Par Christopher Chu, Gérant de fonds - Actions asiatiques - UBP
L’Inde et l'Indonésie (20% du PIB de l’Asie) ont adopté des lois clés visant à accroître les recettes fiscales à l’heure où la plupart des pays développés augmentent leur dette publique. Or, ces deux grandes économies affichent un déficit de leur balance courante. Une baisse de leur déficit aura pour effet direct de stabiliser les taux de change asiatiques et contribuera à réduire les flux sortants dans un contexte de resserrement monétaire de la Fed. L'Asie émergente redevient une catégorie de placement attrayante.
Il existe peu de garanties dans la vie, hormis les impôts et la mort. Malgré tout, les économies occidentales tentent d’échapper aux deux aussi longtemps que possible. Confrontés au vieillissement démographique, les marchés développés cherchent à stimuler la croissance en abandonnant les politiques d’austérité au profit d’une expansion budgétaire. De l’autre côté du globe, les réformes de politique fiscale au sein des grandes économies émergentes asiatiques vont dans la direction inverse, ce qui reflète une évolution positive dans un paysage économique où les refontes budgétaires apparaissent insuffisantes.
Ces efforts sont de bon augure pour les marchés asiatiques, et en particulier pour l’«Indenésie» (Inde et Indonésie). Le programme visant à enrayer la dette publique soutient la dynamique économique et attire davantage d’investisseurs étrangers dans la région. Les investisseurs voient aujourd’hui plus loin que les placements axés sur la recherche de rendement et s’intéressent aux marchés où les réformes réduisent la vulnérabilité et l’incertitude générées par les taux d’intérêt négatifs et les niveaux d’endettement élevés.
En août, le Parlement indien a voté une loi instaurant la taxe GST (Goods and Service Tax), une taxe unique sur les biens et les services, attendue de longue date, visant à éliminer les taxes en cascade qui entravent les échanges commerciaux entre États. Si l’impact à court terme est limité, avec environ 0,8 à 1% de progression attendue pour la croissance économique à moyen terme, les gains de productivité s’annoncent beaucoup plus importants.
Le programme d’amnistie fiscale mis en place par l'Indonésie en juillet doit permettre non seulement de financer les projets d’infrastructure du gouvernement, mais aussi d’élargir sa base de prélèvement. Aux termes de ce programme prévoyant un taux d’imposition réduit (compris entre 2 et 10%), le gouvernement compte rapatrier des fonds offshore à hauteur de 1 000 000 milliards de roupies (85 Mds$ US ou 9% du PIB), ce qui ajoutera aux recettes de l’État quelque 165 000 milliards de roupies (12 Mds$ US, soit 1% du PIB).
Les effets vertueux de la stabilisation de la roupie indienne et indonésienne
Ces deux programmes paraissent solides sur le papier mais devront être soutenus par une volonté politique pour être menés à bien. En Inde, l’administration fiscale empile des lois et règlements de licence souvent séculaires. En Indonésie, celle-ci suscite traditionnellement la méfiance de la population. Toutefois, ces lois bénéficient manifestement du soutien des responsables politiques dans la mesure où aucune n’a été votée isolément (nouveau code des faillites en Inde, suppression des subventions à l’essence en Indonésie).
Les économies «indenésiennes» représentent environ 20% du PIB asiatique et il s’agit des deux seuls pays d'Asie émergente affichant des déficits courants : 1,1% pour l'Inde et 4,7% pour l’Indonésie. Ces réformes fiscales soulagent directement les déficits de la balance courante, qui aurait besoin d’une devise plus faible pour générer des gains au niveau des échanges commerciaux. Compte tenu de la taille de l’«Indenésie» par rapport à l’Asie, une amélioration des comptes publics stabiliserait immédiatement les taux de change asiatiques. Alors que la FED devrait relever ses taux directeurs d’ici à la fin 2016, une baisse des déficits pourrait freiner les sorties de capitaux et préserver la valeur des actifs.
Alors que la démographie de l’«Indenésie» soutient un environnement macroéconomique favorable, ces réformes fiscales devraient bénéficier aux produits de consommation hors alcool et tabac, avec une baisse des coûts logistiques et des gains en termes d’efficacité opérationnelle. L’immobilier indonésien est également un bénéficiaire direct du programme d’amnistie fiscale dans la mesure où les fonds rapatriés pourront être investis dans des secteurs non financiers tels que la propriété immobilière. Comme les investisseurs attribuent les primes du marché là où la stabilisation des devises soutient les stratégies centrées sur le rendement, la faiblesse des taux réels positifs sur les marchés développés fait de l'Asie émergente une catégorie de placement attrayante, surtout si deux de ses principales économies continuent à faire avancer leurs programmes fiscaux.
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