Par Michaël Lok, Co-CEO Asset Management - Union Bancaire Privée
Malgré une croissance économique robuste et l’enthousiasme qui a suivi l’élection d’Emmanuel Macron en France, les actions européennes ont été à la traîne par rapport aux actions des marchés développés et mondiales en 2017, avec une progression relativement modeste de 13% à fin octobre. Le marché européen a souffert de la sous-performance des actions britanniques ainsi que d’un déclin généralisé des ratios cours/bénéfices (P/E) sur le continent, même si la solide croissance bénéficiaire des entreprises européennes a permis de limiter les dégâts.
Une telle performance est caractéristique d’une reprise en Europe. Lorsque les économies européennes atteignent le milieu de leur cycle de reprise, les ratios P/E subissent généralement un léger tassement à la faveur d’un rebond des bénéfices. En effet, ce n’est qu’au cours de la première année de reprise que ces ratios augmentent fortement. Leur expansion est limitée durant la dernière année du cycle économique.
Après la phase de reprise qui a suivi la récession de 2011/2012, l’économie européenne nous semble aujourd’hui parvenue à « mi-cycle ». Cela signifie que les investisseurs devraient se concentrer sur la croissance bénéficiaire comme moteur de performance, car cette croissance est attendue à 10/12% en 2018.
Compte tenu des prévisions actuelles plus modestes à 9%, les investisseurs semblent toujours sous-estimer la dynamique positive de la croissance mondiale mais également - et c’est tout aussi important - européenne à l’approche de l’année 2018. A l’instar de la situation américaine en 2013/2014, la pression salariale est faible sur les entreprises européennes tandis que la hausse des taux d’utilisation des capacités semble indiquer que la croissance positive des chiffres d’affaires devrait impacter directement les bénéfices nets, en particulier pour les entreprises du continent. De plus, avec la prudence dont fait preuve la BCE pour réduire son soutien aux économies de la zone euro, il semble peu probable qu’un euro fort vienne jouer les trouble-fêtes durant l’année à venir.
L’Europe connaît actuellement son rythme de croissance le plus rapide depuis 2011/2012, ce qui devrait apporter des avantages cycliques considérables aux entreprises du continent axées sur le marché domestique. Les petites et moyennes capitalisations européennes devraient en profiter le plus, même sans la perspective de catalyseurs liés à des réformes pour les entreprises de plus petite taille affichant une orientation locale.
Depuis la crise de la zone euro, cette catégorie d’entreprises a vu sa rentabilité augmenter, laquelle est passée de 6/7% à plus de 11%. Celle des grandes capitalisations européennes a en revanche stagné autour de 9%. Malgré cette amélioration de la dynamique bénéficiaire parmi les entreprises de plus petite taille, les investisseurs profitent toujours d’une décote de 10% en termes de ratio P/E pour acheter leurs actions. On notera avec intérêt qu’en dépit des progrès réalisés pour offrir une meilleure rentabilité aux investisseurs ces deux dernières années, ils auraient dû payer une prime d’au moins 15% sur le ratio P/E en 2015. En ce sens, les petites et moyennes capitalisations européennes sont plus intéressantes aujourd’hui qu’il y a deux ans, malgré leur hausse de 16% depuis le début de l’année.
Avec un contexte cyclique attrayant, les réformes de la France s’annoncent comme un catalyseur supplémentaire de la croissance et éventuellement de la rentabilité des entreprises. Bien que nombre d’observateurs doutent de la pérennité des réformes du président Macron, celles-ci ressemblent beaucoup aux mesures prises avec succès par l’Allemagne au début des années 2000 et par l’Espagne en 2012. En rétrospective, ces deux pays ont connu une diminution régulière de leur taux de chômage après la mise en œuvre des réformes, inversant ainsi la tendance après deux ans de hausse ininterrompue. En France, le chômage a d’ailleurs déjà commencé à baisser avec les premières réformes engagées à la fin de cette année, ce qui devrait accélérer la dynamique réformatrice en 2018.
La période de transition que sera pour l’économie britannique la dernière année avant sa sortie de l’UE en mars 2019, viendra compliquer la situation européenne. Cette phase de transition et les répercussions immédiates du Brexit devraient certes constituer un frein notable à la croissance domestique, mais les perspectives positives pour les économies mondiales et européennes soutiendront probablement les bénéfices réalisés à l’étranger par les grandes entreprises britanniques. Après son envolée de la fin 2017, la livre sterling devrait en outre se détendre légèrement en 2018, à mesure que les effets de base de l’inflation induite par la faiblesse de la devise s’atténuent, offrant ainsi un coup de pouce aux bénéfices des entreprises britanniques.