Par Edward George, chef économiste d’EBI - Groupe Ecobank
Malgré les difficultés touchant de nombreux pays africains avec la chute du prix des matières premières, certains pays du continent tirent leur épingle du jeu (Ethiopie, Kenya, Côte d’Ivoire etc.) en mettant l’accent sur le développement de leurs infrastructures.
Egalement, malgré quelques mois difficiles pour les marchés africains, le continent dispose de poches de résiliences et de dynamisme sur lesquelles les investisseurs de long terme sont actuellement de retour. Le début de l’année 2016 a été difficile pour les marchés développés et émergents. Les indices boursiers chinois ont plongé de 20%, le S&P de 10,5% et les prix du pétrole ont poursuivi leur baisse de 20% par rapport à leurs niveaux de 2015. Beaucoup de marchés émergents ont été impactés par les incertitudes, le retour de la volatilité et le ralentissement de la demande.
La croissance a fléchi du côté de la Chine et les autres principales économies émergentes - Brésil, Inde et Russie - ont connu également un 1er trimestre difficile. Mais les BRICs ne représentent plus véritablement la totalité de cette classe d’actifs. Pour les investisseurs actifs non « collés » aux indices des marchés émergents trop souvent dominés par quelques pays, secteurs ou valeurs, la période récente fut propice à la consolidation et au renouvellement.
Les principaux producteurs de pétrole africains, le Nigéria et l’Angola, ont souffert au 1er trimestre et les exportateurs de matières premières du continent ont également senti les effets de l’appréciation du dollar et du ralentissement chinois. Cependant, d’autres marchés ont surmonté cette brève période de difficulté. En 2016, le FMI estime que la région devrait croître au final d’environ 4/5% malgré le contexte de chute des prix des matières premières. Avec l’Asie développée, l’Afrique est ainsi la zone géographique connaissant la croissance la plus forte dans le monde.
Le PIB africain reste faible aux environs de 2 300 Mds$ en 2015, équivalent à celui de l’Inde, soit environ 3% du PIB mondial. Mais les pays d’Afrique subsaharienne devraient maintenir des trajectoires de croissance positive à court terme. Le dernier rapport de la Banque mondiale « Pulse Africa » mentionne le Kenya, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie et le Rwanda comme les moteurs de croissance du continent.
Ethiopie : croissance annuelle de 10% au cours de la dernière décennie
Les principaux projets de gaz naturel liquéfié (GNL) sont prévus en Tanzanie et en Ethiopie, ce dernier étant considéré comme une « étoile montante » alors que le gouvernement encourage l’essor de son industrie textile et agro-alimentaire. Le développement des infrastructures passe aussi bien par la construction de barrages hydro-électriques, de voies de chemins de fer et de ports que par le déploiement de la 3G au cours des 3 prochaines années. La croissance réelle du PIB a dépassé 10% par an au cours de la dernière décennie. Elle devrait atteindre 7,6% cette année.
Le Kenya est devenu l’une des destinations les plus attractives d’Afrique pour les flux d’investissements directs dans un grand nombre de secteurs parmi lesquels l’énergie, l’immobilier et le tourisme. L’économie kenyane a connu un taux de croissance moyen de 5% au cours des 10 dernières années, tandis que la Tanzanie voisine réalisait 7% de croissance annuelle sur la même période, un niveau comparable étant attendu pour 2016.
Certaines industries de niche et producteurs de matières premières en Afrique ont franchi des étapes tandis que d’autres échouaient. La sécheresse et d’autres facteurs négatifs ayant touché le Brésil ont permis d’accroître la demande de café éthiopien et kenyan, tandis que les services financiers, les opérateurs télécoms et les fournisseurs alternatifs d’énergie ont connu une croissance accrue. Dans des secteurs comme celui du brassage, où les prix ont chuté au cours des derniers mois, les niveaux de valorisation deviennent à nouveau attrayants pour les investisseurs.
Des économies non dépendantes du pétrole comme l’Ethiopie, le Mozambique et la Côte d’Ivoire continuent de soutenir le développement de leurs infrastructures pour construire des économies plus diversifiées capables de délivrer des taux de croissance du PIB entre 7 et 8%. La chute des prix du pétrole pousse de nombreux pays africains à accélérer la réforme de leur fiscalité et de leur système de subventions, ce qui soutiendra la poursuite de leur croissance.
Bien que le taux de change reste un élément de pression, la volatilité de nombreuses devises africaines s’est réduite. Cela est particulièrement vrai pour le kwanza angolais, le shilling kenyan et le cedi ghanéen, mettant en relief l’effondrement des risques exogènes et les efforts réalisés par les banques centrales africaines pour renforcer l’efficacité de leurs politiques monétaires.
L’Afrique subsaharienne plutôt que les BRIC’s
Le Ghana a été regardé de près par les investisseurs en 2015. Alors que le gouvernement a mis en place un plan de stabilisation financière avec l’aide du FMI, la confiance est de retour et le taux de croissance du PIB attendu en hausse. D’autres efforts doivent être encore réalisés pour renforcer le système fiscal mais les dépenses déjà réalisées ont abouti à un déficit de 5,6% (inférieur toutefois à l’objectif de 6,8%) pour les onze premiers mois de 2015. Les données disponibles pour l’année indiquent un déficit budgétaire équivalent à 7,1% du PIB contre 10,2% en 2014. Cela suggère une diminution du risque souverain en Afrique.
Dans l’ensemble, l’Afrique sub-saharienne va bien mieux que les BRIC’s, chouchous précédents des marchés émergents, subissant tous une crise de confiance. La croissance du PIB dans de nombreux pays africains est deux fois plus élevée que dans la plupart des pays développés. Les facteurs de long terme qui vont continuer de soutenir cette croissance sont une démographie favorable, des ressources abondantes et une demande domestique en progression. En outre, les marchés africains sont moins dépendants des investissements étrangers depuis que la base de leurs économies domestiques et des échanges inter-régionaux s’est accru.
Les investisseurs passifs « collés » à des produits indexés, ou ceux essayant de tirer profit de la volatilité des prix ou des objectifs trimestriels vont ressentir douloureusement les baisses de cout terme. Même s’il y a déjà eu un rebond important. L’Institut de la finance internationale (IIF) estime que les investissements étrangers ont déversé pas moins de 37 Mds$ sur les marchés émergents en mars, le plus haut niveau de flux entrants enregistré depuis 2 ans.
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