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Marchés immobiliers européens post-Brexit

Éclairage sur la manière dont cette décision historique pourrait affecter le marché immobilier européen avec Cécile Blanchard, Director of Real Estate Market Research et David Rendall, CEO de La Française Forum Real Estate Partners et Head of International Real Estate Business Development

Événement largement inattendu, le Brexit a bouleversé la sphère politique britannique, avec des effets secondaires substantiels pour les marchés financiers internationaux et de lourdes conséquences stratégiques à long terme. L’UE sera amputée d'environ 13% de sa population, 18% de son PIB et d'un chantre du libre-échange.

Le climat d'incertitude aura un impact négatif perceptible sur la croissance du PIB du pays et de ses principaux partenaires commerciaux. Pourtant, l'assouplissement de la politique monétaire et budgétaire britannique devrait soutenir la demande.

La conséquence la plus notable du Brexit est l'effondrement généralisé des taux d'intérêt sur les emprunts d'État à 10 ans : 30 points de base dans la zone euro, 40 points de base aux États-Unis et 60 points de base au Royaume-Uni ; malgré des taux d'intérêt déjà négatifs, le Japon et la Suisse n'ont pas été épargnés. En conséquence, l'écart élargi des rendements des bureaux « prime » et la dépréciation de la livre sterling qui s'en est suivie devraient soutenir le marché britannique de l'investissement immobilier.

Le marché immobilier d'Europe continentale profite d'une hausse des primes de risque et d'une réorientation possible de la demande de la City de Londres vers les principales métropoles de l'UE. Le Brexit n'est pas nécessairement un événement isolé. D’autres événements politiques importants sont prévus dans l’UE au cours de l'année à venir : le référendum en Italie en novembre, les élections présidentielles en France et les élections fédérales en Allemagne en 2017.

Les événements historiques fondamentaux expliquant le verdict, avancés par Xavier Lépine, Président du Directoire de La Française, dans « La Lettre, Édition spéciale - 27 juin 2016 » continuent de façonner le paysage politique et pourraient engendrer un résultat semblable ailleurs en Europe.


Contexte économique

Le principal sujet de préoccupation actuel est l'incertitude relative à l'avenir du Royaume-Uni hors de l’UE. Le Brexit est un saut dans l'inconnu. Alors que les conséquences sur les modalités d'échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et la zone euro seront de toute évidence substantielles, elles dépendront en grande partie du résultat des négociations à venir.

Après le Brexit, l'UE resterait le premier marché mondial et le principal partenaire commercial du Royaume-Uni. Les bienfaits économiques découlant de l'intégration européenne ont un coût politique, celui de renoncer à une partie de sa souveraineté. Qu'il s'agisse de l'UE ou de tout autre groupement régional, ce compromis est inéluctable. Difficile de dire aujourd'hui si le Royaume-Uni finira par adopter le modèle norvégien ou suisse ou s'il fera cavalier seul en qualité de membre du OMC, mais cela ne changera pas son interdépendance avec l'Europe, ni la nécessité pour les deux parties de trouver un mode opératoire efficace dans l'environnement mondial très concurrentiel.

Le paysage politique évolue rapidement, avec la démission de la plupart des leaders militants pour le Brexit et la désignation de Theresa May à la succession de David Cameron à la tête du Parti conservateur et au poste de Premier Ministre. L'arrivée rapide d'un nouveau chef du gouvernement devrait au moins rassurer les marchés et permettre au Royaume-Uni et à l'Europe d'entamer le long processus de négociations avec la confirmation formelle que l'article 50 sera activé.


Pronostic La Française du marché immobilier Britannique

Voyons d'abord la situation du marché immobilier du Royaume-Uni. Son économie se porte globalement bien, avec une croissance du PIB de 2,2% et un taux de chômage de 5,1%, son plus bas niveau depuis octobre 2005 (déc. 2015). Le principal risque à court terme est une réaction négative à l'incertitude politique et au déroulement des négociations avec l'UE. Au minimum, cela ralentira probablement les décisions des locataires concernant leurs besoins futurs, ce qui affectera le niveau des surfaces de bureau occupées, notamment à Londres.

