Naomi Waistell, Gérante de Portefeuille Actions Emergentes chez Newton (BNY Mellon IM), analyse les conséquences du retour de la volatilité boursière, pour les marchés émergents.
Le retour de la volatilité : quelles conséquences pour les marchés émergents ?
Le vieil adage boursier selon lequel le reste du monde attrape un rhume quand les États Unis éternuent, est familier aux investisseurs. Le mouvement de vente observé sur les marchés début février n’a fait que confirmer sa pertinence. Les marchés actions européens, japonais et émergents ont tous suivi le S&P500 à la baisse alors qu’une croissance des salaires plus forte qu’anticipée alimentait les craintes de voir l’inflation repartir à la hausse.
Cette fois-ci, les marchés émergents résistent à la volatilité boursière
D’après notre analyse, l'un des aspects les plus remarquables de cette chute des marchés n’était pas le retour de la volatilité après une longue absence, mais la résistance des marchés émergents, dont les performances sont restées stables. La chute de 10,2% entre leur point haut en janvier et leur point bas en février, traduit précisément la même évolution que le S&P500, le Nikkei225, le FTSE100 et l'Euronext 100. Lors des mouvements de ventes précédents, les marchés émergents étaient souvent parmi les pays les plus fortement touchés par ces accès de volatilité, mais cette fois-ci, les choses se sont déroulées autrement. Pourquoi ?
D’une part, on a vu des changements positifs à travers les marchés émergents depuis l’épisode du « taper tantrum » (mouvement brutal de remontée des rendements obligataires) de 2013. Cela favorise le renforcement de certaines économies émergentes contre d’éventuels chocs externes et des conditions financières défavorables. Pour ce faire, les pays émergents n’ont eu que peu de recours à des mesures visant à ancrer leurs devises au dollar américain : la réduction de la dette extérieure, la baisse de l'inflation, la réduction des déficits courants et les ajustements monétaires ont également joué un rôle important. Parmi ces mesures, la réduction de l'ancrage au dollar américain est la plus importante.
Changement de dynamique entre marchés développés et émergents
Historiquement, les cycles négatifs suivaient une trajectoire bien connue : confronté à un pic de volatilité, un pays émergent déploie ses réserves de change pour soutenir sa devise et maintenir son ancrage au dollar américain. Le taux d'attrition pesant sur ces réserves devient progressivement insoutenable, poussant à une dévaluation monétaire et à un recours à la planche à billets pour rembourser la dette existante, qui est souvent libellée en dollars américains et donc devenue beaucoup plus chère. Cela entraîne par la suite une spirale inflationniste dans le pays et, en fin de compte, un défaut de paiement de la dette libellée en dollars américains.
Aujourd'hui, ce cycle a été rompu parce que moins de pays de l’univers émergent ancrent leur devise du dollar et les émissions de dette en devise locale flambent. Cela change profondément les corrélations entre les marchés développés et émergents, même si les notions traditionnelles sont encore largement répandues.
Les marchés émergents poursuivent leur évolution
Au-delà des devises, d’autres facteurs nous montrent l’évolution des marchés émergents, notamment la composition des indices relatifs à ces marchés. Avant la crise financière de 2007-2008, l'énergie et les matériaux représentaient près de 40% de l'indice MSCI EM. Ce pourcentage est maintenant tombé à environ 15% et a été largement dépassé par la technologie, ce qui réduit la dominance des secteurs à forte intensité de matières premières au sein même de l'indice.
Au niveau du risque politique, la dynamique a évolué. Nous assistons actuellement à un certain rééquilibrage du risque politique vers certains marchés développés, même si les marchés émergents affichent toujours une décote (leurs ratios prix/bénéfices sont de 13x seulement contre 24 pour les Etats-Unis).
Même si la prise de conscience des investisseurs n’a pas encore eu lieu, tous ces facteurs constituent une nouvelle réalité. De plus en plus, les marchés de capitaux émergents peuvent prospérer de manière indépendante avec un moindre degré de dépendance du S&P500 ou d'autres marchés de capitaux développés, tant que le soutien à l’économie réelle reste fort. Pour l'instant, cela semble être le cas. Au cours de quatre des six derniers cycles de hausse des taux aux États-Unis, par exemple, les marchés émergents ont résisté et poursuivi leur hausse. Une stratégie de gestion active permet aux investisseurs de résister aux mouvements baissiers en période de forte volatilité.
Les perspectives de Newton IM
Nous restons optimistes même s’il faut rester sélectif en fonction des pays, des secteurs et des valorisations ciblés. Parmi les opportunités d’investissement les plus intéressantes à l’heure actuelle, figurent les secteurs de la santé, de l’e-commerce et des véhicules électriques. Les marchés émergents comptent de fortes dynamiques de croissance structurelle, tirées par des tendances thématiques, et ils ne sont pas vulnérables aux oscillations au niveau du sentiment du marché ou aux aléas des indicateurs macroéconomiques.