Cyril Fresse et Diane Dubrisay, de la société Bloomoon*, ont expliqué lors d'une conférence organisée en partenariat avec la DFCG** et animée par Pascal Ferron, vice-président de Baker Tilly France, comment faire face aux nombreux écueils qui se présentent lors des différentes procédures de vérification.
Aujourd'hui, plus de 24 000 entreprises en France sont concernées, pour un budget de 5,6 Mds€. Si toutes les entreprises - toute taille et tout secteur d'activité - peuvent en bénéficier, grâce à un système déclaratif assez simple, en revanche sécuriser le CIR et affronter avec succès un contrôle, s'avère assez complexe.
4 procédures peuvent être identifiées en matière de CIR : le rescrit et le contrôle sur demande à l'initiative du contribuable ; la vérification de comptabilité et les demandes d'informations à l'initiative de l'administration.
1/ Le rescrit fiscal
En adressant un rescrit fiscal à l'administration, l'entreprise lui demande de prendre position en amont d'une déclaration. L'absence d'avis vaut tacite acceptation, et est opposable à l'administration. Attention cependant à plusieurs pièges. La demande de rescrit s'effectue par projet. Ensuite, si l'entreprise a reçu son rescrit en juin, il se peut que le projet évolue d'ici au 31 décembre. Cet argument peut être utilisé par l'administration pour lancer, malgré un rescrit, un contrôle fiscal.
A noter : compte tenu, justement, qu'un projet de R&D, par nature, est évolutif, un rescrit peut être pluriannuel. Dans ce cas, grâce au « rescrit roulant », l'entreprise peut à nouveau demander l'avis de l'administration fiscale sur l'évolution du projet.
A priori, une entreprise ayant obtenu un rescrit fiscal aura moins de chances d'être contrôlée qu'une autre. Mais rien n'est moins sûr, les services fiscaux ne communiquant pas beaucoup entre eux...
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2/ Le contrôle sur demande
C'est la deuxième procédure que les entreprises peuvent utiliser pour sécuriser leurs projets. Elle n'est pas très connue, notamment parce qu'elle ne correspond pas à la culture française : plutôt attendre un contrôle que l'anticiper. Cette procédure est équivalente à un contrôle fiscal et ne peut concerner que les périodes non prescrites. Mais attention, dans ce cas, l'absence de réponse de l'administration ne vaut pas acceptation. Et aucun délai n'est fixé pour la réponse et l'instruction du dossier. Cette procédure peut être intéressante notamment en cas de fusion ou d'acquisition : elle permet de sécuriser le futur acquéreur ou partenaire.
3/ La vérification de comptabilité
Il s'agit du contrôle fiscal « classique ». Sauf qu'en matière de CIR, il se déroule différemment. La grande spécificité du contrôle fiscal d'un CIR est qu'il implique deux administrations : l'administration fiscale d'un côté, le Mesri de l'autre (ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation).
La première clé de réussite pour l'entreprise est la première rencontre avec le vérificateur : comprendre ses motivations, sa psychologie, sa manière de fonctionner. Soit il souhaite garder la main, soit il se repose sur les experts du ministère de la Recherche. Dans ce dernier cas, la relation peut être compliquée. En effet, il faut savoir que l'intervention de ces experts se déroule sans possibilité de débat contradictoire.
Sur le fond, au niveau fiscal, de nombreux points ne prêtent plus à discussion : plusieurs jurisprudences sont venues préciser les règles à appliquer, par exemple en matière de frais de personnel, d'intéressement et de participation, de prestations externalisées auprès d'organismes spécialisés, de propriété industrielle sur les brevets, sur les immobilisations liées à la recherche.
Malgré cela, il est possible de rencontrer des vérificateurs « irréductibles » : même si la loi précise bien que les frais de personnel d'un technicien de recherche sans diplôme peuvent être intégrés à la demande de CIR, il est arrivé qu'un contrôleur les remette en cause, estimant que faire de la recherche exige la possession de diplômes.
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4/ Présenter son dossier avec le prisme de la recherche scientifique
Les experts du ministère de la Recherche peuvent intervenir à la demande de l'administration fiscale, mais aussi à leur propre initiative, car ils ont la copie des déclarations. De plus en plus, on constate que les vérificateurs se déchargent sur les experts du Mesri ; il est devenu presque impossible de discuter avec eux sur le fond scientifique des dossiers.
Il est important de noter que ces experts sont souvent issus de la recherche académique, et qu'à leurs yeux, utiliser le CIR pour financer la recherche privée, et donc « gagner de l'argent », n'est pas toujours bien vu ! Leur prisme est en conséquence très différent de celui de l'entreprise.
Cette dernière devra donc prendre du recul et présenter son dossier avec le point de vue du chercheur académique, en insistant sur les problématiques scientifiques, les incertitudes, l'état de l'art, et moins sur le développement de produits.
Demande de remboursement et demande d'informations complémentaires vont de pair
Les demandes d'information de la part de l'administration sont souvent systématiques en cas de demande de remboursement. L'entreprise ne devra pas hésiter à appeler l'administration pour avoir des précisions sur les pièces qu'elle souhaite obtenir. Il est largement préférable de répondre précisément à sa demande que de lui envoyer l'ensemble du dossier.
Que ce soit en cas de contrôle fiscal ou de simple demande d'informations complémentaires, il est souvent extrêmement difficile de reconstituer l'évolution du dossier en remontant le temps. Essayez de demander à un chercheur s'il se souvient de ce qu'était la situation trois ans auparavant... A partir du moment où l'entreprise sollicite le Crédit impôt recherche, il lui appartiendra, en amont, de constituer son dossier de manière la plus imparable possible, et de l'alimenter au fil du temps. Mieux vaut passer un peu de temps avant, que d'en perdre beaucoup après.
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L'avenir du Crédit impôt recherche
Erigées en priorités absolues du quinquennat par Emmanuel Macron, l'innovation et la recherche sont aujourd'hui les leviers stratégiques phares de développement de l'entreprise. Afin de soutenir cette résolution, le président a annoncé la « sanctuarisation » de cette aide fiscale incontournable permettant de financer ces activités. Il est question de continuer à l'améliorer en simplifiant encore le dispositif, et en supprimant certains plafonds pour les grands groupes. Mais ce ne sont encore que des projets.
Au niveau de l'Europe ont lieu des discussions sur une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, qui entraînerait une super-déduction liée à la recherche et développement. Ce qui signifierait que le CIR pourrait être remis en cause. Mais sur ce point également, à ce jour rien n'est décidé.
Pour Pascal Ferron : « En tant que chef d'entreprise, directeur administratif et financier, responsable comptable, responsable fiscal, la gestion du dispositif du CIR représente un enjeu important compte tenu des sommes en jeu qui peuvent être, en outre, vitales à toute entreprise qui est de plus en plus condamnée à innover pour survivre. Compte tenu des chausse-trappes multiples, il est essentiel de se faire accompagner en amont par des spécialistes qui aideront l'entreprise à border son dossier en anticipant les inévitables futures demandes des services fiscaux. »
* Bloomoon : société de conseil en stratégie et pilotage opérationnel de l'innovation
** DFCG : Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion
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