Agritel analyse l’impact de la crise des moissons.
Dans un contexte exceptionnel et inédit, la France, 1er producteur de blé en Europe, reste isolée après les incidents climatiques du printemps. Après avoir évalué le déficit pour une exploitation céréalière la semaine dernière, le cabinet de conseil expert des marchés agricoles a présenté le 9 août son premier bilan.
Selon Michel Portier, directeur général d’Agritel, « La France va perdre son leadership européen en exportation hors Union européenne en blé tendre en 2016. La perte de rendement de 26% par rapport à la moyenne quinquennale n’aura pas d’impact sur le consommateur français mais sur les exportations vers les pays tiers. L’Allemagne va devenir 1er exportateur européen vers les pays tiers »
Agritel évalue la récolte de blé tendre française à 28,68 Mt avec un rendement moyen national de 5,48 t/ha au plus bas depuis 33 ans. La chute de production affectera fortement les collecteurs et au final les exportations du pays : le cabinet de conseil estime que la France disposera de 5,1 Mt à l’exportation hors UE, soit une baisse de 60% par rapport à 2015. Cela représente une perte de 2 Mds€ de l’excédent commercial seulement pour le blé.
La qualité atypique des grains, avec des Poids Spécifiques faibles mais un bon niveau de protéines laissent les opérateurs dans une situation encore jamais rencontrée. Selon Agritel, les exportations intra-communautaires à destination de l’alimentation animale devraient se maintenir. En revanche les exportations de blé meunier vers les pays tiers devraient fortement se contracter. « Le savoir-faire de la filière devra permettre d’identifier les segments de marchés sur lesquels nous pourrons nous positionner. Mais nous évoluons dans un environnement concurrentiel accru : la production mondiale est en hausse de 23 Mt par rapport à la moyenne quinquennale et le faible coût du transport maritime a redessiné la carte des échanges. Les exportations françaises vers le Maghreb, notre destination privilégiée, ne sont plus seulement en concurrence avec la mer Noire et la Russie mais également le Canada et les Etats-Unis, qui ont réalisé une année excellente », précise Michel Portier.
Si elles vont dans le bon chemin, les mesures de soutien ponctuelles annoncées par le Gouvernement ne suffiront pas à endiguer la crise après déjà 2 années de revenus proches de zéro pour les céréaliers. « De nombreuses restructurations sont hélas à venir au sein des exploitations céréalières, comme c’est déjà le cas dans l’élevage. Plus largement, c’est tout un pan de l’économie nationale qui va souffrir : les agro-fournisseurs des semences, de l’engrais, du machinisme s’attendent à de fortes baisses d’activité. Dans un marché mondialisé, il faut améliorer la compétitivité des exploitations » insiste Michel Portier.
Pour Agritel des mesures structurelles sont indispensables pour affronter à l’avenir ce type de crise avec notamment un allègement des contraintes réglementaires, sociales et environnementales et une meilleure adaptation de la fiscalité agricole à la volatilité des prix et des revenus. « La logique assurantielle est un des leviers majeurs pour permettre aux opérateurs de gérer le risque climatique et le risque de prix », conclut Michel Portier.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir