Par Nicolas Lasry, gérant chez Myria AM, société de gestion de portefeuille détenue par le Groupe UFF.
Alors que les ventes de véhicules en Europe rebondissent, en hausse de 9,5% depuis le début de l’année 2016 à fin mai, le secteur semble délaissé par les investisseurs. Pourtant, la publication des bénéfices est globalement en ligne avec les attentes pour le 1er trimestre et les attentes de bénéfices sont en hausse.
Il semble intéressant de revenir progressivement sur le secteur automobile, en privilégiant les équipementiers, plus à même de résister en cas de baisse du marché et/ou de retour des craintes des investisseurs quant à la croissance chinoise. Leur activité est en effet portée par des catalyseurs structurels1 alors que leur exposition géographique est davantage diversifiée. Plusieurs éléments ont pesé sur le secteur automobile ces douze derniers mois et demeurent source d’incertitudes :
- Le « scandale Volkswagen » a mis en lumière un nouveau risque : le non-respect de la réglementation environnementale. L’entreprise a déjà provisionné 16.2Md€ pour faire face à une amende aux États-Unis pour violation de la loi sur l’environnement - cela représente 24% de sa capitalisation boursière. En outre, Volkswagen pourrait verser des dommages et intérêts à ses clients. Dans le même temps, les ventes du Groupe pâtissent d’une image de marque ébranlée : la part de marché de la marque en Europe s’est effritée de 1,2 point depuis le début de l’année et les ventes sur le marché nord-américain enregistrent une baisse à deux chiffres (-6,2% pour le groupe dont -13.5% pour la seule marque Volkswagen).
- La dévaluation du Yuan en août 2015 a lancé un mouvement de défiance sur la pérennité de la croissance chinoise. Or, le secteur automobile est exposé à ce marché.
- Le marché automobile américain amorce une consolidation après avoir touché un plus haut historique (17.5 millions de voitures vendues en 2015). Cela ravive les craintes d’une baisse de l’ensemble du marché automobile mondial alors même que la vigueur de la reprise du marché européen pourrait se tarir au 2e semestre.
En conséquence, le secteur se traite à des niveaux de valorisation attractifs : le PE2 moyen de l’indice sectoriel européen ressort à 8.5x3 (contre une moyenne de 10.6x depuis 2006 et un PE de 16x pour le marché européen dans son ensemble).
La valorisation des titres Peugeot et Renault est particulièrement basse : leurs PE respectifs sont actuellement de 7.9x et 6.1x les bénéfices attendus en 2016. Plus spécifiquement, les divisions automobiles des deux constructeurs français sont implicitement valorisées à des niveaux très attractifs. Retraité entre autres de la participation dans l’équipementier Faurecia et de la position de liquidité nette, le titre Peugeot se traite moins de 3x ses bénéfices. La valeur de Renault retraitée de la participation dans Nissan est quant à elle négligeable.
Cette sous-évaluation n’est pas nouvelle mais semble désormais injustifiée tant que le marché automobile mondial ne s’effondre pas. En effet, si les deux constructeurs français doivent encore relever le défi d’accroître leur taille critique et d’améliorer leur pouvoir de fixation des prix, ils sont désormais rentables et générateurs de Free Cash Flows après des années de restructuration.
Le sous-secteur des équipementiers automobiles a également été pénalisé par les craintes de baisse de la production en Chine et aux États-Unis. Or, leur positionnement dans la chaine de valeur ajoutée s’est considérablement renforcé. En effet, leur savoir-faire est crucial pour permettre aux constructeurs de relever les défis de la baisse des émissions polluantes et de l’efficience industrielle, d’où, des opportunités sur le moyen terme :
- Plastic Omnium bénéficie fortement de la tendance séculaire de réduction des émissions polluantes. À travers son activité de carrosserie, le Groupe contribue à l’allègement des véhicules (en proposant des modules en plastique 30% plus légers que ceux en métal). De même, son activité de systèmes de carburant fournit des solutions de réduction des émissions polluantes. L’équipementier affiche une forte croissance de sa production et entend surperformer de 8 points le marché automobile mondial cette année. Selon Myria AM, toute baisse du cours serait une opportunité pour se positionner sur le titre qui a récupéré l’intégralité de la baisse de l’automne 2015 liée au scandale Volkswagen.
- Faurecia, partenaire privilégié des constructeurs mondiaux qui externalisent leurs activités d’aménagement intérieur des véhicules, fournit également des technologies permettant de réduire les émissions polluantes. La fabrication d’équipements en alliage léger lui permet de réduire de 40% le poids des composants. Le groupe commercialise en outre des technologies de récupération de l’énergie d’échappement. Par ailleurs, Faurecia gagne progressivement en taille ce qui lui permet de réaliser des gains de productivité pour viser une nette amélioration de sa rentabilité opérationnelle à 6% en 2018 (contre 4.4% en 2015). Enfin, le titre se traite actuellement à un niveau de valorisation attractif puisque sa valeur d’entreprise ressort à 6.2x le résultat opérationnel 2016 : soit avec une décote sensible par rapport aux autres équipementiers français cotés dont les multiples oscillent entre 9 et 10x le résultat opérationnel attendu pour cette année.
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