L’analyse de Cormac Weldon, Head of US Equity chez Artemis Fund Managers
La nouvelle administration américaine a essuyé un sérieux revers en mars quand sa première tentative pour faire voter une réforme majeure par le Congrès s'est soldée par un échec. Donald Trump a renoncé à présenter devant la Chambre des Représentants son projet de réforme du système de santé parce qu'il ne pouvait pas compter sur le soutien de la majorité des Républicains. Ses adversaires y ont vu une défaite personnelle du nouveau Président américain. Mais la question est de savoir quelles seront les conséquences pour les autres réformes qu'il avait l'intention de faire et quelles seront les conséquences pour nos fonds ?
Le financement du système de santé américain soulève des questions extrêmement complexes. La réforme à laquelle avait procédé Barak Obama, « l'Obamacare », avait permis d'améliorer les choses sur un certain nombre de points, mais elle les avait aggravées sur d'autres. Le projet défendu par Donald Trump aurait lui aussi apporté quelques éléments de réponse satisfaisants. La non adoption de sa réforme ne fait que souligner la complexité du dossier. Les États-Unis sont confrontés à un problème très difficile à résoudre et pour lequel il n'existe pas de réponse simple. Il s'agit bien sûr d'un échec pour les supporters de Donald Trump - mais cet échec ne donne pas un coup d'arrêt aux ambitions de la nouvelle administration américaine dans ce domaine. Le projet de réforme réapparaîtra sous une autre forme plus tard.
L'équipe de Donald Trump s'attaque maintenant au dossier suivant également inscrit sur son agenda : les baisses d'impôts. En principe, le sujet est moins délicat et la réforme fiscale devrait rencontrer moins de difficultés. Mais l'échec de la réforme du système de santé soulève un problème : la réduction du budget de la santé devait permettre de compenser en partie les baisses d'impôts. Les choses du coup se compliquent. Nous sommes persuadés qu'il existe au sein du Parti républicain une large majorité en faveur d'une réforme de la fiscalité, mais les membres du parti de Donald Trump risquent d'être amenés à freiner leurs ambitions. La nouvelle administration américaine a appris que la précipitation législative était mauvaise conseillère.
Il y a un autre élément important à prendre en considération : les élections de mi-mandat en 2018 pour le renouvellement de l'ensemble de la Chambre des Représentants et d'un tiers du Sénat. Les Républicains doivent pouvoir mettre en avant le fait qu'ils ont fait voter un certain nombre de textes législatifs pour pouvoir être réélus. La réforme du système de santé et les baisses d'impôts avaient été leurs deux plus grandes promesses électorales. A partir du moment où ils n'ont pas réussi (jusque-là) à tenir une de leurs promesses phares, ils sont condamnés au succès en ce qui concerne la réforme fiscale. Leur échec en matière de réforme du système de santé ne leur laisse pas d'autre choix que de réussir la réforme fiscale.
Le Parti républicain voudra également surfer sur la vague d'optimisme déclenchée par l'élection de Donald Trump. Un optimisme alimenté en grande partie par la perspective de la baisse des impôts et de la mise en œuvre d'une politique de dérégulation. Donald Trump a pris un décret pour assouplir les objectifs de réduction des émissions de carbone. L'industrie financière devrait être le prochain secteur à être dérégulé. Le mouvement de dérégulation est en cours pour le meilleur ou pour le pire. Les petites entreprises devraient en être les principales bénéficiaires et le développement de l'activité et l'augmentation de la confiance des consommateurs devraient se traduire par une amélioration sensible de la croissance économique.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Quelles sont les conséquences pour nos fonds d'actions américaines ?
Nous n'avons pas modifié la composition de nos portefeuilles. L'échec essuyé par Donald Trump dans sa tentative de réforme de « l'Obamacare » fait peser de lourdes incertitudes sur le secteur de la santé. C'est la raison pour laquelle nous restons sous-pondérés sur les valeurs de la santé. Dans les autres secteurs, les dépenses de consommation ne repartent pas à la hausse et les circuits traditionnels de distribution continuent à perdre du terrain par rapport au commerce en ligne. De plus, les sociétés spécialisées dans les produits de consommation de base paraissent chères. C'est la raison pour laquelle nous restons prudents sur les valeurs de consommation.
Nous avions commencé à la fin de l'été dernier à augmenter notre exposition aux valeurs financières parce que nous avions anticipé que l'évolution des taux d'intérêt leur serait plus favorable. Nous avions acheté des titres de banques régionales comme First US Bancorp et Wells Fargo. Ces titres se sont très bien comportés en raison des perspectives de dérégulation et de hausse des taux d'intérêt. Aussi avons-nous pris une partie de nos bénéfices dans ce secteur.
Nous restons très positifs sur le secteur de la défense. L'administration précédente avait réduit les dépenses militaires. La nouvelle administration est confrontée à la nécessité d'augmenter de façon significative les achats de matériels et d'infrastructures militaires.
Nous continuons à être surpondérés dans le secteur des valeurs technologiques et avons augmenté notre exposition aux semi-conducteurs et aux fournisseurs d'équipements pour la fabrication de semi-conducteurs. La dynamique du secteur est maintenant portée par des facteurs objectifs et sa croissance est alimentée par des avancées technologiques et par la croissance d'autres marchés que celui du PC. Nous investissons dans l'intelligence artificielle, les voitures autonomes, l'Internet des objets et la croissance exponentielle des données (les "big data"). Mais nous le faisons en développant une stratégie très particulière : nous investissons dans les sociétés qui fournissent les équipements nécessaires aux entreprises qui évoluent dans ces secteurs et non dans ces entreprises elles-mêmes. Nous ne savons pas avec certitude quelles sont les entreprises qui fabriqueront les composants qui seront utilisés pour le développement des logiciels dans les années à venir. Mais nous avons toutes les raisons de penser qu'ils seront produits grâce aux équipements développés par Lam Research, Applied Metals et KLA-Tencor. Lam Research en particulier est bien placé pour prendre une part de marché significative dans le domaine des équipements pour la fabrication de semi-conducteurs. La société possède tous les atouts pour assurer un retour sur investissement en progression aux actionnaires et elle est sous-évaluée par rapport aux entreprises comparables et par rapport à l'ensemble de l'industrie des semi-conducteurs.
Enfin, si les Républicains réussissent à avancer sur le dossier de la réforme fiscale, les petites entreprises en seront les grandes bénéficiaires. Elles sont soumises à une fiscalité plus élevée que les autres parce qu'elles réalisent une partie plus importante de leur activité sur le marché intérieur. Nous maintenons notre exposition dans ce domaine, mais nous restons très sélectifs - en particulier après la surperformance enregistrée par ce segment du marché. Les valorisations sont malgré tout en ligne avec les évolutions historiques de long terme. Et la croissance des bénéfices des entreprises devrait s'accélérer avec les baisses d'impôts.