Le point de vue de Cyril Kammoun, CEO de Degroof Petercam Finance
Malgré le ralentissement en cours dans l’Empire du Milieu, les acquisitions d’entreprises étrangères par des acteurs chinois se poursuivent à un rythme effréné. Cette lame de fonds s’inscrit dans une dynamique de long terme.
Les entreprises chinoises poursuivent leur stratégie de développement international en ciblant tout particulièrement les entreprises européennes. Les exemples ne manquent pas :
- ChemChina, entreprise publique, est en passe de s’offrir le groupe suisse Syngenta, spécialiste des semences et des pesticides, ce qui pourrait devenir l'une des plus importantes acquisitions d'une entreprise étrangère par un groupe chinois ;
- Beijing Entreprises lorgne sur l’énergéticien allemand EEW ;
- le groupe hôtelier Jin Jiang vient de se renforcer dans le capital d’Accor en détenant désormais 11,7% du capital de son concurrent français.
Cette tendance à la multiplication des acquisitions étrangères par des entreprises chinoises va de pair avec la multiplication des secteurs ciblés et s’inscrit dans une optique de long terme. En Chine, l’enrichissement des entrepreneurs, affiliés voire étroitement contrôlés par le Parti communiste, ne résulte pas d’initiatives individuelles. Un milliardaire chinois reste partie prenante d’une patrie qui a une revanche à prendre sur l’Histoire. Ce patriotisme ardent est une donnée fondamentale pour comprendre le développement de la Chine des trente dernières années. La puissance chinoise repose sur une démographie et des bases historiques et culturelles très fortes qui permettent aux élites chinoises de se projeter dans l’avenir. Les groupes contrôlés par l’Etat peuvent également compter sur la mise à disposition de liquidités conséquentes. Les réserves de change chinoises restent supérieures à 3 000 Mds€ malgré la politique d'intense soutien au yuan menée ces derniers mois.
Pas de contraintes de court terme
Il faut changer notre regard sur la Chine et ne plus concevoir uniquement l’économie chinoise comme « l’atelier » du monde destiné à fournir des biens de qualité médiocre ou juste des copies de savoir-faire des pays développés. L’accès à la technologie occidentale par les entreprises chinoises ne vise pas, contrairement aux idées reçues, à s'accaparer l’innovation pour prendre le contrôle de nos marchés mais davantage à développer leur marché intérieur. Le prix élevé payé lors de certaines acquisitions témoigne d’une vision de long terme. Les Chinois ne cherchent pas à faire le « deal » le plus économique ou rentable à court terme mais à conquérir des « marques » ou des technologies capables de déployer leur potentiel sur le marché chinois ou plus largement la zone « Asie Pacifique » en priorité. Le taux de retour sur investissement à court terme n’est pas l’objectif prioritaire.
Par ailleurs, les sociétés chinoises ont peu accès aux marchés financiers internationaux. Les conglomérats chinois n’ont pas la capacité d’emprunt des multinationales occidentales qui lancent régulièrement et aisément des émissions obligataires ou des augmentations de capital. En prenant le contrôle de groupes étrangers, ces conglomérats chinois s’offrent une crédibilité, une signature pour financer leur développement, en leverageant des actifs ou des marques matures et établies, et en redéployant les liquidités sur des ensembles corporate plus larges, ou sur des zones de croissance forte.
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