Commentaire de Maya Bhandari et Toby Nangle, Gérants Multi-Asset de Columbia Threadneedle Investments.
Même si nous n'avons pas modifié de manière significative notre allocation d'actifs le mois dernier, les marchés sont loin d'avoir été tranquilles. La solide performance du marché en 2017 a dans une large mesure été liée au fait que les investisseurs valorisaient les actifs en prévision d'une nette amélioration de l'environnement économique et des résultats. L'important recul de février ne reflète pas, selon nous, une importante détérioration de ces perspectives.
La violente poussée d'aversion pour le risque s'explique par des facteurs techniques plutôt que fondamentaux : un recul important des véhicules sensibles à la volatilité (comme les fonds négociés en bourse, ETF, et les obligations négociées en bourse, ETN), associé à l'importance des positions des investisseurs, a entraîné une forte hausse de la volatilité des actions et une chute des prix qui ne s'est pas reflétée dans les autres classes d'actifs - les marchés du crédit se sont particulièrement bien comportés durant cette même période.
Nous avons été prudents et ne nous sommes pas engagés dans les fonds systématiques qui liquidaient des actifs. Le « choc de valorisation » nous a cependant offert l'opportunité de renforcer nos positions sur nos marchés favoris et de capturer la valeur perdue par les investisseurs contraints de vendre. À cet égard, nos anticipations économiques pour 2018, positives et annonciatrices d'une relance, s'accompagnent de prévisions de résultats bien orientées et d'un faible risque de récession, et il y a peu d'indicateurs fondamentaux qui soutiennent l'aversion pour le risque. Ceci étant dit, le risque d'une crise « accidentelle » ou d'une erreur politique a probablement augmenté.
Au vu de ces éléments, nous privilégions les actions, les matières premières et l'immobilier par rapport aux emprunts d'Etat « core » nominaux ou indexés sur l'inflation, et notre position est neutre sur le crédit et les liquidités. Au sein des actions, nous maintenons une nette préférence pour le Japon, les marchés émergents asiatiques et l'Europe, dont les entreprises ont un levier opérationnel élevé et sont appelées à profiter de la reflation à l’échelle mondiale. Nous nous sommes récemment penchés sur l'analyse de ces positions, en privilégiant les actions européennes et japonaises.
Europe
Du fait de leur nature procyclique, de leur envergure internationale et du levier d’exploitation dont elles bénéficient, les actions européennes sont bien placées pour tirer profit du mouvement reflationniste observé actuellement au niveau mondial. Selon nous, la progression des rendements des obligations, la hausse des anticipations d'inflation et une pentification de la courbe sont favorables aux actions européennes, ce dernier facteur étant particulièrement favorable aux revenus des entreprises du secteur financier.
Les conditions monétaires sont loin d'être restrictives en Europe et le risque de récession est faible ; en fait, il n'y a jamais eu de récession dans la région tant que les taux d'intérêt sont restés inférieurs à 2% aux Etats-Unis et que la courbe des rendements ne s’est pas inversée. En outre, les indices de confiance du secteur manufacturier restent solides et les pressions sur les salaires ne se font pas encore sentir (sauf en Allemagne), de sorte que le moment est idéal pour les entreprises pour augmenter leur marge bénéficiaire (nous surveillons toutefois les études qui indiquent des tensions sur le marché du travail).
Du point de vue des valorisations, les actions européennes conservent leur attrait par rapport aux autres actifs européens et aux autres marchés actions. Toutefois, les principaux risques résident dans les fluctuations des taux de change (lesquelles entraîneront vraisemblablement une baisse de 3 à 5 points de pourcentage des bénéfices des entreprises, ramenant ainsi nos prévisions pour 2018 à 10-12%) et, parallèlement, une pentification de la courbe des rendements.
Japon
Nous maintenons notre opinion positive à l’égard des actions japonaises. La demande mondiale est le principal moteur des bénéfices des entreprises, lesquels devraient selon nous progresser de 11% en 2018, au-delà de ce que prévoit le consensus, mais également dépasser les attentes du consensus en 2019. Bien que des variations de change amples et soudaines puissent être problématiques, en particulier pour les grands exportateurs, nous estimons que les entreprises sont à même de faire face à des fluctuations plus modérées. En outre, seulement un tiers environ des revenus des entreprises nippones proviennent de l'étranger, ce qui est relativement modeste dans un contexte mondial.
D'une manière générale, les marges opérationnelles des entreprises japonaises des secteurs manufacturier et non manufacturier progressent intelligemment. Même si celles-ci sont faibles à l'aune des critères internationaux -ce qui traduit une base de coûts plus élevée au Japon -, la direction prise est nettement favorable et laisse entrevoir un important potentiel haussier à mesure que les entreprises se concentrent davantage sur la rentabilité pour les actionnaires.
En outre, après une période d'assouplissement monétaire extrême, la Banque du Japon est passée d'un objectif quantitatif à un objectif qualitatif et nous anticipons une légère hausse des taux cibles, du fait d'une légère progression de l'inflation. Le Japon n'est plus un pays refuge, mais reste une destination appréciée des investisseurs étrangers, ce qui crée un flux positif.