Par Grégoire Salignon, associé-gérant, Directeur de l’ingénierie patrimoniale de la banque privée Rothschild & Cie Gestion
Dons à des organismes sans but lucratif, dons de titres, fonds de dotation… Les solutions doivent s’adapter à chaque besoin, de la réduction de l’ISF ou de l’impôt sur le revenu, à celui sur les plus-values ou sur les donations.
Les appels aux dons de la part des organismes sans but lucratif (OSBL) se font saisonnièrement, en fin d’année pour l’impôt sur le revenu et au printemps pour l’ISF. Pour autant, sur les 4 Mds€ de dons annuels aux OSBL, seuls 200 M€ seraient réalisés à l’époque de l’ISF.
L’ISF est donc une manne complémentaire mais non essentielle à la philanthropie… Il existe en effet bien d’autres mécanismes pour drainer des fonds vers les actions philanthropiques, tels que le don de titres, ou par le développement d’un véhicule philanthropique récent : le fonds de dotation.
Rappel des mécanismes généraux des dons aux organismes sans but lucratif :
- Le donateur peut bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66% (voire 75% dans la limite de 530€ pour certains dons grâce à l’amendement Coluche) du montant de son don, dans la limite de 20% de ses revenus l'excédent éventuel étant reportable sur les cinq années suivantes.
- Le donateur peut bénéficier d’une réduction de 75% du montant de son don ISF dans la limite de 50 000€ grâce à la Loi TEPA. Il est donc possible de supprimer complètement son ISF en donnant 66 667€ si celui-ci ne dépasse pas 50 00€, effort financier que beaucoup sont prêts à consentir pour favoriser une cause qui leur tient à cœur plutôt que de faire un chèque à l’administration fiscale. Précisons qu’un don qui excède le montant de l’ISF peut être reporté sur l’impôt sur le revenu mais pas sur l’ISF des années suivantes, et qu’un même euro donné ne peut donner lieu aux deux réductions !
- Les dons et legs en faveur de certains OSBL sont exonérés de droits de donation et succession.
Attention aux aspects civils, sachant que les donateurs ayant des enfants ne peuvent donner une proportion supérieure à la réserve légale allant de 50 à 25% suivant le nombre d’enfants et la situation maritale.
Dans une stratégie d’augmentation de l’efficacité d’une action philanthropique, le mécanisme du don de titres en lieu et place du numéraire mérite d’être décrit et systématisé pour bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu, les exemples chiffrés parlent d’eux-mêmes.
Lorsqu’il effectue un don de titres, le donateur se dessaisit de la valeur des actions au profit de l’organisme sans but lucratif. Ce dernier, grâce au régime fiscal de faveur dont il bénéficie, recevra les actions données sans droit et pourra les revendre sans acquitter d’impôt sur les plus-values. Il est à noter que le don de titres, est un mécanisme simple ne requérant pas d’acte notarié.
Pour le détenteur d’actions en plus-value latente, il est donc toujours plus intéressant de donner directement des titres et non le fruit de leur cession :
- la plus-value latente, sera définitivement purgée sans que l’impôt sur la plus-value ait été acquitté
- donateur bénéficiera d’une réduction de l’IR de 66% de la valeur brute de l’action,
- à l’avenir la valeur des actions données sortira naturellement de son assiette ISF.
En revanche, si le donateur avait vendu ses actions afin de donner le fruit de cette cession à un OSBL, le schéma aurait été moins pertinent. En effet, dans ce cas, le donateur est d’une part imposé sur les plus-values réalisées lors de la vente à l’impôt sur le revenu au taux marginal d’imposition qui lui est applicable et au titre des prélèvements sociaux et il bénéficie d’une réduction de l’IR de 66% seulement sur le produit de cession net d’impôt (et non pas sur la valeur des titres).
Loger un don de titres d’entreprise dans un fonds de dotation et profiter d’un véhicule de philanthropie dédié
Le fonds de dotation est un véhicule récent de droit français à vocation philanthropique. Il s’agit d’une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère dans le cadre de sa dotation, les biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable. Son but est de financer une activité d’intérêt général et/ou des organismes exerçant de telles activités. Il s’agit, en comparaison, d’un véhicule moins rigide et plus personnel (notamment en termes d’orientation des dons) qu’une fondation, même abritée. Il bénéficie du régime fiscal général du mécénat (sauf la réduction d’ISF).
Il est, possible de doter un fonds de dotation, grâce par exemple au produit de la vente d’une entreprise et de bénéficier de la réduction d’IR. L’entrepreneur, qui souhaiterait abonder à l’occasion de la cession de son entreprise un fonds de dotation qu’il aurait créé, peut opportunément préférer doter au préalable le fonds de dotation d’un certain nombre de titres de son entreprise plutôt que de le doter avec une partie des liquidités issues de la cession.
Avantages pour le chef d’entreprise :
- il bénéficie de 66% de réduction d’IR sur la valeur des titres donnés (dans la limite de 20% de ses revenus),
- il ne paiera pas d’impôts sur la plus-value des titres donnés,
- le fonds de dotation sera doté à hauteur de la valeur brute des actions données.
Le coût du don sera fonction du montant de l’impôt dû en cas de cession (taux marginal d’imposition, taux de l’abattement pour durée de détention), mais l’opération permettra toujours de réaliser un projet philanthropique pour un coût réduit (effet de levier sur le montant du don).
D’une manière générale le fonds de dotation peut se retrouver avec des liquidités importantes alors que le constituant du fonds de dotation ne se sera dessaisi que d’un capital relativement faible si l’on raisonne net de fiscalité.
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