Tribune de Christophe Donay Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, chef stratège chez Pictet Wealth Management
Depuis le début de l'année, les actions américaines et européennes se sont particulièrement bien comportées, avec une performance respective de +4,85% (en EUR, dividendes réinvestis) pour l'indice Stoxx 600 et +5,20% (en EUR, div. réinvestis) pour l'indice S&P500 (respectivement +7,40% pour le Stoxx 600 et +5,20% pour le S&P 500 en USD, div. réinvestis) le tout calculé à la clôture du 24 mars 2017. Ces hausses s'expliquent à la fois par une amélioration des fondamentaux économiques et les espoirs de relance aux Etats-Unis. Mais les marchés se situent désormais à une croisée des chemins, une accélération de la performance et une correction étant simultanément envisageables.
A l’heure où les ratios de valorisation sont tendus, laissant peu de place pour une quelconque déception au niveau des fondamentaux économiques, l’incertitude qui plane sur l’évolution des marchés pourrait provenir de deux sources :
Premièrement, du côté des indicateurs économiques, les enquêtes de confiance des ménages et des entreprises se situent à un plus haut historique depuis plusieurs années, de part et d'autre de l'Atlantique. Or, l’amélioration du sentiment n’est pas encore entièrement appuyée par les données économiques réelles. Sans accélération de la croissance du PIB réel en Europe, et surtout aux Etats-Unis, dans les prochains mois, les marchés actions pourraient donc essuyer une correction à court terme et les performances baisser d’un à deux points.
La deuxième source d’incertitude réside dans l’espoir de relance économique promis par l'administration Trump, cet espoir ayant sous-tendu la hausse des actions américaines ces derniers mois. Alors que la réforme fiscale et les baisses d'impôts massives restent à l’ordre du jour, l'échec du remplacement de l'Obamacare en mi-mars montre des dissensions au sein des Républicains. Cet échec n'est pas de bon augure pour les votes sur la fiscalité au Congrès, qui auront besoin d'une totale cohésion du camp républicain pour obtenir la majorité requise. Et, dans le meilleur des cas, il se peut que les mesures fiscales de Trump ne voient le jour qu’en septembre-octobre, soit quasiment un an après l'élection de Donald Trump. En tout état de cause, même en cas de vote favorable, les pleins effets des réformes fiscales ne se feront sentir qu’en 2018 et dans les années suivantes. Le marché a donc bien besoin de visibilité à moyen terme et il y a peu de place pour la déception étant donné les niveaux de valorisation actuels.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
Le deuxième trimestre va donc jouer un rôle crucial pour l’évolution du marché, au cours duquel il va falloir lever les incertitudes actuelles. Il sera nécessaire de voir une confirmation de l’accélération de l'activité réelle tant en Europe qu'aux Etats-Unis. En même temps, la portée réelle des mesures fiscales de l’administration Trump, et leurs chances d’aboutir, devront être plus clairement dessinées.
Côté activité économique, nous restons confiants, Tandis que la croissance attendue à deux chiffres des profits des sociétés américaines européennes pour 2017 demeure un soutien important aux marchés. La relance de l’inflation est déjà là et participe à l'amélioration des marges des entreprises en Europe et leur stabilisation à des niveaux historiquement élevés aux Etats-Unis.
Cependant, les échéances électorales en Europe viennent s’ajouter aux incertitudes autour de la réforme fiscale américaine pour réduire la visibilité du marché.
Face aux espoirs de croissance et aux incertitudes politiques, nous confirmons notre stratégie d'investissement. Nous conservons une légère surpondération des actions développées pour profiter de la croissance, tandis que nous cherchons à nous protéger contre des éventualités politiques. A cette fin, nous maintenons notre diversification au niveau des portefeuilles et nous introduisons des options de vente sur les actions ainsi que des options d’achat sur l'or physique. En effet, les risques politiques sont par nature systémiques et pourraient conduire à une hausse des cours du métal jaune, surtout au cas où Mme. Le Pen devrait sortir victorieuse de l’élection présidentielle en France.