Alors qu'a eu lieu lundi dernier l'audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes au cours de laquelle son président, Didier Migaud, a lancé son appel à des réformes structurelles de la dépense publique, Éric Pichet, enseignant-chercheur à KEDGE Business School et Directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier (IMPI), signe un article intitulé « Doctrine fiscale et budgétaire du quinquennat : un nouveau cap », à paraître dans La Revue de droit fiscal n°4 du 25 janvier 2018 (pages 8-28). Il y analyse les 5 lois relatives aux finances publiques de 2017 qui incarnent la nouvelle doctrine fiscale et budgétaire.
La nouvelle politique fiscale, principalement incarnée dans le projet de loi de finances 2018, crée 3 mesures disruptives majeures avec la suppression de l'ISF, le prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus mobiliers et la disparition programmée et progressive de la taxe d'habitation.
Extrait de l’article d’Éric Pichet
« Les deux mesures de fiscalité patrimoniale, si elles sont pérennisées au-delà du quinquennat, sont de nature à relancer la confiance des investisseurs et donc l'emploi, alors que la suppression progressive d'un impôt local aussi inique qu'illisible, couplée à la hausse mécanique du pouvoir d'achat des actifs via la baisse des charges devrait encourager le travail même peu rémunéré », précise Eric Pichet. « Les mesures patrimoniales ont donné l’impression d’être des cadeaux aux riches puisque l’ISF est remplacé par l’IFI dont le rendement budgétaire serait 4 fois moindre et qui ne concernera que 150 000 contribuables au lieu de 350 000, et que 44% des gains de la Flat Tax profitera à 1% des ménages. Globalement, l’évaluation gouvernementale d'un gain de 1,8 Md en 2018 (puis 5,5 Mds€ en année pleine) des nouvelles mesures fiscales en faveur des ménages a été remise en cause par l'INSEE, qui a publié dans sa note de conjoncture de décembre 2017 une estimation de la hausse des prélèvements obligatoires sur les ménages de 4,5 Mds€ soit -0,3% de pouvoir d'achat en 2018.
En matière budgétaire, si l'engagement européen a été le point commun des politiques menées depuis 1981, elles ont toutes abouti à un déficit excessif en bas de cycle et à un gaspillage de court terme des recettes exceptionnelles en haut de cycle. Les lois de finances votées en 2017 affichant enfin l'ambition de clore cet interminable cycle de déficits qui a fait passer la dette publique de 20% en 1981 à près de 100% du PIB en 2016, on peut raisonnablement dresser l'acte de décès des « trente-six dispendieuses » (1981/2016). L’ambition affichée dans les projets de lois présentés en 2017 est de réduire de 5 points la dette sur le quinquennat, de 3 points la dépense publique et d’un point les prélèvements obligatoires. Sa mise en œuvre s'annonce néanmoins plus timide à la lecture des lois finalement adoptées. Compte tenu de l'environnement économique favorable de la fin 2017 avec une croissance d'au moins 1,9% sur l'année et des taux d'intérêt toujours exceptionnellement bas en 2018, le déficit budgétaire devrait se réduire lentement en dessous de la barre des 3%, enclenchant effectivement un mouvement lui aussi lent mais régulier de baisse de l'endettement public de 4 à 5 points sur le quinquennat.
Dans ce contexte, la principale source d'inquiétude provient de l'absence de volonté gouvernementale de réduire le solde structurel, qui se situe très probablement au-delà de -3% en 2017 et 2018 alors qu’il devrait converger rapidement vers -0,4% selon les règles européennes, étant rappelé que l'enjeu n'est pas tant de satisfaire une Commission Européenne bien tolérante, que de pouvoir affronter les risques futurs ».
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