Le Crédit Foncier nous fait découvrir au cours de cet été 2017, une grande figure de l’immobilier, son œuvre et sa résonance actuelle.
Après Georges-Eugène Haussmann, Paul Delouvrier, André Pux, Jules Siegfried et Napoléon III, ce 6ème épisode est consacré à Jean Dollfus (1800-1887). Industriel, économiste, homme politique français et philanthrope éclairé, Jean Dollfus fonde, en 1853, la Société mulhousienne des cités ouvrières (Somco) avec plusieurs autres grands dirigeants alsaciens. Soucieux du bien-être de ses employés, il fit bâtir dès 1854, la cité ouvrière de Mulhouse, ville dont il fut maire de 1863 à 1869.
Qui est-il : un philanthrope éclairé
Jean Dollfus, fils de Marie Mieg et de Daniel Dollfus, prit la direction commerciale de l’entreprise familiale de textile Dollfus-Mieg et Compagnie (DMC) en 1826, fondée en 1746 par Jean-Henri Dollfus. Dès l’origine, il s’est révélé un chef d’entreprise soucieux du bien-être de ses salariés et, plus généralement, de l’amélioration de la condition ouvrière et des couches populaires.
Jean Dollfus peut d’ailleurs être considéré comme le créateur du congé maternité. Pour enrayer le fléau de la mortalité infantile, il créa en 1864, une association des femmes en couches qu’il finançait sur sa propre cassette pour payer intégralement le salaire de ses ouvrières jusqu’à ce qu’elles reprennent le travail après l’accouchement. Jean Dollfus fut également précurseur en réduisant la journée de travail de 12 à 11 heures sans réduction de salaire en 1866.
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Le contexte : des ouvriers à loger
En France, la révolution industrielle du XIXe siècle dépeuplait les campagnes au profit des villes, voire des villages dont la population explosait après l’implantation d’un nouveau centre industriel. Cet afflux de populations nouvelles engendra, évidemment, pénurie et insalubrité des logements au détriment des ouvriers qui vivaient dans des conditions déplorables : bâtiments délabrés, exiguïté, entassement, manque d’air, de lumière et d’eau, puanteur, saleté, maladie… Médecins, sociologues, économistes usent des mêmes termes pour dénoncer, à l’unisson du Docteur Louis-René Villermé, la misère ouvrière. Tous ces différents rapports eurent leur efficacité : intellectuels comme industriels se mobilisèrent pour améliorer la condition ouvrière.
C’est ce qui conduisit à la multiplication des initiatives destinées à prendre en charge chaque instant de la vie des salariés, « du berceau à la maison de retraite », en commençant par la construction de logements ouvriers à proximité des usines. Les capitaines d’industrie n’avaient toutefois rien inventé. Dès la fin du XVIIe siècle, pour éviter la fuite de la main d’œuvre qualifiée vers la concurrence, les manufactures royales de Colbert avaient décidé d’assurer sur place le logement des ouvriers et de leur famille.
En outre, les industriels français ne se privèrent pas de suivre l’exemple des pays voisins, comme les cités ouvrières du Grand Hornu en Belgique ou de Port-Sunlight en Angleterre. C’est ainsi qu’en 1851, la Société Industrielle de Mulhouse lança un projet de cité ouvrière à qui Jean Dollfus donnera corps sur les plans de l’ingénieur-architecte Émile Muller.
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Quelle est sa contribution dans l’immobilier : cette cité ouvrière moderne
Jean Dollfus fit réaliser deux maisons ouvrières modèles en 1852, avant d’étendre le projet pour en faire bénéficier l’ensemble des ouvriers mulhousiens, en fondant l’année suivante, avec onze autres manufacturiers de la ville, la Société Mulhousienne des Cités Ouvrières (Somco). La Somco perçut de Napoléon III une subvention de 300 000 francs qui permit de poser les premières pierres de la cité ouvrière, située sur des terrains agricoles au nord-ouest de la ville et d’y aménager des espaces publics.
Modèle du genre, ce projet fut, en quelque sorte, la première initiative en faveur de l’accession des ouvriers à la propriété immobilière, sur le principe de la location-vente : la Somco vendait des maisons aux ouvriers moyennant un faible apport personnel, de l’ordre de 250 à 300 francs, complété par un loyer mensuel sur de longues périodes, de treize à quinze ans. Simultanément, la Somco assurait aux ouvriers leurs besoins quotidiens en leur fournissant leur alimentation, leurs vêtements et leur combustible à prix coûtant. Des bains et des lavoirs étaient également mis à leur disposition. De même, forme de sécurité sociale avant l’heure, deux médecins salariés de la Somco leur étaient dédiés. Enfin, une caisse d’épargne fut fondée en 1867 permettant aux ouvriers d’épargner à un taux annuel de 5 % et d’obtenir des prêts sans intérêt. Pour les ouvriers jugés les plus méritants, elle avançait le premier acompte nécessaire à l’achat d’une maison.
Achevée en 1895, la cité comptait 1 243 logements unifamiliaux avec chacun un jardin privé (coût moyen 3 000 francs). Ce modèle d’habitat social fut reconnu et estimé dans toute l’Europe. Il inspirera plusieurs grands patrons. Partout en France, fleuriront les cités ouvrières, dont certaines célèbres, comme Bataville en Moselle, Schneider en Saône-et-Loire ou le Familistère de Guise dans l’Aisne.
Le succès des cités ouvrières profita à tous : les ouvriers bénéficiaient de conditions de vie incomparables à ce qu’ils avaient pu connaître dans le passé, les entreprises, elles, s’attachaient une main d’œuvre de qualité et amélioraient leur image de marque. Pour recruter, nombre d’entre elles vantaient d’ailleurs leur action sociale ainsi que les bonnes conditions de vie et de logement qu’elles offraient. La construction de cités ouvrières se prolongea d’ailleurs jusqu’au début des années 1960, lorsque la crise permanente du logement prit fin.
La place du Crédit Foncier
Un des premiers clients du Crédit Foncier de France était un notaire parisien, Adolphe de Madre (1813-1894), auquel furent octroyés des prêts afin d’acquérir des terrains qu’il louait à des entrepreneurs pour y bâtir des logements pour leurs employés. Homme charitable, il fit construire une cité ouvrière pour des ouvriers méritants, à Paris, près de l’hôpital Saint-Louis (1861-1863).
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