Olivier Vietti, gérant de la stratégie AXA WF Planet Bonds, analyse le développement du marché mondial des obligations vertes en 2018 suite à la forte croissance de 2017.
Le marché des obligations vertes continue de croître, offrant aux investisseurs des opportunités d’investissement plus larges, avec plus de 200 émissions disponibles sur les principaux indices d’obligations vertes. Fin 2017, le volume des nouvelles émissions a atteint 120 Mds$ américains, ce qui en a fait une année record pour les obligations vertes, après 90 Mds$ américains en 2016.
Alors que les premières émissions provenaient principalement d’entités supranationales (la BEI a émis sa première obligation verte en 2007), le marché n’a véritablement commencé à croître qu’en 2012, les grandes transactions ayant été réalisées par des organismes supranationaux et des agences. L’année suivante, les premières obligations vertes de taille considérable ont été émises par de grandes entreprises. Le marché mondial des obligations vertes a continué à se développer à un rythme soutenu et, à partir d’octobre 2017, est devenu plus diversifié. Les entités supranationales et les agences représentent près de 45% de l’univers global, suivi par le secteur des services aux collectivités (22%), les banques (13%), la dette d’entreprise (13%), et la dette publique (7%). Le nombre d’émetteurs est en constante augmentation, même si aujourd’hui nous n’en comptons que 103.
Parallèlement, la demande a été particulièrement forte du côté des investisseurs institutionnels. D’après la Climate Bond Initiative (CBI), 54% des obligations vertes ont été allouées à des investisseurs socialement responsables et/ou verts. Les investisseurs institutionnels détiennent une large part des actifs verts, car ils ont un appétit particulier pour ce marché, qui offre de la transparence et des avantages environnementaux à des prix similaires aux obligations non vertes des mêmes émetteurs.
L’Euro, première monnaie d’émission des obligations vertes
Dans cet environnement de forte demande, le prix est clé pour les investisseurs. D’après la CBI, la plupart des obligations vertes analysées étaient en ligne avec les nouvelles émissions d’obligations traditionnelles. Aussi, la performance sur le marché secondaire de la dette d’entreprise en euros a même été parfois supérieure à celle des obligations traditionnelles (ce qui n’a toutefois pas été le cas dans le secteur du dollar américain). La forte demande affiche des ratios de sursouscription supérieurs à 2 pour les offres vertes en euros et en dollars. La demande européenne est particulièrement dynamique, mettant sans doute en évidence le fait que l’euro est la première monnaie d’émission, avec près de 55% du total des indices d’obligations vertes libellés dans cette devise.
La liquidité s’est également significativement améliorée au cours de ces deux dernières années, avec des bid-ask spreads qui se sont resserrés, permettant une meilleure négociation sur les marchés secondaires. Les émetteurs existants ont continué à construire leurs courbes et l’émission d’obligations vertes opérée par l’Etat français début 2017 a apporté une liquidité indéniable aux investisseurs.
2017 : Une forte activité sur le marché européen
L’activité est restée forte en Europe avec plus de 50% des nouvelles émissions provenant du marché européen. Alors que 30% des émissions mondiales provenaient des émetteurs chinois en 2016, suite à la tentative de Pékin de désendetter le système financier, l’activité du marché primaire du pays s’est ralentie en 2017. Ce ralentissement nous semble provisoire et les émissions reprendront à mesure que la Chine accélérera sa transition verte. Même dans ce contexte, la Chine reste le deuxième émetteur après la France. Cette année a en effet été marquée par l’émission d’instruments verts du gouvernement français, permettant aux investisseurs d’investir dans une nouvelle classe d’actifs auprès d’un émetteur de grande qualité - une émission importante de 8,6 Mds€ qui assure sa liquidité. Le secteur bancaire européen a également été particulièrement actif, avec des émissions provenant de diverses banques et pays.
Investir dans l’économie bas carbone
Bien que les entreprises commencent peu à peu à privilégier le modèle “vert”, le monde semble toujours programmé à dépasser l’objectif du seuil limite du réchauffement climatique à +2°C si aucune action à grande échelle n’est entreprise pour réduire les émissions de carbone.
Les investisseurs peuvent adopter diverses stratégies pour supporter la transition, comme la cession des actifs les plus chargés en carbone de leurs portefeuilles - l’Agence internationale de l’énergie, par exemple, recommande de garder 80% des réserves de charbon actuelles dans le sol - ou d’investir dans des projets bas carbone.
Selon nous, le marché des obligations vertes offre une voie tangible pour investir dans l’économie à faible émission de carbone. Les obligations vertes sont explicitement conçues pour lever des capitaux afin de financer des projets ayant des avantages environnementaux évidents, et on observe une croissance du nombre d’émetteurs sur le marché des obligations vertes. La CBI estime que le marché des obligations vertes pourrait atteindre 1 Md$ américains en 2020.
L’analyse et la sélectivité demeurent essentielles
Le marché des obligations vertes requiert toutefois une due diligence afin d’éviter les risques de techniques marketing agressives. Etre sélectif reste essentiel pour élever les normes sur ce marché. La sélectivité et une plus grande transparence contribuent effectivement à assurer que les projets verts les plus pertinents et percutants reçoivent les financements nécessaires.
Dans ce contexte, il est essentiel de bénéficier des recherches et connaissances approfondies sur les émetteurs d’obligations vertes, car le marché est encore au début de son développement et les investisseurs doivent être attentifs aux risques de « green washing », qui voient des projets inappropriés recevoir des financements via cette classe d’actifs.
En tant qu’investisseur responsable, nous pensons que l’absence de normes communes sur les critères d’éligibilité des obligations vertes sur le marché mondial nécessite une analyse spécifique. Une surveillance et un suivi adéquats des investissements verts est nécessaire pour s’assurer qu’ils respectent l’impact environnemental annoncé.
Conclusion
Le marché des obligations vertes est en pleine croissance. Largement porté par les intérêts des investisseurs institutionnels, le marché devrait poursuivre sa croissance dans les années à venir. Néanmoins, les investisseurs doivent être soucieux de la qualité des émissions et aller au-delà des Green Bond Principles en matière de due diligence et d’assurance de qualité. De nouveaux marchés tels que la Chine seront de plus en plus impliqués dans les émissions au cours des prochaines années. Pour que le marché des obligations vertes maintienne sa croissance, les acteurs du marché devront veiller à ce que les impacts associés soient bien définis, mesurés et transparents pour répondre aux attentes en constante évolution des investisseurs.
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