Si la République est une et indivisible, Il n’en demeure pas moins qu’elle consent à des ghettos dont certains s’apparentent à l’apartheid. Trop de logements à vocation sociale sont encore réalisés dans des périmètres qui développent la pauvreté pour la focaliser.
La loi du 13 décembre 2000 Solidarité et Renouvellement Urbains, bien connue par son acronyme SRU, déchaîna les passions. Que d’oppositions ce texte n’a-t-il pas suscitées ! Il fut présenté par l’opposition comme un danger pour la qualité de vie et l’habitat des Français. La diversité serait-elle un risque et la fragilité une menace ? Alors, il faudrait penser que la sécurité naîtrait de l’enfermement et du repli sur soi dont la carte scolaire donne une triste et inquiétante visibilité.
L’opposition s’est levée contre ce texte, brandissant l’article 72 de la Constitution qui dispose que les Collectivités s’administrent librement, oubliant à dessein la fin de la phrase : dans le respect des lois de la République.
L’amnésie est une vive tentation pour tenter de justifier, au prix de la trahison, les refus du changement. Michel Rocard fut victime de cette même vilénie : « la France ne peut pas accueillir toutes les misères du monde » occultant là encore la suite de son propos : mais elle doit prendre sa part.
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La part manquante traduit le refus de l’autre pour le considérer comme une charge. Il est une chance pour permettre à chacun de s’inscrire dans une plus grande et exigeante humanité. Pourquoi faut-il toujours ériger en système ‘le même’, reportant sine die les décisions dont l’absence détruit l’espoir.
Cette loi, votée, n’aura de cesse d’être remise en cause, en 2002 puis en 2006 avec la dernière intervention de l’Abbé Pierre qui, à l’âge de 92 ans, se présenta en fauteuil roulant dans l’hémicycle, s’opposant à ce que la loi déplace sur l’intercommunalité l’application des 20% du logement social aux fins de ne point aggraver les phénomènes de ghettoïsation. Il livrait son dernier et juste combat.
L’objectif de la loi SRU est de diminuer les marqueurs qui sont à la Société ce qu’ils sont au corps humain, la trace de métastases.
L’enfièvrement des banlieues a conduit à des guérillas urbaines pour concentrer sur de mêmes territoires des populations qui désespèrent de pouvoir être considérés comme des citoyens à part entière, d’où ces quartiers de non droit et cette montée inexorable des extrêmes dont une des premières causes est le ressenti de l’oubli.
La loi SRU concourt à une réconciliation du corps social qui souffre, non seulement du manque de logements, mais de ces fractures qui le désarticulent au point de lui enlever toute cohésion.
D’aucuns des élus qui ont voté ce texte se sont interrogés sur la possibilité pour les Communes de se dédouaner des logements sociaux en payant des pénalités, relevant de mauvaise mémoire ce que fut le mur de l’argent. Cet aménagement qui en blessa beaucoup fut accepté, conscients que sans cette ‘sortie’ la loi SRU ne serait pas entrée en vigueur.
Ils ont eu raison. Progressivement, les communes situées en territoire SRU se plient à cette mesure d’autant plus que la loi ALUR prévoit que les Maires, déterminés à refuser l’application de l’article 55, s’exposent désormais à se voir retirer, au profit des Préfets, le pouvoir de signer les permis de construire. En outre, les pénalités pour les communes carencées deviennent contraignantes, réduisant le nombre de ‘hors la loi’.
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Des échos laissent entendre que le Gouvernement repousserait à 2025 la réalisation du quota de 25% de logements sociaux et autoriserait, pour les zones tendues, l’intégration des logements intermédiaires dans ce pourcentage.
Réduire le champ d’application de l’article 55 de la loi SRU, c’est priver les personnes en situation de fragilité de trouver un habitat dans les quartiers socialement équilibrés au sein desquels les chances d’insertion sont considérablement majorées.
Les orientations de la majorité visent l’atténuation des rigidités sociales dont certaines constituent effectivement des rentes. Or, la loi SRU est un formidable accélérateur de la transformation sociétale. N’inscrit-elle pas la diversité comme une ouverture et une protection des plus vulnérables qui, quittant les espaces d’enfermements et d’hostilités latentes, découvrent une hospitalité suscitant de nouveaux possibles.
La mixité ne va jamais de soi, elle est un combat permanent pour que celui qui est autre trouve sa place. Le déserter, c’est se mettre à distance d’une éthique qui, comme le dit joliment Emmanuel Levinas, est une optique, en d’autres termes la vision d’un monde au sein duquel il nous faut apprendre à devenir des bâtisseurs de liens.
Bernard Devert,
Ancien agent immobilier, devenu prêtre
Comprendre l'économie durable pour s'y investir