Par Gilles Monat, Directeur général de Saxo Banque.
La confirmation par le nouvel exécutif d’une flat tax sur le capital à 30% fait évidemment l’objet de nombreux commentaires dans le secteur financier. Qui y gagne ? Qui y perd ? Chacun y va de ses estimations et de ses calculs.
Au-delà de ces réactions logiques dans un monde de l’épargne et de la gestion d’actifs qui a besoin de visibilité et de stabilité, il est surtout important de souligner que cette décision s’inscrit dans une démarche visant à libéraliser l’économie française - même si le terme libéralisme est encore trop souvent un « gros mot » dans notre pays.
Cette réforme vise en effet à changer le rapport des Français à l’investissement productif pour apporter davantage de financement aux entreprises qui vont ainsi pouvoir se développer plus vite et créer davantage d’emplois. Il est en effet admis dans notre pays que le manque de fonds propres est un des maux dont souffrent les entreprises, ralentissant de ce fait leur développement et la création d’emplois. Pour que les entreprises, et notamment les jeunes entrepreneurs, les start-ups, puissent naître et grandir, il leur faut un accès facilité aux financements de toutes sortes puis à la Bourse. Et pour qu’elles trouvent des investisseurs, il faut que les rendements soient plus attractifs.
On le sait, tout investissement relève du duo rendement-risque. Ces dernières années, les Français ont majoritairement privilégié des placements sans risques et à faible rendement - qui ne favorisent en général que les banques et les assurances. Mais cette flat tax va modifier ces facteurs et encourager les investisseurs à préférer des investissements un peu plus risqués (actions, etfs) offrant un rendement net bien plus avantageux.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Avec cette mesure, chaque Français disposant d’un peu d’épargne aura donc un intérêt accru à investir et participer de ce fait à la création de richesses et d’emplois. Si on l’analyse en profondeur, cette décision peut même radicalement changer la relation des Français à l’économie et mettre fin à la vision parfois biaisée qu’ils ont de la finance, née des excès des années 2000/2010 avec les subprimes ou le Trading haute fréquence qui ne favorisent que quelques privilégiés, souvent les financiers eux-mêmes.
Désormais, chacun aura plus d’intérêt à devenir acteur de cette économie de l’investissement. Alors qu’avant, il fallait des centaines de milliers d’€ pour bâtir un véritable projet, aujourd’hui, avec quelques milliers d’€, on peut lancer sa start-up. Pour pouvoir lever des fonds, il faut un accès facilité au capital, donc un financement à moindre coût, et pour celui qui l’apporte, à plus haut rendement.Cette mesure doit faciliter l’appel public à l’épargne y compris via la dynamisation du marché secondaire avec davantage d’acteurs et de fluidité afin de rendre l’investissement plus simple, plus transparent et avec moins d’obstacles. Et ce ne sont pas les banques de détail qui peuvent créer ce mouvement.
Le développement de la technologie et la montée en puissance des fintechs qui permettent aux particuliers d’investir plus aisément, en toute transparence depuis leurs smartphones ou via une interface web ludique, parfois même à l’aide de robots, - tout ceci n’étant en rien incompatible avec la protection de l’investisseur puisqu’il s’agit là d’un secteur toujours très réglementé - vient nourrir cette dynamique. Elle doit accompagner un mouvement sociétal : investisseur ne doit plus être un simple statut mais bien un rôle social, quotidien.
Ce ne sont ni les investissements classiques dans les grandes multinationales, ni le passage via des Sicav, OPCVM ou FCP, ni le conseil traditionnel d’un banquier (qui privilégie trop souvent les produits « maison »), qui peuvent changer la donne. Il est temps que les Français reprennent le contrôle sur la gestion de leur épargne pour participer plus activement à la création de richesse, synonyme d’emplois pour demain.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
A ceux qui pousseraient les hauts cris face à cette perspective d’une démocratisation de l’investissement en capital, il faut répondre de façon très ferme : ce n’est pas l’investissement sur les marchés qui crée la volatilité ou l’instabilité, dès lors que le conseil et la diversification - et cela commence avec 3 valeurs en portefeuille - sont au rendez-vous. Il faut dédramatiser l’investissement. Après tout, le transport aérien est passé en 20 ans, grâce à Internet, d’un loisir de luxe à un service accessible au grand public. Et l’on parle pourtant de voler à 10 000 mètres d’altitude pendant plusieurs heures.
Certes, cette flat tax à 30% ne va pas révolutionner la situation du jour au lendemain. Elle va venir s’ajouter à des mouvements de fond : changement de génération, “digitalisation”, contexte de taux durablement bas qui signent la fin des temps de l’investissement sans risque de type assurance-vie ou Livret A. Mais si elle ne constitue pas une révolution à elle seule, cette mesure peut être le déclic. Le déclic vers ce monde qui ouvrira l’investissement en capital à une audience plus large, et transformera progressivement les épargnants en investisseurs, un monde qui apportera une alternative au vieux paradigme marxo-gaullien “capital-travail”, un monde où chacun pourra devenir investisseur plus naturellement.
Tout comme l’évolution actuelle du marché du travail devrait voir se réduire la part du salariat et permettre à de plus en plus de personnes de devenir entrepreneur, au moins de leur propre emploi. Et dans cette perspective de la généralisation de l’investissement, il n’est pas illogique que ce soit l’Etat, grand orientateur des flux financiers, qui donne le signal en utilisant le levier fiscal. C’est un rôle noble au service d’une belle ambition.