Par Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam
Depuis plus d’1 an, la BCE procède à ce qu’on qualifie pudiquement d’assouplissement quantitatif. Il s’agit, en réalité, de faire tourner la planche à billets afin de susciter une poussée inflationniste destinée à contrarier les forces déflationnistes et récessionnaire qui accablent l’économie.
En clair, la BCE injecte des liquidités pour fluidifier les circuits bancaires et amorcer une reprise économique. Mais ces mesures monétaires constituent l'aveu du caractère insoutenable des dettes publiques. En effet, ce sont essentiellement ces dernières qui servent de gage à la monnaie créée.
Sans le refinancement de la BCE, ce sont ces mêmes dettes, en forte croissance, qui auraient asphyxié l'économie en ponctionnant l'épargne des particuliers et des entreprises (au travers des bilans des banques et des compagnies d'assurances). Désormais, les États ont donc trouvé un créancier complaisant pour leur propre refinancement à un taux nul, voire négatif. Bien sûr, la BCE ne peut statutairement pas acheter des dettes nouvellement émises par les États : elle doit acquérir ces dernières sur le marché secondaire, c'est-à-dire le marché des dettes acquises et financées préalablement par un agent économique (c'est-à-dire par de l'épargne existante plutôt que par de la monnaie créée ex nihilo). Mais tout informé sait que les dettes publiques ne transitent que quelques heures ou jours dans des bilans de convenance avant d'être réescomptées contre de la monnaie nouvellement émise à Francfort, ville du siège de la BCE. Ces dettes publiques sont donc bien échangées contre un capital monétaire qui n'existait pas.
Singulièrement, ces mesures monétaires ont des conséquences fiscales. Tout d’abord, les taux d’intérêt bas, voire négatifs, imposés par la BCE permettent aux États d’alléger leurs charges d’intérêts sur les dettes publiques, d’autant que ces dettes sont, pour partie, refinancées par la BCE à des conditions qui sont plus favorables que celles qui auraient été exigées par des marchés financiers indépendants. Indirectement, la BCE soulage donc les finances publiques et la pression fiscale. C’est d’autant plus important que le faible taux de croissance de l’économie pèse négativement sur les revenus professionnels des personnes physiques et sur les bénéfices des entreprises, alors que ces derniers sont les principaux gisements de taxation.
Mais il y a autre chose : la BCE tente de réinsuffler de l’inflation. Cette inflation va se traduire par des prix à la consommation plus élevés, donc à des recettes de TVA plus importantes. Bien sûr, on argumentera que les salaires étant indexés, l’inflation alourdit les dépenses de l’État, notamment au travers des charges salariales accrues des agents de la fonction publique. On peut néanmoins s’attendre à une stabilisation des dépenses salariales des États qui ont besoin d’une inflation de leurs recettes fiscales tout en contraignant leurs dépenses. A cet égard, je ne serais pas étonné qu’une ré-inflation de nos économies s’accompagne de sauts d’index, affectant tant les travailleurs du secteur public que privé. En net, l’inflation serait donc bénéfique aux impôts indirects et entraînerait un glissement, certes modique, de la fiscalité directe vers la fiscalité indirecte.
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