Par Christine Johnson, Head of Alternatives Product Management chez Alliance Bernstein (AB)
Les élections en France et en Allemagne, les négociations sur le Brexit et la fin de la politique accommodante des banques centrales : ce ne sont pas les facteurs de volatilité qui manquent sur les marchés financiers, sans parler des événements inattendus qui pourraient se produire et qui contribueraient immanquablement à les rendre encore plus volatils. Les investisseurs européens sont confrontés à tellement d'incertitudes qu'ils doivent mettre en place des stratégies qui leur permettront d'absorber les chocs à venir. Les actifs alternatifs liquides (désormais disponibles dans les traditionnels FCP et SICAV) méritent une place dans une allocation d’actifs complète.
Les grands marchés financiers sont devenus extrêmement nerveux. Les stratégies d'investissement diversifiées en actions et en obligations ne sont plus à même d'apporter toutes les réponses quand les marchés sont soumis à d'aussi fortes tensions. Les marchés ont connu au cours des seules dernières années un nombre de crises plus important qu'au cours des vingt années précédentes prises toutes ensemble et il n'y a aucune raison que la tendance s'inverse.
Les prochaines échéances électorales majeures en Europe contribuent à créer un climat d'incertitude pour les investisseurs. Marine Le Pen, la présidente du Front national, devrait être présente au second tour de l'élection présidentielle en France. La chancelière allemande, Angela Merkel, au pouvoir depuis onze ans, est menacée par Martin Schulz, le leader du parti social- démocrate (SPD). Le résultat des élections législatives pourrait se traduire à l'automne par un changement de politique en Allemagne. Dans le même temps, les négociations entre la Grande-Bretagne et l’UE sur le Brexit n'en sont encore qu'à leurs débuts et il est extrêmement difficile de prédire comment elles vont évoluer.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Toutes ces incertitudes ne peuvent que contribuer à créer une grande volatilité sur les marchés d'actions et d'obligations au cours des prochains mois. Les classes d'actifs alternatifs peuvent permettre aux investisseurs d'absorber les chocs quand les marchés financiers deviennent aussi imprévisibles. Jusqu'à présent, grâce à la politique accommodante des banques centrales, la volatilité était exceptionnellement faible et la corrélation entre les différents secteurs était forte. Mais la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis et la réduction du programme de rachats d'actifs par la BCE semblent marquer la fin de cette époque. L'accueil enthousiaste réservé par Wall Street aux mesures de relance annoncées par Donald Trump pourrait bien être le chant du cygne des classes d'actifs traditionnelles, compte tenu en particulier des difficultés rencontrées par le nouveau Président américain quand il a voulu mettre en œuvre son programme.
L'alpha généré par une sélection rigoureuse de titres dans un portefeuille traditionnel (actions et/ou obligations) peut être une source de satisfaction légitime pour les investisseurs dans un tel contexte. Mais cette stratégie ne les met en aucun cas à l'abri si les marchés devaient baisser fortement et durablement. Le cycle de hausse sur les actions que nous connaissons actuellement a duré deux ans de plus que le précédent. Et celui-ci s'était terminé par un krach retentissant. Les investisseurs doivent considérer les actifs alternatifs pour se protéger efficacement contre de fortes corrections. Les actifs alternatifs assurent un retour sur investissement qui est décorrélé de celui des actifs traditionnels et - c'est un point capital - beaucoup moins sensible aux secousses géopolitiques.
La gestion alternative a apporté au cours des dernières années la preuve qu'elle était particulièrement opérante pendant les périodes d'incertitude géopolitique. Les actifs alternatifs ont enregistré un repli de 21% au cours de la crise financière sur la base de l'indice HFRI Fund Weighted Composite Index, alors que dans le même temps l'indice MSCI World Index a chuté de 54%. Les actifs alternatifs ont également surperformé les actions pendant la crise financière, pendant la crise provoquée en mai 2013 par l'annonce par la FED de la réduction progressive de son programme de rachats d'actifs, pendant l'effondrement des cours des matières premières en 2014 et 2015 et pendant le krach du marché chinois en 2015/2016. Les actifs alternatifs se sont appréciés alors que les cours des actions ont chuté après l'annonce du Brexit l'année dernière. Les actifs alternatifs ont démontré chaque fois que la volatilité était à son comble, qu'ils remplissaient parfaitement leur rôle : assurer une véritable diversification et une protection à la baisse. Voilà des caractéristiques qui devraient se révéler extrêmement précieuses pendant les périodes d'incertitudes qui pourraient venir. Les investisseurs européens manifestent d'ailleurs de plus en plus d'intérêt pour les actifs alternatifs liquides pour ces raisons-là.
Les échéances électorales à venir en Europe peuvent n'entrainer que des bouleversements mineurs et n'avoir que des effets de court terme sur les marchés financiers. Ce serait le cas en France si Marine Le Pen enregistrait un score exceptionnellement élevé au premier tour de l'élection présidentielle. Mais on ne peut pas complètement exclure l'hypothèse d'un choc majeur si la présidente du Front national devait déjouer les pronostics et remporter l'élection, remettant ainsi beaucoup de choses en cause depuis l'appartenance de la France à la zone euro jusqu'à l'existence même de l’UE.
Autrement dit, les scénarios auxquels les investisseurs risquent d'être confrontés sont porteurs de tels bouleversements qu'il est impossible de ne pas les prendre en considération. Diversifier ses actifs en investissant dans des actifs alternatifs est une stratégie hautement recommandée dans la mesure où elle permet de "prendre une option" sur les bouleversements les plus violents. À eux seuls, les événements complètement inattendus qui se sont produits en 2016 justifient amplement cette attitude.