Par Lionel Saint Georges Chaumet, Responsable du Family Office chez Degroof Petercam France
Taux bas, volatilité élevée, interdépendance des classes d'actifs et raccourcissement des cycles de marchés : l'investisseur privé doit désormais gérer son patrimoine avec une grande proactivité et être en mesure d'arbitrer régulièrement entre des choix d'investissement dont la finalité peut être soit de créer durablement de la valeur ou d'offrir une liquidité immédiate. Cependant, ambitionner d'obtenir à la fois un accroissement durable et significatif de la valeur de ses investissements, et de disposer d'un degré élevé de liquidité relève désormais de l'exercice théorique.
Nous vivons désormais dans un monde de taux très bas, voire négatifs. Si cette réalité s'apparente au regard de la théorie économique à une « incongruité », elle signifie concrètement qu'un investisseur qui recherche du rendement et souhaiterait l'obtenir grâce à des placements très liquides ferait désormais immanquablement fausse route. Dans un univers de taux plus élevés que l'inflation, les placements obligataires permettaient d'obtenir une valorisation « mécanique » de son patrimoine : cette situation n'a plus cours aujourd'hui.
Pour autant, la situation présente n'a pas vocation à durer. En effet, si le scénario actuel (économies en croissance faible et sous perfusion des Banques centrales) peut perdurer encore pendant quelques semestres, on peut néanmoins observer la politique de la Fed qui a déjà opéré un premier relèvement de ses taux directeurs fin 2015 et qui hésite encore à poursuivre ce resserrement, moins pour des raisons domestiques qui l'y pousseraient qu'en raison des conséquences négatives induites par un tel relèvement sur le reste des autres économies. Mais ces politiques monétaires ultra-expansionnistes sont susceptibles de déstabiliser nos économies en laissant se former des bulles qu'il est extrêmement difficile à maitriser. La situation que nous connaissons aujourd'hui ne devrait donc pas pouvoir se prolonger trop durablement. Le scénario d'une remontée des taux est en effet le plus prévisible, dont il faudra apprécier avec soin le momentum et la progressivité. Ce qui devrait d'ores et déjà conduire les investisseurs à adapter en conséquence les caractéristiques de leurs stratégies obligataires (rating des émetteurs ; duration etc.) et au delà à s'attacher à faire prévaloir une flexibilité maximale dans l'organisation et la conduite de leur allocation globale.
Diversifier ses investissements vers des actifs non cotés : des opportunités à saisir
Si l'investisseur privé souhaite faire prévaloir le critère de la liquidité qui caractérise les marchés financiers cotés, il doit donc avoir conscience que ce choix pourrait l'amener à supporter certainement une volatilité élevée et n'obtenir qu'une rentabilité vraisemblablement plus faible que ce ne fut le cas au cours des années passées. En revanche, sur la partie de son patrimoine susceptible de supporter provisoirement un degré moindre de liquidité, l'investisseur privé pourra opportunément se tourner vers des classes d'actifs non cotés et donc moins volatils.
D'une part, le Private equity. Les sociétés à fortiori non cotées constituent fondamentalement l'un des principaux leviers de création durable de valeur. En effet, leur valorisation n'est pas directement soumise aux aléas des marchés boursiers et d'éléments exogènes qui a contrario peuvent impacter les cours des entreprises cotées en Bourse. A titre d'illustration et sur un horizon de 10 ans (2003/2013), le « capital investissement » fait état d'une performance de l'ordre de 1,7 à 1,8 fois plus élevée que celles affichées par les différentes autres classes d'actifs (CAC 40 ; marchés obligataires et immobilier). Dès lors qu'il sera sélectif dans l'identification des opportunités et rigoureux dans la gestion des participations, l'investisseur efficacement accompagné par une équipe de professionnels pourra raisonnablement prétendre à des TRI annuels de l'ordre de 8 à 10% pour les 10 années à venir environ.
D'autre part, l'immobilier. Actif à la rentabilité globalement moins élevée que celle d'autres stratégies d'investissement et à la fiscalité potentiellement élevée sur les revenus, l'investissement en immobilier demeure néanmoins incontournable dans une stratégie patrimoniale. De surcroit, l'investisseur a aujourd'hui accès à une typologie d'actifs particulièrement diversifiée : actifs de bureaux, commerciaux, de type « corporate », etc. En faisant preuve d'une grande sélectivité sur la nature des actifs et efficacement conseillé sur la structuration juridique et financière des acquisitions, l'investisseur peut légitimement prétendre à des taux de valorisation de l'ordre de 7 à 8% l'an sur des durées de l'ordre de 10 ans.
En conclusion et dans le contexte actuel d'une baisse tendancielle du rendement des actifs, la diversification de la stratégie de gestion d'un patrimoine constitue encore plus qu'hier le meilleur outil pour l'investisseur dans la gestion du processus de valorisation de ses actifs. Elle trouvera en particulier une illustration pertinente dans sa répartition entre des actifs cotés et des actifs non cotés.
Sans le refinancement de la BCE, ce sont ces mêmes dettes, en forte croissance, qui auraient asphyxié l'économie en ponctionnant l'épargne des particuliers et des entreprises (au travers des bilans des banques et des compagnies d'assurances). Désormais, les États ont donc trouvé un créancier complaisant pour leur propre refinancement à un taux nul, voire négatif. Bien sûr, la BCE ne peut statutairement pas acheter des dettes nouvellement émises par les États : elle doit acquérir ces dernières sur le marché secondaire, c'est-à-dire le marché des dettes acquises et financées préalablement par un agent économique (c'est-à-dire par de l'épargne existante plutôt que par de la monnaie créée ex nihilo). Mais tout informé sait que les dettes publiques ne transitent que quelques heures ou jours dans des bilans de convenance avant d'être réescomptées contre de la monnaie nouvellement émise à Francfort, ville du siège de la BCE. Ces dettes publiques sont donc bien échangées contre un capital monétaire qui n'existait pas.
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