Par Christel Rendu de Lint, Responsable de la gestion obligataire à l’Union Bancaire Privée
Le scénario économique a rarement été aussi favorable au marché du crédit : l’économie mondiale est en phase de reprise conjoncturelle, les risques de récession sont éloignés et l’inflation reste contenue bien qu’en progression. Pour autant, la gestion du risque de taux demeure un enjeu important pour les investisseurs obligataires.
L’équipe de l’UBP est convaincue qu’une stratégie d’investissement active, dite de performance absolue, et à l’écart du segment « euro aggregate », est source de robustesse.
Alors que les Etats-Unis font figure de locomotive pour la reprise de la croissance économique mondiale, la banque centrale américaine a ouvert une séquence de normalisation de sa politique monétaire depuis le mois de décembre 2016. La banque centrale prévoit une hausse supplémentaire de ses taux directeurs en 2017, après celle du mois de mars, puis trois en 2018. « La vigueur des fondamentaux économiques américains soutient la valorisation des actifs dits risqués. La Fed peut enfin normaliser sa politique monétaire, graduellement » précise Christel Rendu de Lint.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
La hausse des taux Fed Funds devrait entretenir la remontée des taux d’intérêt tant aux Etats-Unis qu’en Europe. « Les taux d’intérêt américains ont déjà rebondi de 50 points de base (pour le taux à 10 ans) depuis leur plus bas de juin 2016. Les taux européens ont suivi et continueront de suivre cette tendance dans les mois à venir ». Ce risque de taux - autrement dit de correction pour les marchés obligataires les plus sensibles aux taux - associé à la résurgence d’incertitudes politique en Europe, font des titres « euro aggregate », en particulier souverains, un segment exposé à d’éventuelles contre-performances.
Sur le plan politique, les élections présidentielles françaises représentent un facteur d’incertitude majeur. « L’hypothèse de l’arrivée au pouvoir d’un parti extrémiste et d’un « Frexit » est à ce stade assez improbable. Cela dit, un tel scénario, s’il se produisait, aurait un effet désastreux sur les marchés obligataires souverains européens. Les investisseurs ne peuvent pas ignorer ce risque, même faible » prévient Christel Rendu de Lint.
Une gestion active des risques
Dans ces conditions, l’équipe de l’UBP continue de privilégier une approche d’investissement non contrainte, dite de « performance absolue ». Il s’agit de mener une gestion active de l’exposition au crédit, du risque de taux et du risque politique. « Nous avons par exemple augmenté l’exposition aux obligations bancaires britanniques en début d’année, alors que le risque lié au Brexit semble correctement pricé. La situation est plus lisible, nous savons désormais que le processus de sortie prendra au moins deux ans, sans véritable surprise d’ici là. En revanche, nous avons logiquement réduit à un niveau quasi nul notre exposition aux émetteurs français en amont des élections » explique-t-elle.
La gestion active des risques repose également sur une sous-exposition au marché obligataire européen au profit du marché américain et par le recours à des dérivés permettant des « carry » et « roll-down » supérieurs. « En termes de bond-picking, nous apprécions les obligations d’entreprises investment-grade américaines de maturité 4 ans, dont la performance se compose actuellement d’un rendement proche de 3%, plus un « roll-down » de 1% ».
L’équipe estime par ailleurs qu’il existe un point d’entrée attractif sur les CDS (Credit Default Swaps) high yield globaux. « Aborder le compartiment high yield via les CDS plutôt que des titres vifs offre une surprime pour un risque de crédit identique, un risque de taux ainsi qu’un risque de liquidité bien inférieurs. Ainsi pour un risque de taux d’à peine plus d’un an, la stratégie offre un carry et roll-down de 6,5% en dollars (4,8% en euros)» affirme Christel Rendu de Lint.
Enfin, la dette bancaire subordonnée aussi recèle de la valeur. En plus des ratios CET 1 (Common equity Tier 1) élevés des établissements bancaires, une source de protection pour les détenteurs d’obligations bancaires, la profitabilité du secteur est en constante amélioration. « Les fondamentaux des banques sont meilleurs. Leurs fonds propres sont plus robustes, tandis que le poids des charges exceptionnelles héritées de la crise de 2008/2009 liées à des litiges et contentieux, se dissipe avec le temps » conclut-elle.