édition de son baromètre Banque, en partenariat avec OpinionWay, l’une des rares études qui interroge les salariés de la banque sur leur perception des grandes transformations du secteur et leurs impacts.
1/ Les transformations du secteur bancaire sont largement ressenties par 94% des salariés
Ceux-ci affirment percevoir dans leur travail quotidien les changements qui impactent leur secteur, une proportion en hausse de 7 points depuis 2015. Cette prise de conscience touche l’ensemble des salariés du secteur, aussi bien ceux des Directions de la distribution (100% en 2017 contre 94% en 2015), que du réseau, les plus exposés à la relation client (98% en 2017), ou des ressources humaines (97% en 2017 contre 82% en 2015).
97% des salariés pensent que ces transformations vont avoir une influence importante sur le fonctionnement du monde bancaire et ils se sentent significativement plus concernés à titre personnel qu’il y a 2 ans (82% en 2017, contre 76% en 2015).
Ils identifient plusieurs causes à ces bouleversements :
- l’évolution des habitudes de consommation, marquées par le multicanal, la vente à distance et la volatilité (60% des répondants),
- l’innovation, rendue possible par le digital et le numérique (54%),
- une réglementation contraignante (44%),
- l’évolution des attentes clients en termes de réactivité, d’expertise ou de personnalisation (44%).
Face à ces évolutions, les salariés démontrent une lecture mature et lucide des leviers de transformation à activer : renforcement des compétences métiers
(40%), renouveau des pratiques commerciales (39%) et optimisation des processus internes (35%). 83% des salariés interrogés jugent que les réponses apportées par leur établissement sont pertinentes, en particulier le développement de la digitalisation des services (31% en 2017 contre 28% en 2015). En revanche, les actions mises en place au sein de leur établissement sur la montée en compétences - pourtant identifiée un levier prioritaire de transformation - restent, selon eux, encore trop marginales (5% seulement identifient les formations et la montée en compétences parmi les actions pertinentes mises en place).
Enfin, cette modification de leur environnement est à la fois considérée comme une source de motivation et un challenge qui oblige à s’adapter (69%), mais aussi comme quelque chose d’effrayant et source de stress (53%).
2/ Relation client : un décalage de perception entre salariés et clients
70% des personnes interrogées estiment que les transformations du secteur bancaires ont modifié en profondeur la relation qu’ils entretiennent avec leurs clients. Pour autant, si en 2015, les salariés interrogés étaient 47% à pointer du doigt la détérioration de la relation client, en 2017, ils ne sont plus que 29%.
Les salariés qui revendiquent une amélioration de la relation client l’attribuent à une meilleure communication (27%) et a des changements dans la politique client de leur établissement (22%). Ceux pour qui la relation client s’est dégradée semblent s’en déresponsabiliser en attribuant cette mauvaise performance à la conjoncture : des clients mieux informés, donc plus méfiants et exigeants (32%), et une situation économique et sociale mauvaise (24%).
Interrogés sur l’évolution de leur métier, 97% des salariés affirment être conscients que leur métier va évoluer en profondeur dans les 10 ans à venir. Les principaux impacts identifiés sont le développement de la relation client à distance (30%), la digitalisation et la robotisation (14%) et un renforcement des contrôles réglementaires (11%). Bien loin derrière arrivent l’agilité et l’autonomie renforcées (2%), la montée en compétence (2%) ou encore une relation client d’un nouveau genre « plus experte » (2%).
Or, en miroir, les nombreuses études menées auprès des clients montrent que l’enjeu des 10 ans à venir est bien sur l’agilité, la montée en compétence et la capacité à proposer une relation client « experte ». Selon une étude publiée en 2017, le conseiller idéal des Français est toujours plus technique et 57% des Français privilégient les compétences techniques aux compétences relationnelles. Quant à la digitalisation, des études démontrent que les usages ont atteint un niveau d’équilibre entre interactions digitales et physiques, avec des consultations de compte en ligne en baisse de 5% et un engouement pour les applications mobiles en ralentissement depuis 3 ans.
De fait, il semblerait donc que les salariés interrogés ne s’avèrent pas totalement clairvoyants sur les facteurs clés de succès de la relation bancaire de demain.
3/ Grande distribution, opérateurs mobiles, fintechs, GAFA… la menace de la concurrence est omniprésente
Les salariés du secteur bancaire sont en revanche de plus en plus lucides sur la menace d’une concurrence renouvelée. 88% estiment que de nouveaux acteurs pourraient s’installer sur le marché de la banque. En 2015, la principale menace identifiée était celle des acteurs du crowdfunding
(46% la jugeaient crédible). En 2016, ils pointaient l’essor des fintechs (45%). En 2017, c’est de la concurrence des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) dont ils se méfient le plus (52%), considérant leur concurrence comme la plus crédible sur le marché. 75% pensent par ailleurs qu’ils constituent une menace réelle pour leur établissement.
D’une manière générale, les répondants identifient bien la menace des acteurs de la grande distribution sur leur activité de Banque au quotidien sur une cible mass market jeune (par exemple le lancement du compte CZam par Carrefour Banque) ou les offensives des Fintechs sur les produits et services de Financement destinés à une clientèle urbaine et jeune.
Si 47% considèrent que le lancement d’OrangeBank a été l’actualité marquante de l’année, les répondants restent optimistes en affirmant qu’un opérateur comme Orange, spécialiste de la relation client de par son cœur d’activité historique, ne serait pas en mesure de capter la relation client (seuls 15% estiment que ce nouveau type d’acteur serait enclin à capter la relation client).
En conclusion, la lecture du jeu concurrentiel par les salariés reflète la grande confiance qu’ils ont dans la capacité de leurs établissements à riposter. Ainsi, 78% pensent que le risque de voir ces nouveaux concurrents capter la relation clientn’est pas avéré. S’ils sont de mieux en mieux informés au sein de leur organisationsur les menaces pesant sur leur secteur, ils n’ont pas encore bien compris en quoices menaces consistaient.
« L’année 2018 semble devoir être une année décisive pour évaluer la réalité des menaces qui pèsent sur les acteurs traditionnels, explique Alice Poizat, Directrice au sein de la practice Banquechez Kea & Partners. La disruption sectorielle a changé de nom avec la montée en puissance des GAFA dans les services financiers : on ne parle d’ailleurs plus d’uberisation, mais d’amazonisation des business models. Certains commentateurs évoquent un « moment Amazon de la banque ».
« Au-delà des GAFA, c’est aussi l’univers des services et de la distribution qui avance ses pions. OrangeBank élargit son offre au crédit consommation. Carrefour, en pleine mutation stratégique après avoir relancé son offre bancaire à l’été 2017, a renforcé son équipe de direction avec des profils expérimentés issus du secteur bancaire. Et pourtant, au cœur de cette agitation, les salariés semblent vouloir jouer la carte de la « force tranquille », s’appuyant sur des fondations solides que sont la base clients, le système de production bancaire, les fondamentaux économiques sains. Mais cette réponse sera-t-elle suffisante pour riposter ? Il appartient désormais aux dirigeants des banques d’embarquer les salariés du secteur dans la mise en œuvre des inflexions stratégiques qui s’imposent. Le renforcement de l’orientation client est une des grandes transformations mises en œuvre par les établissements bancaires sur ces 10 dernières années : les 5 prochaines pourraient voir naître une mutation en profondeur des banques, centrée sur leurs ressources humaines, pour éviter qu’un fossé ne se creuse entre clients et salariés », conclut-elle.