L'analyse de Daniel Gerino, Président et Directeur de la gestion de Carlton Sélection et Stratégiste d’Intersélection.
La hausse des matières premières depuis l’élection de Donald Trump est un pari spéculatif des investisseurs, qui attendent beaucoup du plan sur les infrastructures censé stimuler la demande des « commodities ». Attention aux déceptions qui pourraient entraîner un retournement des cours, surtout si la croissance mondiale s’avère plus décevante que prévu.
Le constat est sans appel, l’élection de Donald Trump a été bien accueillie par les marchés actions mais aussi du côté de nombreux marchés de matières premières, en particulier pour les métaux. La perspective d’un grand plan d’infrastructures mis en place par la nouvelle administration Trump a amplifié la hausse des prix à partir de novembre, dans un contexte économique global mieux orienté. Or, les marchés ont anticipé un plan très ambitieux, se basant sur les promesses de campagne du candidat républicain alors que ses modalités précises ne sont pas encore connues et sa mise en œuvre n’aura que peu d’impact cette année. Cette frénésie spéculative concernait en particulier le cuivre, le zinc et le fer et a permis d’atteindre des niveaux jamais vus depuis plus de 10 ans : entre le 21 octobre et le 25 novembre, le prix du cuivre a ainsi bondi de 28% et retrouvé ses niveaux élevés de 2005.
Confrontées à d’autres paramètres (demande mondiale moins cyclique mais facteur climatique déterminant du côté de l’offre), de nombreuses matières premières agricoles (sucre, cacao, coton) ont fortement monté en 2016 alors que ces marchés étaient globalement déprimés depuis 5 ans. Deux matières premières, le maïs et le blé, n’ont toutefois pas participé à ce mouvement général. D’excellentes conditions météorologiques ont permis d’obtenir une production abondante. Entre le sommet atteint le 8 juin et la fin novembre 2016, le prix du blé a ainsi baissé de 28% ! Il a remonté de 14% depuis début décembre. Les stocks de blé restent abondants et par conséquent, il y a peu de raisons pour que les prix évoluent à la hausse cette année.
Un baril qui ne devrait pas s’installer durablement au-dessus de 55 dollars
Du côté des prix de l’énergie, le redressement a été spectaculaire. Le prix du gaz naturel a bondi de plus de 50% au cours de l’année mais le rebond a été tardif, à partir du mois d’août. De leur côté, les prix du pétrole affichent une performance annuelle comparable. Le baril se négocie désormais au-dessus de 50 dollars grâce au compromis historique trouvé, le 30 novembre à Vienne, entre les membres de l’OPEP et la Russie pour parvenir à un recul maîtrisé de la production. L’accord qui a pris effet le 1er janvier prévoit une baisse de la production de 1,2 million de barils/jour. L’effort principal est consenti par l’Arabie Saoudite (-500.000 b/j), l’Irak (-200.000 b/j), les Emirats Arabes Unis (-140.000 b/j) etc. L’Iran a obtenu le droit de produire jusqu’à 3,8 millions b/j. Quant à la Russie, elle est prête à faire un effort de réduction de sa production de 300.000 b/j mais étalé sur plusieurs semestres.
Toutefois, la hausse des prix du pétrole permet aux producteurs américains de gaz de schiste non concernés par l’accord de Vienne de revenir en force sur le marché en remettant en état de fonctionnement des puits qui n’étaient plus rentables auparavant. Dans ce contexte de retour du pétrole de schiste sur le marché, le baril n’a aucune raison de s’installer durablement au-dessus des 55 dollars.
L’année 2017 sera donc riche d’incertitudes sur le front des « commodities ». Une croissance mondiale en deçà des prévisions, un accord de Vienne qui ne permettrait pas de faire baisser durablement l’offre de pétrole disponible, un plan Trump sur les infrastructures qui ne tiendrait pas ses promesses etc., les marchés qui font preuve, jusqu’à présent, d’un optimisme à toute épreuve, s’exposent au risque d’un retournement des cours en cas de scénarii moins favorables que prévu.
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