"Libre parole" d'Olivier Rozenfeld, Président du Groupe Fidroit.
La vente d’une société est souvent l’occasion de procéder à une donation pour limiter l’impôt de plus-value qui va naître.
Pour tenir compte des besoins financiers du donateur, les praticiens privilégient souvent une donation avec réserve d’usufruit puis un report du démembrement sur les biens acquis en lieu et place des droits sociaux faisant l’objet de la cession. Cela assure au donateur qui reste usufruitier la capacité à bénéficier de revenus sa vie durant sur les réinvestissements pratiqués.
Dans ce cadre, il a été longtemps privilégié de faire supporter les droits de donation par le nu-propriétaire de façon à ce qu’en sa qualité de redevable de l’impôt de plus-value, il puisse, dans le calcul de la plus-value, tenir compte des droits de mutation.
Cette pratique rendue obligatoire par les effets de la loi vient de subir un « lifting partiel » par un arrêt du Conseil d’Etat du 11 mai 2017. Et par voie de conséquence entraîne de nouvelles modifications que doivent intégrer praticiens et contribuables.
Le Conseil d’Etat vient de juger, dans le cadre de la cession de titres démembrés, que le cédant nu-propriétaire était en droit de se prévaloir des frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de l’usufruit, lorsqu’il calcule la plus-value imposable à raison de laquelle il est seul susceptible d’être taxé.
La CAA de Bordeaux a rejeté la demande des requérants visant à annuler ces jugements du TA de Bordeaux (CAA de Bordeaux du 14 juin 2016 N° 14BX01301no et 14BX01302)
Pour la juridiction d’Appel, seuls les frais et taxes personnellement acquittés par le redevable de l’impôt en sa qualité de cédant des titres viennent majorer leur valeur d’acquisition. Autrement dit les nus propriétaires ne peuvent tenir compte que des droits de donation qu’ils ont supportés lors de l’acquisition de la nue-propriété des titres.
Le Conseil d’Etat vient par décision en date du 11 mai 2017 d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 14 juin 2016.
La haute juridiction administrative estime que dans la situation soumise à sa censure le cédant nu-propriétaire est en droit de se prévaloir des frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de l’usufruit, lorsqu’il calcule la plus-value imposable à raison de laquelle il est seul susceptible d’être taxé.
En principe, le prix effectif d’acquisition mentionné à l’article 150-0 D cité ci-dessus ne comprend que les frais et taxes acquittés par le cédant à l’occasion de l’acquisition du bien cédé.
Toutefois, dans l’hypothèse, d’une part, où le cédant est le nu-propriétaire et, d’autre part, lorsque le prix de cession est remployé pour l’acquisition d’un autre bien sur lequel le démembrement est reporté, le prix effectif d’acquisition comprend l’ensemble des frais et taxes qui ont grevé l’acquisition, tant de la nue-propriété que de l’usufruit, alors même que ces frais ont été acquittés par l’usufruitier.
Dans cette hypothèse, le cédant est en droit de se prévaloir des frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de l’usufruit, lorsqu’il calcule la plus-value imposable à raison de laquelle il est seul susceptible d’être taxé. »
Cela vient donc troubler la pratique qui doit réajuster ses propositions à la lumière de cette décision du Conseil d’Etat…
Mais attention, nous pourrions nous rendre l’auteur de conclusions hâtives !
La donation avec réserve d’usufruit et prise en charge des droits de donation par le donateur usufruitier est-elle concernée ? A notre sens, non… ! Dans le cas ici jugé, celui du remploi, l’usufruitier a payé ses droits parce qu’il a reçu ce droit par donation (il n’y a pas eu rétention du droit par un plein propriétaire qui s’est conservé l’usufruit). Et le nu-propriétaire a payé les siens sur la nue-propriété reçue.
Aussi, il faut retenir que les droits de donation doivent être intégrés dans le calcul de la plus-value si le titulaire du droit a payé l’impôt de mutation pour en devenir titulaire.
Il ne semble pas possible d’admettre la prise en compte des droits de donation lorsqu’ils ont été pris en charge par le donateur, quand bien même ce dernier aurait la qualité d’usufruitier (hypothèse d’une donation avec réserve d’usufruit pour laquelle le donateur acquitterait les droits en lieu et place du nu-propriétaire). En effet, en pareille hypothèse, les droits de donation n’ont pas effectivement grevé l’acquisition du droit cédé par le nu-propriétaire et l’usufruitier qui paye l’impôt n’a pas supporté une charge lui incombant.
La solution devrait pouvoir être transposée à l’hypothèse dans laquelle la plus-value est imposable au nom du seul usufruitier (lorsque le prix lui attribué dans le cadre d’un quasi-usufruit). Ceci constituerait un argument supplémentaire en faveur des stratégies de « donation avant cession » en particulier lorsqu’un quasi-usufruit sur le prix est mis en place (CE 10 février 2017). En effet, non seulement la donation purgerait la plus-value latente sur la nue-propriété mais en plus, l’usufruitier pourrait déduire de la plus-value se rapportant à l’usufruit, les droits de donation acquittés par le nu-propriétaire.
On restera attentif à d’éventuels commentaires de l’administration, ou mieux encore, à de nouvelles jurisprudences en la matière…car la stabilité « Macronienne » pourrait de nouveau être altérée par les juges.
Arrêt du Conseil d’Etat CE, 3e - 8e ch. réunies, 11 mai 2017, n° 402479
Contacter Olivier Rozenfeld sur ce sujet ? : Sophie Launay : 07 77 83 96 42 - communication@fidroit.fr
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