Par Norbert Fanchon, Président du Directoire du Groupe Gambetta
C'est une histoire étrange : sous couvert de supprimer la taxe d’habitation pour 80% des ménages, l’exécutif ne va-t-il pas mettre à bas l’élan de construction neuve dans notre pays ?
L’ambiance dans laquelle s’est tenu le 100ème congrès des maires de France le laisse redouter. Ni le Premier ministre ni le Président de la République, qui se sont exprimés devant les élus municipaux, ne sont parvenus à les rassurer sur l’avenir du budget des communes, que la suppression de la taxe d’habitation va considérablement affaiblir. Qui plus est, Emmanuel Macron a reconnu que l’exonération au profit des 4/5ème de la population ne suffirait pas et qu’il faudrait le supprimer pour tous. Au bout du compte, ce sont près de 12 Mds€, la première source de financement pour les collectivités, qui vont disparaître !
Au moment de mettre en œuvre cette mesure, les collectivités ont le sentiment que l’État va alléger la facture fiscale des familles et des individus... avec leur argent. Les Français eux-mêmes, interrogés ces derniers jours par Elabe, jugent à 56% excessifs les efforts qui sont demandés par l’État aux maires. 63% d’entre eux considèrent l’exécutif national irrespectueux de l’autonomie politique et financière des communes. Rien ne va plus.
Que pressentent les ménages ? Que disent les maires ? Les premiers comprennent que sans moyens financiers suffisants, les maires ne vont plus pouvoir apporter les services que les habitants attendent. Le problème dont ils n’imaginent peut-être pas l’acuité tient aux conséquences indirectes sur le logement : les maires ne délivreront plus les permis de construire s’ils considèrent n’être pas en mesure de répondre aux exigences de nouveaux entrants dans leur commune. On ne dit pas assez que l’acte d’autoriser la construction est engageant pour un élu et qu’il n’est que le début d’un processus d’accueil et d’intégration des habitants. En outre, les compensations des pertes de produits relatives à la suppression de la taxe d’habitation n’étant pas garanties, grande sera la tentation pour les maires d’augmenter la taxe foncière. S’ils sont conduits à cette extrémité, ils desserviront malgré eux la propriété, quelle que soit sa forme, tant pour les accédants que pour les investisseurs.
Les premiers comme les seconds sont nécessaires à la fois aux grands équilibres de l’habitat pour les ménages et à l’économie locale. On sent bien que les familles doivent trouver des réponses à leurs projets de logement, sans toutefois mesurer qu’une baisse de 5 ou 10% de la production créerait des tensions insupportables. On ne dit pas assez non plus que les logements sont construits par des entreprises en bâtiment localement implantées, qui créent des emplois sur leurs territoires, et de façon indirecte, par les multiples métiers de service qui accompagnent la vie des habitants.
En clair, il est urgent que les relations entre l’État et les collectivités locales se régulent. Qu’un contrat moral soit passé entre eux pour que le logement ne fasse pas les frais des malentendus ou des craintes. Oui, il faut que les promesses de compensation liées à la suppression de la taxe d’habitation soient tenues, mais il faut un pacte de responsabilité : des hausses de taxe foncière ou encore un ralentissement des octrois de permis de construire seraient gravement préjudiciables aux Français. Une fois de plus, le logement est l’enjeu central : sans une décentralisation sereine, sans un État respectueux de la mission de proximité des maires, la politique de choc d’offre voulue par le Président Macron manquera ses objectifs.
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