« Exclure les valeurs mobilières de l’ISF, pourquoi pas… si un dispositif compensatoire est créé, permettant aux PME de continuer à bénéficier du financement vital des contribuables ! »
Par Olivier Motte, Président de Turenne Capital
L’idée n’est évidemment pas de se positionner pour le maintien de l’ISF. Laissons à nos nouveaux dirigeants le soin de choisir quel sera l’avenir de cet impôt. Mais force est de constater que la suppression de la partie valeurs mobilières de l’assiette taxable - envisagée par Monsieur Macron - aurait des conséquences importantes sur les recettes fiscales nationales - qui passeraient de 5 à 2 Mds€ - et sur le financement des PME.
Les véhicules financiers dédiés au capital investissement (Fonds d’Investissement de Proximité (FIP), Fonds Communs de Placement dans l’Innovation (FCPI), holding ou mandats) contribuent, en effet, de manière significative à accroître les fonds propres de très nombreuses PME, puisque la collecte liée au dispositif ISF-PME (investissements en direct compris) a représenté près de 900 M€ l’an dernier. De l’argent qui a irrigué quelques 1 000 entreprises.
Faire passer le taux de réduction à l’IR de 18 à 25%
Certes, le dispositif d’incitation fiscale lié à l’impôt sur le revenu - réduction d’impôt égal à 18% du montant investi, alors que pour l’ISF la réduction atteint 50% - permet aussi de récolter du financement pour les PME, mais sans les contribuables « ISF », il risque de manquer tout ou partie des 900 M€ collectés chaque année. Or, les petites entreprises ont un besoin vital de ces fonds pour se développer, embaucher et perdurer. Une chose est claire : ce ne sont ni les banques, ni les fonds LBO qui s’y substitueront. Les deux ne s’intéressent qu’à des capitalisations moyennes et grandes. Il s’agit donc aujourd’hui de ne pas tourner le dos à cette manne financière.
La solution la plus simple serait sans doute d’accroître l’avantage fiscal attaché à l’IR en faisant progresser le taux de 18 à 25%, par exemple, comme c’était le cas au cours de ces dernières années. On ne cesse de louer l’entrepreneuriat en France… Encore faut-il que des moyens lui soient alloués !
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Continuer à inciter les particuliers, à s’impliquer dans l’entrepreneuriat…
Deux arguments complémentaires plaident en faveur de ce dispositif. Les investisseurs particuliers, tout d’abord, ont appris, au fil du temps à s’impliquer davantage dans l’économie « réelle » du pays. Tous les gérants de fonds le constatent : les souscripteurs veulent savoir quelles sont les entreprises qu’ils ont aidées à se développer et sont fiers lorsque celles-ci décollent grâce à eux. Le contribuable, se rapproche du chef d’entreprise et a une meilleure compréhension de ce qu’est une PME.
… et à offrir aux entrepreneurs l’opportunité de se faire accompagner par des gérants expérimentés
De même, ce moyen de financement est-il intéressant pour les entreprises elles-mêmes, en dehors de l’aspect purement financier ? Oui, car l’entrée d’un fonds au capital signifie l’arrivée d’une société de gestion compétente, expérimentée et qui va s’impliquer activement dans son développement. L’accompagnement des gérants est très apprécié des entrepreneurs. Avec des financements bancaires, ils ne bénéficieraient pas de ces conseils qui peuvent faire la différence lors de décisions stratégiques pour lesquelles l’entrepreneur peut manquer d’expérience… Deux exemples concrets :
- Turenne Capital a accompagné durant 5 ans la société Kapia intervenant dans le domaine de l’édition de logiciels facilitant la gestion des contrats d’assurance-vie pour les compagnies d’assurance. En entrant dans le capital de cette société, les fonds auxquels les contribuables ont souscrit lui ont permis de recruter des ingénieurs et des commerciaux, et d’accélérer son développement.
- Autre succès, DigiSchool, spécialisée sur l’éducation via Internet. Sans l’entrée des FIP, dans son capital, cette société exemplaire n’aurait peut-être pas rencontré une telle réussite, alors que le coup de pouce financier lui a permis de s’épanouir et de créer, là aussi, de nombreux emplois.
Conclusion : boosté par la loi TEPA* de 2007, le capital investissement a fait la preuve de sa grande utilité au cours de ces dernières années. De nombreuses entreprises ont en effet réussi à prendre leur envol grâce à l’épargne des particuliers et ont créé de l’emploi. Ce système vertueux doit donc perdurer dans le temps afin qu’une majorité de citoyens puisse s’enorgueillir de contribuer concrètement à l’amélioration de l’économie nationale. Celle-ci passe par la promotion de ces entreprises ; personne n’en doute plus.
* TEPA : La loi en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat prévoit, notamment, la réduction de l’ISF en cas d’investissement dans les PME ou de dons à des organismes d’intérêt général.