Analyse de Thierry Cavaille, Directeur Général de 3Li Business Solutions, entreprise de service spécialisée dans l’édition de solutions ERP et CRM et partenaire de confiance pour les PME-PMI.
Depuis quelques années, la transition numérique est un enjeu primordial pour toute entreprise, quel que soit son secteur d’activité. Elle représente une priorité majeure pour les dirigeants qui multiplient les achats d’outils informatiques de pointe, notamment au niveau de leurs forces de vente qu’ils équipent de tablettes et de CRM.
Le déploiement d’une nouvelle solution est souvent considéré comme un enjeu avant tout technologique et la négligence, à tort, du facteur humain prouve que les entreprises n’ont pas encore saisi tous les paramètres de la transition numérique. Si elles souhaitent atteindre leur objectif de performance, il devient urgent qu’elles appréhendent ce changement dans sa globalité en réfléchissant dès à présent à l’avenir de la fonction commerciale au sein de leur organisation.
La fonction commerciale, telle que nous la connaissons, n’est pas une fonction très innovante.
Les forces de vente appliquent et dupliquent un processus reconnu générateur de succès et reproduisent quotidiennement les mêmes actions afin d’assurer leur niveau de performance voire leur rémunération. Dans un contexte de transition numérique où toute tâche répétitive est amenée à être automatisée, les commerciaux qui s’obstineraient à conserver leurs vieilles habitudes pourraient se voir rapidement remis en cause, d’autant plus que sur un plan économique la force de vente représente un investissement bien plus important que son équivalent digital.
Le commercial tel que nous l’envisageons jusqu’alors assoit une grande partie de sa légitimité sur les informations qu’il détient et délivre à ses prospects. Or, grâce aux outils numériques existants, ces mêmes prospects ont désormais accès à toutes les informations concernant le fournisseur potentiel, ses clients, ses offres, son image, ses collaborateurs ou encore sa santé financière, faisant ainsi perdre à la fonction commerciale l’une de ses valeurs ajoutées historiques. Un changement de fond semble donc être nécessaire mais encore faut-il comprendre les problématiques soulevées par ce déploiement technologique général.
Les premiers pourraient être les derniers
Face à cette nécessité d’acclimatation, les sociétés les plus performantes commercialement peuvent aussi s’avérer les plus fragiles. Certaines de leur modèle de vente qui assure pour le moment leur chiffre d’affaires et la satisfaction de leurs clients, elles peuvent adopter une posture confortable mais dangereuse. Pourquoi réfléchir à un nouveau processus puisque l’actuel fonctionne ? Pourquoi prendre un risque en allant vers l’inconnu alors que l’existant et si confortable ?
A l’inverse, les sociétés les plus jeunes sont souvent les plus agiles car elles sont nées avec la transition numérique. Les enjeux et les risques associés au changement n’existent donc pas pour elles. S’il était primordial pour les entreprises nées dans les années 90, le recrutement de forces de vente est loin d’être une priorité pour ces jeunes sociétés qui portent les problématiques de la transition numérique dans leur ADN. Puisque tout le monde a accès à une grande majorité des informations, elles n’ont en effet plus besoin de les « distribuer » à travers une équipe commerciale mais plutôt de contrôler l’impact de ses informations sur leur processus de développement. La question essentielle n’est donc plus uniquement « Comment vais-je vendre mon produit ? » mais surtout « Comment vais-je exister et me développer dans ce monde digital ? ».
Un enjeu plus humain que technologique
Ce n’est certainement pas le déploiement d’un CRM, devenu pourtant quasi-incontournable, qui provoquera la transformation nécessaire : sans une bonne compréhension des enjeux associés, celui-ci s’avère aussi efficace qu’un simple tableur. Envisager la transition numérique à travers un angle uniquement technologique est donc une erreur qui pourrait coûter cher car les nouveaux équipements informatiques ne suffiront pas à adapter la fonction commerciale à ce nouveau monde numérique.
Pour assurer sa survie, celle-ci doit se réinventer, se penser autrement. Puisque la transition numérique digitalise les actions répétitives et les rend mesurables, les commerciaux doivent déplacer leur périmètre d’actions et créer une différence autre que celle, historique et factuelle, qu’ils ont pour habitude de mettre en avant. Ainsi, pour trouver sa place dans un monde numérique, la fonction commerciale doit s’imposer sur un territoire où la relation prime sur l’information, un territoire où la compréhension des enjeux, des doutes et des risques ne peut se faire que dans l’interaction entre les individus.
La fonction commerciale est donc un métier d’avenir à condition qu’elle accepte de se transformer, de s’adapter à ce nouveau monde du tout-numérique et aux nouvelles attentes des entreprises. Elle doit quitter ses automatismes pour se consacrer à l’humain, à la compréhension et à la gestion des émotions. Celui qui aime vendre sera remplacé par celui qui aime écouter. Si la finalité reste la même, l’idée n’est plus de construire un discours autour des produits et des services proposés mais de créer un dialogue autour des problématiques du client et de leur résolution. La transition numérique permet aux entreprises de revisiter l’ensemble de leurs processus, de leurs coûts, de les découper afin de rechercher le meilleur ROI pour chaque opération. A elles aujourd’hui d’accompagner leurs forces de vente sur ce nouveau chemin afin de faire ressortir la vrai valeur ajoutée qu’elles recèlent.
Lectures du moment, tribunes d'experts, management et entrepreneuriat...
Comprendre l'économie durable pour s'y investir