Par Carl Shepherd, Gérant obligataire chez Newton Investment Management (BNY Mellon IM)
« Cela peut paraître étrange, mais nous sommes devenus plus optimistes sur le résultat des élections brésiliennes, prévues au mois d’octobre 2018, ces derniers temps, et ce malgré le fait que les trois principaux partis du centre-droit, le Movimento Democrático Brasileiro (MDB), le Partido da Social Democracy Brasileira (PSDB) et le Partido Social Democrático (PSD), n'ont pas encore décidé qui seront leurs candidats respectifs.
Notre optimisme se fonde sur l’annonce à la mi-janvier faisant écho de la décision de la cour d’appel de Porto Alegre qui confirme à l'unanimité la condamnation pénale (pour blanchiment d'argent et corruption) de l'ancien président du Brésil Lula da Silva. Une telle décision renforce notre conviction relative au fait que le vainqueur de ce scrutin se trouvera parmi ces 3 candidats centristes, malgré le manque de visibilité sur leur identité à ce stade.
Lula reste aujourd'hui l’homme politique le plus populaire et le plus en vue du Brésil, et son parti est l'un des plus importants du pays. Bien qu'il se soit engagé à continuer de diriger le Parti des travailleurs (le Partido dos Trabalhadores, ou le PT en portugais) jusqu'à ce que toutes les voies d'appel soient épuisées, sa carrière politique est terminée. Ceci s’explique par les lois brésiliennes qui empêchent les candidats politiques de se présenter s'ils ont une condamnation pénale sur leur casier judiciaire. La raison pour laquelle le PT tient tant à ce que Lula reste aux avant-postes de la campagne est qu'il n’y a pas vraiment d'autre candidat avec son profil, ni son charisme, pour recoller les morceaux après la destitution de la dernière présidente du PT, Dilma Rousseff.
Le problème avec le PT
Une victoire pour le parti populiste PT ne serait pas propice à l'assainissement budgétaire, à la réforme des régimes de retraite publics trop généreux ou à la réduction des dépenses budgétaires excessives. Par conséquent, une victoire du PT en octobre serait mal accueillie par les investisseurs, car nous nous attendrions à ce qu'elle ne laisse entrevoir aucune perspective d'inversion de la détérioration du ratio dette publique/PIB, dont l’écart s’est creusé au cours des dernières années. Inévitablement, on peut également raisonnablement s'attendre à de nouvelles révisions à la baisse de la dette brésilienne par les principales agences de notation.
Comme nous l'avons déjà dit, Lula est toujours l’homme politique le plus populaire du Brésil (ce qui n'est pas trop difficile quand le président actuel a une cote de popularité d'environ 4%), mais il est également le politicien le plus détesté. Compte tenu de l’effet « je t’aime moi non plus » de Lula sur les électeurs brésiliens, si son appel à la cour avait été entendu favorablement, nous nous serions attendus à ce qu’il passe au second tour des élections. Cependant, à l'instar de Marine Le Pen en France en 2017, nous aurions anticipé un second tour où l'anti-Lula ou « tout sauf Lula » l'emporterait et, par conséquent, une victoire pour un candidat centriste. Par conséquent, en ce qui concerne les éventuelles issues et les attentes de ce scrutin, la décision du tribunal en janvier n’a pas eu d’impact considérable. Il a peut-être légèrement réduit les incertitudes et la volatilité potentielles que nous traverserons d’ici le premier tour.
Menace d'extrême droite?
La seule menace non conventionnelle qui guette le Brésil cette année vient de l'extrême droite en la personne de Jair Bolsonaro et du Partido Socialismo e Liberdade (PSOL). Toutefois, en vertu des nouvelles règles électorales selon lesquelles les partis politiques se voient attribuer une visibilité médiatique en fonction de la taille du parti (pour éviter que les partis très riches n’achètent pas de temps de parole en presse au détriment des partis non favorisés par les élites), le PSOL aura peu de temps à l’antenne, étant donné que la cote de soutien de 12 de Bolsonaro a été générée principalement grâce à l'utilisation des médias sociaux. »