Par Frédéric Ichay - Avocat associé - Cabinet Pinsent Masons
Nous sommes tous dans une expectative prudente quant aux conséquences de l’élection du nouveau président américain sur les relations internationales et les échanges commerciaux. Pour les praticiens du droit et du monde des affaires, il est nécessaire d'anticiper les tendances de marché, notamment celles qui pourraient toucher l'activité des fusions-acquisitions.
A l'évidence, les récents méga-deals aux Etats Unis, même s'ils sont révélateurs d'un marché des concentrations toujours actif, ne peuvent permettre d'anticiper l'évolution des opérations entre les sociétés américaines et leurs alter égo européens ou asiatiques.
L'influence du futur plan économique de Trump
Bien que faisant campagne sous la bannière républicaine, Trump a rapidement été dénoncé par certains comme ayant des positions ultra-libérales. L'approche keynésienne, qui considère que les marchés laissés à eux-mêmes ne conduisent pas forcément à l'optimum économique, pourrait en effet bien être celle retenue par le nouveau président. Il est pour le moins intéressant de voir comment le candidat républicain se trouve aujourd'hui à défendre un plan de relance de l'économie basé sur les infrastructures et une certaine dose de protectionnisme aux frontières. Ainsi, la mondialisation "à outrance" ne serait plus la panacée pour une économie américaine de plus en plus en proie aux attaques commerciales de la Chine, de l'Inde, ou d'autres pays aux règles économiques et sociales internes plus souples.
Est-ce à dire que ce recentrage protectionniste de l'économie américaine aura des effets négatifs majeurs sur l'ensemble de ses partenaires commerciaux historiques, rien n'est moins sûr.
Plusieurs sondages ont mis en lumière le fait que le monde des affaires voit d'un assez mauvais œil l'élection de Donald Trump estimant que celle-ci aurait un effet désastreux pour les fusions acquisitions. A titre d'exemple, les opérations de rapprochement dans le secteur des Bio-technologies ont été suspendues durant la campagne présidentielle aux vues des incertitudes liées à la prise de position de la candidate démocrate.
En effet, la politique promue par Hillary Clinton quant à la mise en place d'une règlementation plus stricte sur les produits pharmaceutiques aurait pu signifier une plus grande pression sur les prix des médicaments et en général une plus grande pression sur les secteurs pharmaceutique et biotechnologique.
Même si Trump avait critiqué les hausses des prix du secteur médical et pharmaceutique, beaucoup d'acteurs dans ses deux domaines ont parié sur le fait qu'il n'aurait sans doute pas étouffé ces secteurs.
Avec l'élection de Donald Trump et ses différentes propositions, notamment fiscales, les opérations de fusions-acquisitions dans ce secteur d'activité pourraient s'accélérer. Le futur président des Etats-Unis a annoncé qu'il faciliterait le rapatriement des liquidités "piégées" à l'étranger pour les firmes biopharmaceutiques.
Selon le plan de Trump, les sociétés américaines pourraient rapatrier leurs liquidités détenues à l'étranger, et en contrepartie paieraient des impôts allégés aux Etats-Unis. Ce scénario serait favorable pour des entreprises telles que Pfizer, qui détient 80 Mds€ à l'étranger, ou encore Apple qui est l'entreprise avec la trésorerie la plus importante détenu en dehors des Etats-Unis.
Trump envisage également la mise à jour du système de santé, le fameux Obama Care. Ainsi, il propose de favoriser la recherche et le développement, et une refonte de l'agence gouvernementale "FDA" (food and drugs administration). Cette refonte pourrait créer des opportunités de rapprochements pour des sociétés du secteur. Après quelques hésitations, il semble que les acteurs du monde des affaires (banquiers et avocats) ont aujourd'hui une analyse un peu moins sévère quant aux conséquences négatives de cette élection.
Dans un autre domaine, le département américain de la justice mène actuellement un grand nombre d'enquêtes liées à de larges prises de participations entre sociétés aux Etats-Unis. Historiquement, les administrations républicaines ont la réputation d'être moins regardantes que les administrations démocrates sur ces sujets.
Pour mémoire, George W. Bush a contesté en moyenne 14 transactions par an pendant son mandat, par rapport aux 32 par année contestées par le démocrate Bill Clinton. La plupart des acteurs s'attendent à ce que M. Trump suive ses prédécesseurs républicains, défiant moins fréquemment de transactions que son prédécesseur démocrate. Au cours de la campagne, M. Trump a déclaré que son administration allait empêcher l'acquisition proposée par AT&T de 85 Mds$ de Time Warner car il a soutenu que la concentration du pouvoir serait préjudiciable aux consommateurs.
La clé de ces décisions se retrouve peut être dans le fait que M Trump a été assez fortement attaqué par les chaines télévisées possédées par ses différents conglomérats.
En conclusion, il est probable que les rapprochements de grande envergure se feront peut-être un peu plus rares dans les prochains mois jusqu'à ce que la nouvelle administration puisse se mettre en place et que sa politique commence à être connue.
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