Les marchés financiers ont déjà réagi à la dégradation des perspectives, sanctionnant les sociétés immobilières fortement exposées aux bureaux du Central London, comme Great Portland Estates qui a perdu 24% de sa valeur en Bourse. D'après les analystes actions, la valorisation implicite des différents REIT britanniques a chuté de 20 à 30%.

Les investisseurs particuliers souhaitent récupérer le capital qu'ils ont placé dans des fonds immobiliers ouverts, mais face à l'insuffisance des liquidités (pourtant élevées), il a été nécessaire de modifier la base tarifaire et de suspendre les retraits. Ce marché représente pourtant moins de 5% du marché britannique, si bien que les investisseurs ont sans doute réagi de manière démesurée. Il est possible que des biens immobiliers soient mis en vente pour honorer ces demandes de rachat, mais cela pourrait ne concerner que les actifs les plus petits.

Dans le secteur du commerce de détail, les sociétés cotées déjà pénalisées par le commerce électronique et l'évolution du comportement des consommateurs ont reculé face à la perspective d'une contraction des dépenses de consommation engendrée par la dégradation du PIB. Les plus touchées sont celles qui étaient déjà malmenées avant le Brexit, comme Debenhams, Sports Direct et Dixons Carphone, ce qui donne à penser que les investisseurs pourraient simplement être en train de revendre des valeurs non performantes.

Les volumes d'investissement ont été atones sur le marché direct à l'approche du référendum et malgré l'offre abondante, il est trop tôt pour détecter une tendance en termes de prix.

Le marché de l'investissement britannique est dominé par Londres, surtout en termes de capitaux internationaux. Londres est depuis longtemps la destination favorite des investisseurs immobiliers étrangers, et représentait 15% du total des flux mondiaux vers l'Europe en 2015. Le marché londonien des bureaux commençait déjà à se retourner avant la décision du Brexit. Le ralentissement de la demande d'actifs « prime »depuis le début de l'année s'explique en grande partie par la hausse des prix ces deux dernières années et le recul des rendements qui y est associée, avec des prix supérieurs de 26% à leurs niveaux d'avant la crise financière mondiale, et des bureaux « prime » qui ont atteint un point haut de 36 905 GBP le mètre carré au 4ème  trimestre 2015. Il est intéressant de noter que la plupart des transactions négociées en 2016 comprenaient une clause de sortie en cas de Brexit (un événement qui était toutefois considéré comme peu probable), ce qui a engendré l'abandon, la suspension ou au moins la renégociation de plusieurs transactions de grande envergure.

Avant d'aller plus loin, il est peut-être utile d'évaluer l'impact de la crise financière mondiale sur le marché londonien des bureaux. Entre juin 2007 et juin 2009, l'indice IPD, calculé pour les valeurs vénales recensées dans la City de Londres, a chuté de 45%. Peu d'analystes anticipent une telle déconfiture cette fois-ci : d'après le consensus du marché, la valeur nominale des biens immobiliers britanniques reculera de 5 à 20% (source : JLL). La réaction probablement moins brutale à l'ajustement des prix dans l'environnement post-Brexit qu'après la crise financière mondiale s'explique par des fondamentaux de marché différents.

D'abord, la situation macroéconomique est fondamentalement différente et nettement plus solide :
- Les taux à long terme sont à des points bas records ; les gilts à 10 ans sont pour la première fois inférieurs à 1%.
- L'environnement réglementaire est durci, avec des réserves de capitaux supérieures et des mécanismes de stress testing.
- La livre sterling a reculé à son plus bas niveau depuis 30 ans.

Sur le marché de la location :
- Le taux de vacance est de 3,4% dans la City de Londres (un point bas sur 15 ans) et l'offre de bureaux de classe A dans le reste du pays est limitée.
- Le marché de la location est plus varié, moins tributaire du secteur financier, et la demande est tirée par le secteur des technologies, médias et télécommunications.
- La construction spéculative de bureaux a augmenté mais reste relativement contenue.

