L’accès des investisseurs internationaux aux actions chinoises domestiques cotées à Shanghai et Shenzen modifie la donne et accentue encore le poids de la Chine dans les indices internationaux. Une solution d’investissement est de mieux prendre en compte la diversification du risque pays.
Par Mathieu Nègre, Responsable Actions Marchés Emergents chez UBP
Les marchés actions chinois sont sur le point de connaître une évolution qui se fera sentir auprès de la majeure partie des allocataires d’actifs. Jusqu’à présent, la plupart des investisseurs internationaux orientés sur la Chine avaient uniquement une allocation sur les actions cotées à Hong Kong, celles-là mêmes qui étaient incluses dans les indices internationaux. Cette situation est en train de changer.
Les barrières opérationnelles et réglementaires tombent une à une et les investisseurs augmentent leur exposition aux actions dites domestiques, à savoir celles cotées à Shanghai et Shenzhen. La reconnaissance de cet état de fait amène peu à peu les fournisseurs d’indices à prendre en compte la totalité du marché chinois. MSCI a calculé des indices pro-forma, et le poids de la Chine passerait à près de 40% dans un fonds d’actions émergentes et à 55% dans un fonds Asie si les marchés domestiques étaient pris en compte dans leur totalité.
Dans le cas de l’indice émergent, le manque de diversification qui en découlerait pourrait conduire les investisseurs à se demander si leur indice de référence est toujours un indice global. La concentration du risque pays qui en résulterait serait source de risques pour les investisseurs. Le risque pays est un déterminant majeur du risque dans un portefeuille émergent global, et la domination d’un seul pays, aussi important soit-il, entraîne mécaniquement une moins grande diversification de ce risque.
Un risque émergent peu diversifié
Ce phénomène n’est pas entièrement nouveau pour les investisseurs dans la classe d’actifs. Dès sa création, en 1988, le MSCI Actions Emergentes était dominé par la Malaisie (30% de l’indice). Plus tard, le poids du Mexique a atteint 29%, en 1992, et celui de la Corée du Sud 22%, en 2002.
Ces variations sont la conséquence des nombreux pays qui ont effectué des allées et venues dans l’univers émergent au fil des années. Elles résultent aussi de la forte amplitude des cycles économiques dans ces pays. Un investisseur qui suit l’indice pour son allocation géographique prend le risque de voir son portefeuille manquer de la diversification géographique nécessaire au moment où le cycle s’inverse. Et de fait, ceci se vérifie dans les exemples ci-dessus. La performance de l’indice malaisien a été très en deçà de celles des autres marchés de 1988 à 1992. Le Mexique fut frappé par la «Crise de la Tequila» à la fin de 1994. La Corée du Sud, quant à elle, a subi l’impact d’une crise financière domestique et perdu 40% après son plus haut, commençant ainsi une longue période de sous-performance.
Il serait vain de vouloir anticiper une quelconque crise, que beaucoup annoncent depuis de nombreuses années sans aucune forme de succès. La taille de l’économie chinoise est également à prendre en considération. Un poids significatif au sein d’un portefeuille global est inévitable pour la deuxième économie du monde. Mais à l’instar du Japon, il est probable que la Chine devienne bientôt trop grande pour être incluse proportionnellement dans un portefeuille régional ou émergent.
Distinguer l’investissement en actions chinoises et émergentes
Quand on parle aujourd’hui d’une exposition aux actions asiatiques, on fait souvent référence, sans même le mentionner, aux indices Asie hors Japon, l’exposition au Japon étant décidée séparément. Il serait logique que la même évolution se produise dans le cas de la Chine. Les allocataires d’actifs auraient alors deux décisions distinctes à prendre: une qui concerne les pays émergents dans leur dimension globale et une autre qui porte sur la Chine spécifiquement.
Dans ce contexte, il parait important de ne pas laisser les fournisseurs d’indices prendre ces décisions stratégiques à notre place. Une solution serait d’adopter une approche d’investissement qui privilégie la diversification du risque pays. Elle permettrait de mieux gérer les risques inhérents à la classe d’actifs et d’anticiper la montée du poids de la Chine dans les indices globaux. Les investisseurs souhaitant accroître leur exposition à la Chine pourraient toujours le faire par le biais d’un fonds pays. Mais ceux qui voudraient investir dans les émergents comme une source de rendements différenciés bénéficieraient d’une meilleure diversification de leur risque pays. La passivité ne semble pas être la meilleure option face à ces évolutions, qui auront probablement un impact majeur sur la gestion des risques de demain.
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