Tribune d’Isabelle Yung-Lafargue, Présidente de Keonys, partenaire de référence en solutions PLM et 3D
En 2012, seulement 28% des postes du secteur industriel étaient occupés par des femmes. Un chiffre déjà faible qui diminue à mesure que l’on plonge dans les branches plus spécifiques du monde de l’industrie. Dans l’aéronautique et malgré des efforts pour recruter, le secteur ne compte encore que 20% de femmes dans ses effectifs. Dans certains secteurs comme celui des logiciels PLM (Product Lifecycle Management), la présence des femmes est quasi inexistante, notamment dans les comités de direction.
Autre époque, autres mœurs : il est intéressant de rappeler que lors de la première moitié du XXe siècle et notamment pendant la Seconde Guerre Mondiale, la présence des femmes dans les industries d’armement aéronautique était forte voire encouragée. A la fin de la guerre, les hommes reprendront leur place dans les usines mais l’iconographie qui a débouché de cette parenthèse alimente toujours la lutte pour l’égalité homme-femme.
En France, il faut attendre 1947 pour que la notion de « salaire féminin » soit abrogée au profit d’un texte prônant l’égalité salariale. Pourtant, soixante-dix ans plus tard, malgré des progrès et une transition vers un équilibre des secteurs qui cimente le travail féminin, les femmes ne sont toujours pas égales devant l’emploi, notamment dans le secteur industriel.
Un pas en avant, deux pas en arrière
Ces dernières années, les grands groupes industriels ont été à l’origine d’efforts qui ont considérablement fait progresser l’égalité hommes-femmes. Les médias et les associations ont eu un vrai rôle dans cette progression dictée notamment par l’adoption de textes de loi instaurant un gel des nominations et des quotas de présence au sein des grandes entreprises. En 2011, l’État Français a donné 6 ans aux entreprises pour mettre ce quota en place et recruter des femmes notamment dans les grandes entreprises et les ETI où la présence de femmes ne doit pas descendre en dessous de 40%.
A l’heure de cette échéance, force est de constater qu’il y a eu des avancées significatives. Cependant de sérieuses barrières subsistent au sein des entreprises, notamment dans les secteurs de l’automobile ou de l’aéronautique considérés comme plus « masculins », contrairement au milieu du pétrole où la place des femmes est assez forte. Si les femmes peinent à se faire une place dans ces secteurs encore trop genrés, celles qui parviennent à des postes à hautes responsabilités sont plus rares encore. Une segmentation qui prend déjà racine dans les promotions universitaires de ces secteurs qui se conjuguent davantage au masculin qu’au féminin. Face à cela, les écoles, notamment d’ingénieurs, travaillent à féminiser leur population pour permettre une multiplicité de profils pour un même poste.
La France prend de plus en plus de mesures pour redresser ces inégalités. Dans le concert des nations, elle se place d’ailleurs en bonne position, face à des pays comme l’Allemagne où il est encore très mal vu que des femmes avec enfants en bas-âge travaillent. L’hexagone a la chance d’affranchir ses femmes de ce jugement-là. En effet, même si la maternité reste vecteur de préjugés dans le monde du travail, la France est un pays qui permet aux mères de famille de travailler et de faire carrière.
Aujourd’hui, 3 créateurs d’entreprises sur 10 sont des femmes. Soutenu par de nouvelles mesures financières, fiscales et sociales, l’entrepreneuriat féminin bénéficie d’initiatives relatives à la création d’entreprise comme des prêts préférentiels, des réseaux de contacts ou des célébrations de ses icones qui osent, entreprennent et innovent dans ce qui reste encore majoritairement un monde d’hommes. Ces mesures se démocratisent de plus en plus et ouvrent aux femmes l’accès à l’entrepreneuriat, même si l’écart perdure dans les faits comme dans les esprits.
Paternalisme, Twitter et Génération Y
Aujourd’hui, les réseaux sociaux ne permettent plus seulement d’amplifier des phénomènes sociétaux, mais de les faire émerger jusqu’à ce que la presse s’en saisisse. L’utilisation de plateformes telles que Youtube et Twitter pour interpeller les sphères du politique et du monde de l’entreprise est de plus en plus fréquente. Il suffit de voir la viralité et les conséquences d’une vidéo postée par une interne de médecine en début d’année pour comprendre l’importance de ces canaux notamment auprès des nouvelles générations.
Devenu un véritable contre-pouvoir en inversant la chaîne médiatique, les réseaux sociaux se structurent autour d’acteurs comme #JamaisSansElles, un mouvement en faveur de la mixité, ou la Commission « Femmes du numérique » du SYNTEC, qui incarne une communauté mettant en avant l’action des femmes dans ce domaine. Dans ce contexte, les nouvelles générations émergent, de plus en plus décomplexées sur ces questions. Les millenials et leurs aînés disruptent ainsi les enjeux féministes : pour la première fois, les hommes défendent les droits des femmes et franchissent la barrière de ces combats jadis uniquement féminins.
Pour ces générations qui n’ont presque connu que l’école mixte, des mères au travail et des femmes indépendantes, la mixité dans le monde professionnel n’est pas un obstacle : elle est nécessaire car elle apporte notamment davantage de performance, d’innovation ou d’équilibre. Cette pensée progressiste, en décalage avec les grandes entreprises, pousse les nouvelles générations en quête d’égalité à se diriger vers des entreprises qui délaissent des valeurs trop hiérarchiques ou paternalistes.
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