A quelques jours des élections présidentielles, Michel Portier, Directeur général d’Agritel, société experte en stratégies des marchés agricoles et agro-industriels, revient sur les mesures nécessaires pour redonner de la compétitivité à l’agriculture française.
Ces propositions ciblent 3 secteurs agricoles clefs : la production laitière - la production céréalière - le marché des engrais
I - Production laitière : pour Michel Portier : « La France doit retrouver son ambition laitière dans l’après-quotas »
a) Mieux répartir la valeur ajoutée générée par la filière
Le constat
- Une chute importante du prix du lait à la fin des quotas (moins de 280 €/T de lait cru en mai 2016, contre 388 €/T en septembre 2014)
- Une répartition de la valeur ajoutée du lait produit non communiquée à l’échelle de la filière laitière
Les solutions
- Intégrer tous les maillons de la filière à l’interprofession laitière :du producteur à la grande et moyenne surface
- Revoir le modèle de distribution pour augmenter les marges de manœuvre des différents acteurs
- Sensibiliser le consommateurà la notion de juste prix d’achat du lait français
b) Rester compétitif à l’export
Le constat
- Marché intérieur dynamique, seulement 40% du lait français produit est exporté contre près 60% pour les Pays-Bas
- Un patrimoine et une traçabilité laitière reconnus à l’export
- La fin des quotas laitiers n’a pas été vue comme une contrainte partout en Europe. L’Irlande ou les Pays-Bas ont massivement investi dans leurs outils de transformation
Les solutions
- Maintenir la qualité de production française : traçabilité, qualité, flexibilité
- Soutenir l’investissement des entreprises de la filière pour favoriser l’emploi dans le secteur agro-industriel et développer leur performance
- Conserver en France des marques fortes reconnues à l’international (Lactalis, Danone, Sodiaal, Savencia…)
c) Conserver les différents modèles économiques d’exploitations laitières françaises
Le constat
- Une diversité d’élevage qui participe au patrimoine agricole français
- Une diversité de typologies de production (conventionnelle, raisonnée, AB, AOC, AOP…), qui répond à la diversité des besoins des clients (export, consommation intérieure) et des consommateurs
- Une demande accrue de produits économiquement responsables
Solutions
- Assurer un mécanisme de soutien aux agriculteurs et autoriser une épargne défiscalisée mobilisable en cas de crise
- Demander une politique gouvernementale claire sur les assurances laitières avec la mise en place d’outils innovants gages de stabilité pour les éleveurs
- Communiquer sur la diversité des élevages français, leurs enjeux respectifs et leur complémentarité dans l’objectif de faire cohabiter ces modèles économiques
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
II - Production céréalière : selon Michel Portier : « Il faut retrouver de la compétitivité à l’export ! »
a) La France doit pouvoir répondre à des cahiers des charges de plus en plus exigeants
Le constat
- Le taux de protéines requis qui prive le blé français de certains marchés comme l’Egypte
- Limitation de la fertilisation azotée par la directive nitrates : 170 Kg azote/ha maximum
- Des taux d’humidité à revoir à la baisse et des poids spécifiques à relever pour répondre aux cahiers des charges des importateurs de plus en plus exigeants
Solutions
- Favoriser la recherche génétique pour proposer des variétés de blé permettant de répondre à ces cahiers de charges
- Elargir les possibilités de fertilisation azotée pour atteindre le taux de protéines nécessaire à l’exportation du blé français
- La France ne doit pas ajouter des contraintes environnementales à celles déjà imposées par l’Europe
- Démocratiser les outils de pilotage de la fertilisation azotée
b) La France doit rester compétitive en termes de prix
Le constat
- La France exporte une tonne sur 2, pour un solde commercial annuel de la filière agroalimentaire de 10 Mds€
- Un coût de production moyen du blé français de 160 €/T contre 110 €/T en moyenne pour le producteur ukrainien
Solutions
- Eviter toute distorsion de concurrence qui augmenterait les coûts de production : charges sociales, fiscalité
- Conserver une devise nationale faible, avantageuse à l’export
- Communiquer sur les atouts de la production française auprès des acheteurs : traçabilité, compétences agronomiques, structuration des filières
III - Le marché des engrais : pour Michel Portier : « Il est indispensable de limiter la volatilité du prix des engrais ! »
a) Gérer et anticiper le risque prix
Le constat
- Cours des engrais très volatils : variation de 100 €/ T du prix de l’urée sur l’année 2016
- Variabilité des charges sur l’exploitation : 30% entre 2015 et 2016 lié à la variation du prix des engrais
Solutions
- Connaître ses coûts de production pour définir son prix maximum d’achats d’engrais
- Il existe des logiciels d’outils d’aide à la décision pour calculer les coûts de production
b) Affiner les méthodes d’achat des engrais
Le constat
- Le poste « engrais » est un des postes de dépenses les plus élevés des agriculteurs (40% des charges proportionnelles)
Solutions
- Suivre l’évolution des marchés des engrais pour appréhender les tendances
- Coupler vente de céréales et achat d’engrais pour s’assurer un prix de vente plus stable
- Utiliser les marchés à terme pour se couvrir sur une échéance plus lointaine
- Morceler ses achats d’engrais pour lisser le prix final
- Adapter la réglementation environnementale, afin qu’elle ne vienne pas pénaliser ni le potentiel de rendement, ni les qualités requises pour l’export, notamment en termes de teneur en protéines.
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