Si le compartiment High Yield des obligations d’entreprises bénéficie de fondamentaux macroéconomiques et microéconomiques très robustes, quelques facteurs d’incertitude sont à considérer : la « cherté » d’une partie du marché, l’impact de la remontée des taux d’intérêt et les risques politiques incitent à privilégier une approche d’investissement sélective et circonstanciée, dite de « bond-pircking ».
L’analyse de Stephan Mazel, Responsable de la Gestion Crédit chez Groupama AM.
Depuis plusieurs trimestres, le compartiment obligataire High-Yield bénéficie d’un environnement favorable. Les fondamentaux sont solides, avec une reprise synchrone des indicateurs conjoncturels dans l’ensemble des pays occidentaux qui se concrétise par de meilleures perspectives microéconomiques. « L’appétit des investisseurs pour la classe d’actifs est notamment soutenu par la croissance bénéficiaire des entreprises : la croissance des résultats est plus forte que la croissance de leur dette, le processus global de désendettement des sociétés se poursuit » observe Stephan Mazel. Des taux d’intérêt encore bas au 1er trimestre ont également participé à l’allègement des frais financiers des sociétés, permettant d’améliorer leurs capacités de remboursement. « La bonne santé des entreprises se traduit par des taux de défaut en net repli, à des niveaux modestes. Moody’s anticipe ainsi un taux de défaut de 2,5% à fin 2017 pour les émetteurs du marché High Yield mondial ».
Quant au risque politique, Stephan Mazel explique qu’il reste assez difficile à anticiper. Passé l’élection présidentielle française, les échéances politiques seront encore importantes en Europe entre législatives en France, en juin, et en Allemagne, au mois de septembre. « A priori, l’Investment-Grade est plus exposé au risque politique que le High Yield. Cela tient notamment à sa structure sectorielle, composée de nombreux émetteurs de la consommation courante, du secteur bancaire et des utilities. Par ailleurs, nous estimons que le long processus de Brexit continuera de peser sur les émetteurs britanniques ».
L’évolution des politiques monétaires va susciter une réorientation des flux d’investissement
Dans ces conditions, le marché High Yield a connu un rallye qui a propulsé certains segments à des niveaux de valorisation jugés désormais trop élevés. « La cherté des obligations High Yield pose aujourd’hui question, d’un point de vue absolu et relatif ». En effet, dans le sillage de taux souverains encore très faibles et après leur valorisation continue au cours des derniers mois, les taux du High Yield évoluent à des niveaux seuils. « C’est particulièrement le cas en Europe où un titre noté ‘BB’ propose aujourd’hui un rendement d’environ 2,5% pour une maturité de 3,5 ans, contre près de 6,5% historiquement » illustre Stephan Mazel. La comparaison vaut aussi face à l’Investment-Grade, puisque le spread Investment-Grade/High Yield est historiquement bas sur le marché européen avec un ratio inférieur à 3, synonyme d’une prime relative de plus en plus faible en faveur du High Yield, pourtant plus risqué.
Les risques relatifs aux décisions monétaires des banques centrales d’une part, et aux incertitudes politiques d’autre part, vont également influencer la classe d’actifs d’ici la fin de l’année. Bon nombre d’investisseurs se sont rués sur les actifs High Yield selon une logique de recherche de rendement et de diversification, quand la BCE a déployé son fameux programme de rachats d’actifs. Or, le programme d’achat de titres de la BCE devrait ralentir de nouveau début 2018. Ce moindre soutien de la politique monétaire, à venir en Europe et déjà en œuvre outre-Atlantique, devrait susciter une réorientation des flux d’investissement via des arbitrages défavorables à la classe d’actifs et en particulier aux titres notés ‘BB’. « Les prémices de ce mouvement sont perceptibles, certains investisseurs étant déjà sortis du High Yield, d’autres préférant notamment les loans pour profiter d’une moindre sensibilité au risque de taux » indique-t-il.
Un positionnement prudent sur la classe d’actifs
Ces perspectives confortent l’équipe de Groupama AM dans son approche d’investissement sélective et circonstanciée, dite de « bond-picking », du marché High Yield. « Notre positionnement est aujourd’hui globalement neutre sur la classe d’actifs, au regard des niveaux de valorisation et des facteurs de risque. Nous sommes attentifs à la notion de risque spécifique et considérons les opportunités d’investissement au cas par cas ». Les obligations des émetteurs Loxam et Ellis sont deux exemples de titres investis récemment.
Privilégier la partie courte de la courbe, moins sensible au risque de taux, est un des choix stratégiques de l’équipe. « Nous recourons également aux marchés dérivés, via des options sur CDS, pour protéger partiellement nos portefeuilles ». Enfin, en termes d’allocation géographique, la prudence à l’égard des titres américains prévaut. « Le trade thématique de la reflation a soutenu les marchés obligataires corporate américains depuis l’élection de Donald Trump, en raison du programme pro-croissance qu’il a promis. Mais sa mise en œuvre semble poussive. Une déception des marchés n’est donc pas exclue à moyen terme », conclut Stephan Mazel.
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