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La Chine coupe-t-elle discrètement les vivres à la Corée du Nord ?

Après la visite surprise de Kim Jong-un à Pékin, qui suscite de nombreuses interrogations sur l’évolution de la politique nord-coréenne, Alex Wolf, Economiste Senior Marchés Emergents chez Aberdeen Standard Investments, apporte son point de vue sur l’évolution des relations entre la Chine et la Corée du Nord. 

Il y a actuellement beaucoup de spéculations sur le changement de politique de la Corée du Nord depuis le dernier essai nucléaire en septembre 2017. Pour certains observateurs, le pays a déjà atteint ses objectifs en matière de programme nucléaire et de missiles balistiques et souhaite maintenant rencontrer le Président américain pour faire valoir son statut de puissance nucléaire. Au contraire, à la Maison-Blanche on pense qu’il s’agit du résultat de la politique américaine de « pression maximale », tandis que pour d'autres la Corée du Nord cherche à se réconcilier avec la Corée du Sud pour affaiblir l'alliance entre son voisin et les États-Unis.

Cependant, si l'on en croit les données douanières de la Chine, c'est la « pression maximale » chinoise qui aurait pu entraîner un changement dans la politique nord-coréenne. La Chine a effectivement réduit de manière drastique ses livraisons de pétrole à la Corée du Nord, dépassant même, de loin, les exigences de l'ONU. D'après les rares données disponibles, il semble que l'économie nord-coréenne subisse de fortes pressions, ce qui aurait contribué à un tel changement de sa politique. Au cours des 5 derniers mois, les exportations chinoises de pétrole raffiné se sont effondrées. Elles s’élèvent sur une base annualisée à moins de 4% du volume des exportations de l'année dernière(282 tonnes en moyenne par mois, soit l’équivalent annuel d’environ 3 393 tonnes, bien en deçà des 90 870 tonnes exportées l'an dernier). De plus, le rythme est à la baisse et suggère que les exportations totales pourraient encore diminuer. La pression est également visible pour d'autres produits importés par la Corée du Nord en provenance de Chine, notamment l'acier et les voitures. Bien qu'il ne soit pas clair si c’est la Chine qui bloque ces exportations ou la Corée du Nord qui ne peut tout simplement plus se les permettre, une chose est sûre, l'économie nord-coréenne subit un énorme stress.

Alors que son rôle au cours des derniers mois a souvent été négligé ou mal compris, une stratégie est en train d'émerger : la Chine veut jouer un rôle central dans la « résolution » de cette crise, mais elle veut le faire à sa façon. Il semble que la première puissance asiatique ait décidé de faire pression sur le président Kim, en surmontant sa peur de l'instabilité et du changement de régime potentiel, pour la convaincre de son influence économique énorme.

La stratégie et les résultats escomptés par la Chine ne sont pas clairs pour l’instant, mais il est de plus en plus évident que la forte pression chinoise apparait comme une force motrice et que ce pays jouera un rôle central dans toutes les négociations futures. Il est difficile de voir comment cela impactera les États-Unis mais, au vue de la situation actuelle, qu’il s’agisse de discussions de haut niveau entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, du rapprochement entre la Chine et la Corée du Nord, de la normalisation des relations entre la Chine et la Corée du Sud après le différend THAAD (Theater High Altitude Area Defense), de nouveaux défis attendent les États-Unis. La situation diplomatique en Asie de l'Est est bel et bien dynamique, et de nombreuses questions demeurent.

www.aberdeenstandard.com


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