Sur le marché de l'investissement :
- Du fait de la dépréciation de la livre sterling, le marché est devenu moins cher « du jour au lendemain » pour les acheteurs étrangers.
- L'écart des rendements des bureaux « prime » par rapport au taux sans risque est proche de 300 pb, ce qui constitue une protection contre les chutes de prix.
- L'endettement est nettement inférieur à celui constaté durant la crise financière mondiale (87% des prêts sont assortis d'un ratio d'endettement inférieur à 70%) et, conjugué aux taux d'intérêt moindres, le risque de ventes en catastrophe est nettement limité.

D'après nous, les fondamentaux du marché britannique sont suffisamment solides pour que l'impact du Brexit se limite à un ajustement, plutôt qu'à un effondrement des valeurs comme ce fut le cas lors de la crise financière mondiale. Nous pensons qu'il faut s'attendre à une « fuite vers la qualité » en faveur des investissements Core permettant de surmonter les effets de tout effondrement du marché de la location après le Brexit.

Londres devrait rester l'une des destinations les plus prisées par les investisseurs internationaux en raison de la langue, de la transparence et de la facilité à y faire affaire. Outre la persistance d’abondantsflux de capitaux internationaux, la chute de la livre sterling pourrait inciter les investisseurs à réaliser de nouvelles transactions lorsque les prix se seront stabilisés.

Les investisseurs d'Asie et du Moyen-Orient seront sans doute les premiers concernés, car la plupart d'entre eux continueront de considérer Londres comme une porte d'entrée naturelle vers l'Europe. Les primo-investisseurs seront encouragés par la dépréciation de la livre sterling et une demande plus limitée, ce qui leur donnera l'opportunité de conclure tranquillement des transactions hors marché.

En conclusion, les valeurs vénales des biens sur le marché britannique devraient reculer, mais de manière très irrégulière : les actifs « prime » loués à des conditions avantageuses avec des baux à long terme seront moins affectés en raison de la quête de placements défensifs par les investisseurs internationaux. Nous supposons que les investisseurs non européens, en particulier d'Asie et du Moyen-Orient, seront les plus actifs pour profiter du repli du marché londonien. Les investisseurs européens resteront prudents en raison de la priorité qu'ils accordent aux marchés intérieurs, qui sont caractérisés par des fondamentaux apparemment sains (faible taux de vacance/d'offre) et un risque de change nul. Il convient toutefois de rappeler que les fonds ouverts allemands (les plus internationaux des investisseurs européens) ont été particulièrement perspicaces pour anticiper les cycles au Royaume-Uni et générer d'excellentes performances, notamment avec l'appréciation de la livre sterling au début des années 1990. Le monde appartient à ceux qui osent !


Pronostic La Française du marché immobilier d’Europe Continentale

Les marchés immobiliers d'Europe continentale pourraient profiter à court terme du détournement d'une partie des flux internationaux destinés à l'Europe, du moins jusqu'à ce que la situation des prix se clarifie à Londres. Les premiers signes sont déjà visibles sous forme d'une demande encore plus intense dans les investissements Core à Paris et les sept plus grandes villes allemandes.

Avant le Brexit, les rendements des bureaux « prime » étaient déjà de 3,5% environ à Paris et 4% en Allemagne. Depuis le Brexit, on assiste à une nouvelle compression de 25-50 pb, ce qui, tout en restant cher par rapport aux indices de référence immobiliers traditionnels, offre aux investisseurs une performance ajustée des risques encore relativement attrayante par rapport aux actions ou aux obligations.

Avec le maintien des flux de capitaux au profit du secteur, nous pensons que les investisseurs élargiront leurs horizons au-delà des principaux marchés que sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, pour miser sur d'autres territoires comme le Benelux, les pays nordiques et l'Espagne. L'Irlande a profitéd'une activité accrue avec l'arrivée de capitaux internationaux à Dublin. Toutefois, si le Royaume-Uni abaisse l'impôt sur les sociétés, l'économie irlandaise pourrait perdre en compétitivité, ce qui risque de peser sur le marché des bureaux de Dublin.

En conclusion, nous pensons que le vote en faveur du Brexit aura pour effet immédiat d'intensifier la concurrence des investisseurs dans l'immobilier Core en Europe continentale, notamment dans les secteurs des bureaux et du commerce de détail.

https://www.lafrancaise-group.com/


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