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Les investisseurs sont-ils en excès de confiance ?

Par les équipes économiques de Schroders : Keith Wade, Azad Zangana et Craig Botham.


I -  Revue des marchés de milieu d’année

Jusqu'à présent, 2017 est une année intéressante pour les investisseurs. Les promesses faites par le Président Donald Trump concernant les réductions d’impôts, les dépenses d’infrastructures et la déréglementation ont donné lieu à l’espoir d’une reflation à la fin 2016. Même si les effets de cet espoir se sont encore fait ressentir début 2017, les investisseurs ont perdu quelque peu la foi dans la capacité du Président à tenir ses promesses, entraînant un affaiblissement du rallly ces derniers mois.

Depuis le début de l’année, les actions ont été la meilleure classe d'actifs, a contrario des matières premières. Le pétrole a renoué avec une tendance baissière (bien que l’OPEP ait réduit sa production) tandis que l’or a relativement bien résisté. Sur les marchés d’actions, l’Europe et les marchés émergents ont fait la course en tête, à la faveur d’un plus grand appétit pour le risque et d’une dépréciation du dollar américain (l’une des devises les plus en difficulté depuis le début de l’année).

Sur les marchés obligataires, la meilleure performance sur le segment des emprunts d’État a été le fait des Gilts, le ralentissement de l’économie britannique et les incertitudes entourant le Brexit rendant cette valeur refuge plus attractive. Les bons du Trésor américain ont également signé de belles performances, même si elles sont le résultat de l’essoufflement de la dynamique de la relance budgétaire portée par Donald Trump. Sur les marchés du crédit, les États-Unis ont sensiblement surperformé leurs concurrents européens sur fond de baisse des rendements obligataires, mais de progression des marchés d'actions.

Sur les marchés des changes, l’euro et le yen se sont appréciés sur la base du taux de change effectif, à l’inverse du billet vert. La plupart des autres devises sont restées stables.

Les tendances actuelles sont-elles durables ?
Le repli des rendements des emprunts d'État, conjugué au rally persistant des actions, laisse à penser que les investisseurs sont partagés à l’égard des perspectives actuelles. La volatilité demeure très faible malgré le durcissement monétaire de la Fed. Il est vrai que la liquidité est abondante, et qu’elle a été par le passé un facteur clé de l’évolution de concert de ces marchés et de la suppression de la volatilité. Mais l’histoire nous apprend que cette tendance n’est pas durable.

La baisse des cours du pétrole est une raison probable de la situation de marché actuelle. Même si ce repli pénalisera le secteur de l'énergie, certaines banques centrales telles que la Fed et la Banque d'Angleterre pourraient, compte tenu de prévisions baissières concernant l’inflation, revoir leurs objectifs à la baisse concernant le durcissement de leur politique monétaire, tandis que d’autres banques centrales, dont la BCE, pourraient être contraintes d’accentuer une nouvelle fois leurs mesures de relance. Dans ce scénario, les actifs risqués pourraient conserver leur beau parcours, notamment si la croissance se poursuit sans relâche et si l’inflation reste faible.


 Comprendre l'économie durable pour s'y investir

 

 

II -  Les investisseurs sont-ils en excès de confiance ?

La vigueur des marchés d’actions, face à un repli des rendements obligataires et à de fortes incertitudes politiques, pose la question de savoir si les investisseurs sont désormais pris d’un excès d’optimisme. En témoignent les nouveaux points bas atteint par l’indice de volatilité de la Chicago Board Options Exchange (CBOE), souvent baptisé « indicateur de la peur ».

On peut expliquer la faiblesse de la volatilité par l’acceptation par les investisseurs des trois principaux facteurs qui ont conditionné son évolution au cours de ces dernières années. De fait, les craintes concernant le durcissement monétaire de la Fed, la politique actuelle de la Chine et le niveau des cours du pétrole se sont toutes atténuées. Nous tenons à ajouter que la volatilité doit son faible niveau actuel en partie aux résultats positifs des élections en Europe où les pays concernés n’ont pas basculé dans le populisme.

