"Libre parole" d'Olivier Rozenfeld, Président du Groupe Fidroit
Vous le savez, les plus-values mobilières, en particulier en cas de transmission d’entreprise, sont dorénavant taxées au barème progressif mais profitent d’abattements pour durées de détention.
L’abattement renforcé peut aller jusqu’à 85%. Il faut s’en réjouir. En effet, au-delà de 8 ans on peut ainsi atteindre des taux effectifs d’imposition de 25% y compris lorsque le TMI est de 45%. Nous sommes alors 10 points en-dessous de la moyenne européenne.
Le problème est donc ailleurs pour ceux qui portent un regard critique sur le dispositif. La question est en fait de savoir qui va vraiment en profiter ? Autrement dit, au-delà de l’effet d’annonce, examinons la réalité.
3 hypothèses sont prévues :
- Les cessions intra-familiales
- Les cessions de titres de sociétés qui avaient moins de 10 ans lors de leur acquisition
- Les chefs d’entreprise qui partent à la retraite.
C’est là que je m’interroge : quels sont les (peu de) chanceux qui en profiteront ?
Dans le premier cas, l’acquéreur doit être une personne physique ce qui lui interdit de déduire les intérêts de l’emprunt qu’il va souscrire pour acquérir la société. C’est donc rédhibitoire !
Dans le second cas, la PME concernée ne doit pas résulter d’une restructuration, concentration, extension ou reprise d’activités préexistantes. Autrement dit les opérations de croissance externe, de réorganisation sont proscrites. Autant dire à un chef d’entreprise que l’immobilisme est la seule réponse en matière fiscale ! Vous souhaitez vous développer, non Monsieur, c’est contraire à l’esprit de la loi !
Seul le dernier cas est relativement accessible, si tant est qu’on parte à la retraite ! Mais là aussi il faut respecter scrupuleusement les conditions prévues par le texte.
L’arrêt de la CAA de Paris du 18 mai 2016 (voir « pour aller plus loin ») nous rappelle, les conditions qu’il faut respecter. Attention, soyez rigoureux car elles sont multiples et cumulatives. Beaucoup d’erreurs d’application ont déjà été commises.
Mon souhait :
Que les conditions attachées à un texte soient scrupuleusement respectées ? Oui ! Qu’on fasse une distinction entre un gérant de fait et un gérant de droit ? Ok, même si on pourrait faire remarquer à l’Administration qu’elle cherche parfois à appliquer à une société de fait des règles d’une société immatriculée comme telle.
Mais, de manière générale, on voit bien que certaines conditions comme celles des PME de moins de 10 ans sont antiéconomiques.
On attend donc un assouplissement des textes pour donner son plein effet à un texte par ailleurs positif !
Pour aller plus loin :
Dans une décision récente la Cour Administrative d’Appel de Paris vient de juger que l’administration était fondée à remettre en cause l’exonération de plus-value mobilière prévue par l’article 150-0 D ter du CGI dont se prévalaient les contribuables en raison du non-respect de la condition tenant à la fonction exercée.
Comme dans sa version actuelle, l’article précité, prévoyait que le cédant devait avoir exercé au sein de la société dont les titres sont cédés « de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l’article 885 O bis, l’une des fonctions mentionnées à ce même 1° »
Les fonctions de direction exercées sont celles limitativement énumérées au 1° de l’article 885 O bis du CGI. Pour mémoire, selon les dispositions du 1° de l’article 885 O bis du CGI, les parts ou actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ne peuvent être considérées comme des biens professionnels exonérés au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune que si leur propriétaire est (notamment) :
- gérant, nommé conformément aux statuts, d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions ;
Au cas particulier, le contribuable redressé soutenait qu’au cours de la période en cause il occupait les fonctions de gérant de fait de la société dont les titres avaient été cédés.
La Cour a considéré que cette fonction n’était pas de nature à faire regarder la condition prévue par les dispositions de l’article 150-0 D ter comme remplie, « dès lors que celles-ci réservent le bénéfice de l’abattement qu’elles prévoient aux seuls cédants qui exercent l’une des fonctions limitativement énumérées au 1° de l’article 885 O bis du même code lequel précise qu’il s’agit des fonctions exercées par le gérant nommé conformément aux statuts de la société »
La Cour en a conclu que l’administration était fondée à remettre en cause le droit du contribuable au bénéfice de l’abattement prévu par les dispositions de l’article 150-0 D ter au motif que ce dernier ne remplissait pas l’ensemble des conditions auxquelles il est subordonné.
Olivier Rozenfeld
http://blog.fidroit.fr/
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