Le point de vue d’Eric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit chez Swiss Life AM
Le raffermissement de l’inflation se poursuit dans les pays occidentaux, en témoigne le niveau de l’indice CPI (inflation globale) qui a atteint 2,5% aux Etats-Unis en janvier et 1,8% en zone euro. L’effet de base lié à la progression des prix énergétiques, la croissance des salaires outre-Atlantique et les effets de la politique économique impulsée par Donald Trump devraient soutenir cette tendance à moyen terme.
Première cause de ce retour annoncé : le formidable rebond des prix du pétrole intervenu au terme d’une année 2015 marquée par un effondrement de son cours. « Par ce que les économistes appellent un effet de base, la hausse de près de 75% du cours du brut WTI enregistrée depuis un an provoque mécaniquement un pic d’inflation et ceci, quelle que soit l’évolution de l’environnement économique et financier », analyse Eric Bourguignon. Ce fameux effet de base devrait continuer à tirer l’inflation dans les mois à venir.
Outre ce catalyseur d’ordre conjoncturel, l’évolution du marché de l’emploi américain joue un rôle moteur. « Dans une situation de plein emploi, des tensions apparaissent sur le marché du travail. Nous observons une croissance tendancielle significative des salaires depuis plusieurs mois, qui alimente in fine la hausse des prix à la consommation », note Eric Bourguignon.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir
La politique économique de Donald Trump est « inflationniste »
Alors que la croissance économique est déjà robuste aux Etats-Unis, le programme de stimulation fiscale et d’investissement public souhaité par l’administration Trump aura des effets inflationnistes supplémentaires. Ces mesures pro-croissance vont accentuer davantage les tensions sur le marché du travail, d’autant que la dimension protectionniste de la politique de Donald Trump risque de réduire le potentiel de main d’œuvre à bas coût.
L’excès de la demande publique, via notamment des investissements massifs dans l’industrie, va accroître les tensions sur la demande, tandis que les barrières fiscales imposées aux produits importés devraient mécaniquement soutenir le renchérissement des prix sur le marché national. « Le protectionnisme est inflationniste : la taxation des produits importés rend ces derniers moins attractifs pour les consommateurs américains et permet aux producteurs domestiques d’être moins concurrencés, et par conséquent d’augmenter leurs prix de vente ».
Pour autant, le risque d’hyperinflation par un dérapage incontrôlé des prix reste limité : il existe en effet encore aux Etats-Unis et dans le monde d’immenses surcapacités industrielles, plus de 8 ans après la faillite de la banque Lehman Brothers. « L’excès de capitaux de production dans certains secteurs industriels permet de contenir tout excès inflationniste », ajoute Eric Bourguignon. Cela se traduit aujourd’hui par des niveaux d’inflation core (hors alimentation et énergie) raisonnables.
Enfin, il est par ailleurs intéressant d’observer l’attitude de la BCE à l’égard du retour de l’inflation. En effet, cette dernière semble prise en étau, ayant jusqu’ici argué que l’inflation n’était pas assez forte pour justifier le maintien de son soutien aux prix des actifs. « Or, la remontée continue de l’inflation nécessitera à plus ou moins brève échéance un ajustement de la politique de la banque centrale. Et la BCE a été si loin, si longtemps, dans sa stratégie ultra accommodante que tout ‘resserrement’ aura un impact négatif sur les marchés obligataires souverains européens, exposés à une flambée des taux. Les Etats débiteurs les plus fragiles risquent de souffrir », conclut Eric Bourguignon.