Lors de leur conférence stratégique du 24 janvier, Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier, les cofondateurs de PrimeView, cabinet indépendant de recherche économique et financière, ont soufflé le froid et le chaud. Le premier a décrit un monde apocalyptique. Le second a précisé que la période était favorable aux actifs risqués et, en particulier, aux actions européennes.
« En 2007, la dette mondiale pesait 35.000 milliards de dollars et représentait 63 % du PIB. En 2012, elle portait sur 58.200 milliards de dollars et correspondait à 82 % du PIB, fait observer Jean-Luc Buchalet. La stagnation, voire le recul de la production industrielle au cours de la dernière décennie explique la hausse de l’endettement public dans les pays développés. Dans les pays ayant accepté la purge budgétaire, l’effondrement de la demande intérieure, qui donne l’impression que les comptes courants se rétablissent, n’en devient que plus prononcé. La spirale déflationniste s’installe en Europe. La consommation des ménages, poursuit-il, contribue au PIB à hauteur de 60 %. Si les ménages ne consomment pas, vous n’aurez pas de croissance. Sans perspectives, les entreprises investissent d’autant moins que la rigueur budgétaire est violente. »
S’ils sont ciselés, les propos n’en sont pas moins peu encourageants : « Tout resserrement budgétaire provoque la récession. Moins il y a de croissance, moins il y a de recettes fiscales et plus les autorités serrent les boulons ! » Un tel système fait exploser le marché de l’emploi, sans que l’on voie une issue à horizon rapproché. Sans doute conviendrait-il de s’inspirer du modèle américain. Par exemple, les Etats-Unis n’hésitent pas à recourir à la planche à billets. Jean-Luc Buchalet n’y va pas par quatre chemins : « Il faudrait dévaluer massivement l’euro. » Pour cela, trois voies peuvent être explorées : intervenir sur le marché des changes, ce qui coûterait extrêmement cher ; abaisser les taux d’intérêt, qui sont déjà très bas ; créer plus de monnaie que ne se crée de richesse.
Soulagement
« Nous avons longtemps marché au bord du précipice, en croyant que l’on allait finir par y sauter, déclare pour sa part Pierre Sabatier. Et puis Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a sauvé l’euro, grâce à son discours du 26 juillet dernier. » Les investisseurs ont été soulagés et repris confiance. Il est vrai que les effets de base, en partant d’une situation très dégradée, militaient pour une reprise. L’amélioration des conditions financières en Europe a également joué un rôle moteur dans la hausse des cours des actions. Enfin, un contexte avec un peu plus de croissance anticipée et peu d’inflation est, en général, favorable aux actions. « Toutes les banques centrales, remarque Pierre Sabatier, y compris la BCE et la Banque centrale du Japon, suivent désormais la même ligne : inonder le marché et l’économie de liquidités pour favoriser la reflation et faciliter les réformes. Si cela a toujours bien du mal à fonctionner pour l’économie réelle, les actifs financiers en profitent à plein. Quelle classe d’actifs, s’interroge-t-il, profitera le plus de cet afflux de liquidités au premier semestre ? Probablement les actions, du fait d’un marché obligataire indéniablement en surchauffe, quel que soit le risque associé. » Une progression de 20 % à moyen terme n’aurait alors rien d’absurde, même s’il faut ultérieurement s’attendre à une consolidation de quelques points de pourcentage.
Michel Lemosof