L’intérêt pour une PME ou une start-up de s’introduire en Bourse, c’est bien sûr de lever des fonds. En revanche, il est essentiel de bien expliquer pourquoi : une nouvelle stratégie commerciale à l’international, le développement d’un nouveau produit, une recherche pharmaceutique…
Franck Serratrice, Associé Baker Tilly France spécialiste de l’introduction en Bourse, explique quels en sont les intérêts, les pré-requis et les pièges à éviter.
La bourse est souvent le troisième temps du financement
Lors de sa création, une start-up va prioritairement rechercher des fonds auprès des business angels, les banques et la BPI abondant généralement à même hauteur. Le deuxième tour de table s’effectue avec des capitaux-risqueurs pouvant investir de quelques millions d’euros à plusieurs dizaines de millions d’euros, mais toujours pour une durée limitée, puisque leur objectif est de sortir à horizon de 5 à 7 ans avec une belle plus-value. La troisième étape, outre la recherche de nouveaux fonds, peut être l’introduction en Bourse.
Financer une étape clé de l’expansion de l’entreprise
L’introduction en Bourse permet de lever des sommes importantes sans avoir la préoccupation de l’horizon de sortie des investisseurs, l’argent ainsi levé n’ayant pas vocation à être remboursé. Un deuxième avantage est bien évidemment la notoriété dont va jouir l’entreprise. Elle gagne en visibilité, peut plus facilement recruter des « pointures » dans son domaine. Elle sera mieux considérée par les banquiers. Bien évidemment, le statut de l’entreprise change dans le sens où elle acquiert davantage de « poids » vis-à-vis des clients, des fournisseurs, et de ses partenaires en général.
Par ailleurs, pour un dirigeant, l’évaluation de son entreprise non cotée est toujours un exercice subjectif alors qu’une fois cotée, la valeur de l’entreprise, et donc du patrimoine du chef d’entreprise, est connue au jour le jour. Un autre avantage, un peu moins avouable, de l’introduction en Bourse, est que cela permet de faire « sortir » les capitaux-risqueurs, et d’être moins dépendants d’eux.
Il est important de savoir qu’il n’y a pas de « bonne » taille ou de taille minimale pour s’introduire en Bourse. Certaines biotechs qui n’ont encore commercialisé aucun produit et n’en sont qu’au stade de la recherche sont cotées en Bourse… Le seul critère valable est d’avoir besoin de financer une étape clé dans l’expansion de l’entreprise.
Le bon timing : juste avant un développement majeur
L’entreprise a consacré depuis plusieurs années ses ressources à la recherche et développement, elle a mis au point une technologie de rupture, l’a validée, et elle doit passer à la production ? Elle a remporté de beaux succès commerciaux en France sur un produit, a fait des tests concluants dans d’autres pays du globe, et elle a besoin de ressources pour déployer sa force commerciale et multiplier sa production ? Typiquement, dans ce genre de situation, l’introduction en Bourse donnera à l’entreprise les moyens de ses ambitions.
Certes, il y a aussi des modes. Dans les années 2000, les technologies Internet avaient le vent en poupe. Puis ce furent les biotechs, qui laissèrent la place aux medtechs. Selon les époques, certains secteurs d’activité ont le vent en poupe. Toutefois, toute entreprise en fort développement doit se poser la question de la pertinence d’une introduction en Bourse. Viser une introduction en début d’année est souvent judicieux. Les investisseurs n’ont pas encore commencé leurs investissements, ils ont de l’argent disponible. Ensuite, l’été est généralement calme…. Et à la rentrée, il reste moins d’argent à investir. Si, en plus, les investisseurs ont obtenu de bonnes performances depuis le début de l’année, ils peuvent avoir tendance à vouloir sécuriser leurs actifs et à reporter à l’année suivante de nouveaux investissements.
Fixer son cours de bourse : un choix stratégique
Pour définir son cours de bourse, le dirigeant devra bien évidemment se faire conseiller. En résumé, pour un même objectif d’argent à lever, on peut considérer que plus le prix par action sera élevé, moins le fondateur va être dilué.
Pour s’introduire en Bourse, le dirigeant devra bien choisir la structure qui l’accompagnera. Le piège à éviter : penser qu’il peut, avec son équipe, le faire seul à moindre coût. Erreur fatale. D’abord parce qu’une introduction requiert des compétences très pointues. Ensuite parce que la démarche est particulièrement chronophage et que le dirigeant doit continuer à se focaliser sur le développement de son entreprise.
Ce sont le plus souvent les services spécialisés des banques qui vont se charger de rédiger la documentation réclamée par l’Autorité des marchés financiers (AMF), et surtout assurer la promotion de l’opération et trouver des investisseurs. Une bonne force de frappe est indispensable pour faire adhérer des investisseurs potentiels au projet.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Démarrer par Alternext
Alternext est un marché « plus petit » qu’Euronext et exige moins de réglementation. Alternext permet de conserver les normes comptables françaises, alors qu’Euronext exige des comptes présentés sous le référentiel IFRS.
Avant de choisir entre Alternext et Euronext, la question essentielle à se poser est donc de définir si ce sont les investisseurs français qui sont visés, ou également européens. Autre différence : Alternext a tendance à être moins liquide, les mouvements d’actions des nouveaux actionnaires seront en conséquence plus réduits.
Une procédure très normée et coûteuse
Il est essentiel de s’entourer de bons conseils. Le « prospectus » qui doit être déposé à l’AMF est très normé. Présentation de l’entreprise, de ses comptes, de sa stratégie, ses marchés, etc. : ce ne sont pas moins de 300 pages, véritable bible de l’introduction en Bourse, que l’entreprise devra produire. Le chef d’entreprise est mis à contribution, les équipes comptables, les avocats…
Le processus ne peut se faire en moins de 4 mois, via le mode opératoire suivant :
- avoir bien validé le projet en interne, avec ses équipes, les actionnaires actuels. On pitche les partenaires financiers, les conseils, puis on les sélectionne.
- avoir en tête que les honoraires se montent au bas mot à 1 €, dont la majorité pour le PSI (Prestataire de Services d’Investissement), mais qui, selon les modalités contractuelles, ne sera payé que si l’opération va jusqu’au bout. Le coût moyen pour des levées de fonds entre 10 et 20 M€ représente environ 10% d’honoraires, et entre 20 et 50 M€ : 8%.
- consacrer les ressources : chef de projet, coordinateur en interne, banque, expert-comptable et commissaire aux comptes - qui doivent être familiers avec la mécanique d’introduction en bourse, le référentiel IFRS et la consolidation -, avocats, agence de communication…
- être transparent car l’AMF étudie tout. Il faut également accepter par exemple que sa rémunération puisse être connue.
Facteurs clés de succès
Etre très clair sur le projet de l’entreprise et pourquoi on s’introduit en Bourse. Bien connaître les investisseurs, solliciter ceux susceptibles d’être intéressés par le projet. Avoir un expert-comptable qui maîtrise les IFRS et qui a des relations avec l’AMF. S’assurer qu’en interne tous les acteurs soient d’accord et soient mobilisés pour se lancer dans l’aventure.
Si l’entreprise est bien accompagnée, l’opération se fera le plus rapidement possible et perturbera a minima la vie de l’entreprise pendant la durée de l’introduction.
Une fois cotée, l’entreprise devra acquérir de nouveaux réflexes : communiquer en toute transparence avec l’AMF tous les semestres, faire vivre le cours en éditant des communiqués de presse, en communiquant avec les actionnaires, etc.
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