Les facteurs qui pourraient changer la donne en termes de volatilité
Cela dit, le prochain choc dont pourraient pâtir les marchés ne proviendra peut-être pas de la Fed, du pétrole ou de la Chine. Il pourrait être géopolitique au départ, car les risques politiques augmentent en Asie même s’ils ont diminué en Europe. Nonobstant ce scénario, des trois principaux facteurs susmentionnés, la politique de change de la Chine semble moins préoccupante bien que les risques posés par les cours du pétrole baissent encore. La principale crainte est suscitée par les taux d’intérêt américains, sachant que le marché semble sous-estimer leur risque de hausse. La volonté de normalisation reste fort et les taux demeurent sensiblement inférieurs au niveau recommandé par la plupart des modèles à ce stade du cycle économique américain. Actuellement, le marché intègre seulement un voire deux relèvements supplémentaires des taux à fin 2018. Dans le même temps, les membres du Comité de politique monétaire (FOMC) anticipent des taux à un niveau à peine supérieur à 2 % à la fin de l’année 2018.

Difficile de ne pas faire preuve d’excès de confiance
Bien évidemment, ces pressions monétaires ne s’exerceront pas tout de suite. Le faible niveau de l’inflation justifiera la prudence de la Fed et le début de la réduction de son bilan contraindra probablement celle-ci à marquer une pause d’une durée six mois dans son tour de vis afin de surveiller tout durcissement éventuel des conditions financières générales. Sauf si la Fed émet des signes contraires, les divergences d’opinion entre le marché et le FOMC pourraient ne pas être résolues avant le printemps 2018. Par ailleurs, les achats d’actifs par les banques centrales devraient encore augmenter. C’est pourquoi les investisseurs pourraient avoir du mal à ne pas tomber en excès de confiance puisque la liquidité continuera de conditionner l’évolution des marchés, sachant qu’il existera un risque de formation d’une bulle. 


III - Liquidité mondiale et marchés émergents : quels risques ?

Aujourd’hui, nous vivons une situation dans laquelle les banques centrales reviennent sur leurs mesures de relance non conventionnelles. La BCE envisage dun abandon de son QE, la Fed de réduire son bilan et la Chine durcit sa politique monétaire. Cela dit, même si celui de la Fed est voué à rétrécir, nous nous attendons à ce que les bilans des banques centrales augmentent de manière générale. Cela suppose que les marchés d'actifs continueront de bénéficier d’un facteur de soutien, sachant tout de même que le retrait de la liquidité en dollar pourrait exercer des tensions au sein de certaines économies émergentes fortement dépendantes du billet vert.

Aujourd’hui, la plupart des économies émergentes qui avaient pâti de cette dépendance significative lors du « Taper Tantrum », c’est-à-dire de la forte correction de 2013, ont nettement amélioré leurs comptes extérieurs, justifiant le calme relatif des marchés à l’égard des perspectives d’un retrait de la liquidité. Celle-ci demeure pourtant élevée, et elle a même augmenté au sein d’un petit groupe de pays. Sur la base de cet indicateur, nous estimons toujours que l’Afrique du Sud, la Turquie, le Pérou, le Chili, la Colombie et la Malaisie sont exposés à des risques.

Hormis leur forte dépendance à l’égard du financement extérieur, la solide croissance du crédit au sein de ces pays constitue un risque supplémentaire en cas d’assèchement de la liquidité mondiale. De manière plus générale, les banques centrales des économies émergentes pourraient être forcées de durcir leur politique afin de se protéger, d’une part, contre les pressions inflationnistes occasionnées par les fluctuations des taux de change et, d’autre part, contre d’importantes sorties de capitaux. Depuis la crise, le secteur privé en Amérique latine et en Asie émergente (même en excluant la Chine) s’est ré-endetté de manière assez rapide. Cette tendance a été beaucoup moins marquée au sein de la région EMOA1. À noter toutefois l’existence de différences considérables au sein de chaque région.

La liquidité mondiale est peu susceptible de menacer les marchés émergents cette année
Dans l’ensemble, les conditions de liquidité à l’échelle mondiale ne devraient pas porter préjudice aux marchés émergents en 2017. En effet, le processus d’expansion des bilans des banques centrales devrait se poursuivre et la réduction de celui de la Fed n’est pas attendue avant septembre, voire plus tard. Cela ne nous empêche pas d’observer des risques à l’horizon, à savoir en 2018, notamment au sein des marchés émergents les plus exposés puisque la Fed pourrait surprendre le marché en optant pour une politique monétaire plus agressive. L’Afrique du Sud, la Turquie et certaines économies latino-américaines nous semblent vulnérables. À l'inverse, l’Europe émergente et la plupart des pays d’Asie émergente semblent protégés par un faible niveau de leur endettement et de leur inflation ainsi que par la hausse des taux réels.

http://www.schroders.com/


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